Un « Toutânkhamon britannique » ! C'est ainsi qu'a été baptisée la découverte, à la fin des années 1930, d'une tombe d'un genre peu commun au sud-est de l'Angleterre. Quelques coups de pioche et c'est tout un peuple qui a surgi de terre...
Un promontoire, une quinzaine de bosses au milieu des champs... En cette période d'avant-guerre, Sutton Hoo présente une configuration bien étrange. Pour Edith Pretty, la propriétaire de ce coin de terre du Suffolk, ces bubons saugrenus ne peuvent être que des témoignages de peuples anciens. Après tout, si les Égyptiens et les Grecs ont laissé de fascinantes traces de leur passage sur Terre, comme elle a pu le constater dans ses voyages, pourquoi ses ancêtres lointains n'auraient-ils pas fait la même chose ?
Pour en avoir le cœur net, notre veuve décide d'embaucher un archéologue amateur local, Basil Brown. En juin 1938, les premiers coups de pelle sont encourageants : si les trois tumuli visités ont déjà été pillés, ils n'en livrent pas moins des objets de premier ordre, tels qu'une boucle et des fragments de vaisselle en argent. Pour Brown, cela ne fait aucun doute : ces reliques datent de l'époque anglo-saxone, c'est-à-dire des années 600-650, période particulièrement mal connue et donc mal-aimée. Il faut continuer !
Nos passionnés vont donc s'attaquer au plus grand tumulus. Il suffit d'enlever quelques seaux de terre pour que déjà apparaissent des résidus de rouille, des rivets en fer et des traces de planche de bois. Un navire !
Si le bateau en bois de 27 mètres de long, « échoué » à 15 km de la côte, a depuis longtemps disparu, son empreinte conservée dans le sol sableux est parfaitement visible. Les fouilles reprennent de plus belle sous la direction de Charles Phillips, chef de l'équipe d'archéologues du British Museum venus prêter main forte. Il faut aller vite, la guerre approche à grands pas.
Quelques jours plus tard, on met au jour au centre de l'embarcation une cabine qui fait office de chambre funéraire. À l'intérieur, le défunt est entouré d'un véritable trésor : casque en feuilles de bronze ornées, armure en cottes de mailles, fermoir d'épaule et épée au pommeau en or et grenat, boucle de ceinture en or finement ouvragée...
À ces éléments guerriers s'ajoute une belle bourse contenant de petites barres en or et des pièces mérovingiennes, certainement pour payer les passeurs qui devaient accompagner le mort dans l'autre monde. En à peine plus de deux semaines, ce ne sont pas moins de 260 objets qui retrouvent la lumière du jour. Edith Pretty décide d'en faire don au British Museum qui, bien conscient de l'importance de ce trésor, va le protéger des bombardements du Blitz en le cachant au fond d'une station de métro.
La découverte, en effet, est exceptionnelle non seulement par la qualité des bijoux et ustensiles trouvés, mais aussi parce qu'elle bouleverse la vision que le pays avait alors de cette période de son passé. Les Anglo-Saxons ? Ces successeurs des Romains, ces envahisseurs ne pouvaient être que des barbares insensibles à la beauté, incapables de créer le moindre objet d'art. Sutton Hoo vient définitivement mettre à bas cette croyance et réhabiliter ce peuple si longtemps méprisé.
On en oublierait presque l'hypothèse qui veut que le tombeau soit celui du roi Raedwald, le plus puissant roi d'Angleterre dans les années 620, pour relier le magnifique navire à la légende de Beowulf, le célèbre guerrier. Ce poème épique anglo-saxon n'a-t-il pas été rédigé dans les décennies suivantes ? Grâce à l'obstination d'Edith Pretty, c'est tout un pan de l'histoire de l'Angleterre qui est remonté à la lumière.
Visitez la salle consacrée aux Anglo-Saxons et au trésor de Sutton Hoo au British Museum.
Archéologie sous-marine
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