Carnaval

Le monde à l'envers

Le Narro, figure célèbre du carnaval de Villinger (Allemagne), appelée masquera jusqu'au XVIIIe siècle.Sortez vos masques, mettez vos costumes les plus fous, aujourd'hui tout est permis ! De nombreuses civilisations, à toutes les époques, ont cultivé un irrépressible besoin de transgression : quelques jours par an, à date fixe, on brise les codes, on se déguise, on oublie les bonnes manières et l’on inverse même les rapports hiérarchiques. Le maître sert le serviteur et le serviteur commande au maître.

Dans les sociétés occidentales, en premier lieu celles de culture catholique, cette période d’exception est connue sous le nom de carnaval, c'est-à-dire « carne levare », enlever la viande et faire maigre, en référence aux quarante de jours de jeûne et de pénitence qu’elle annonce ! Une parenthèse attendue et finalement, indispensable.

Carnaval romain sous la Torre dei Conti, Vilh Rosenstand, 1877. Agrandissement : Carnaval, Fedor Adol'fovich Vogt, 1935, musée national d'art de la République de Biélorussie.

Une pause bienvenue dans la monotonie des jours

D'où vient ce besoin, partagé dans nombre de sociétés à travers la planète, d'organiser des mascarades dans lesquelles chacun va faire son possible pour changer son identité ? Le recours au masque, présent dès la Préhistoire, est un indice : en voilant la face du chamane ou du sorcier, il lui permet de perdre son humanité, d'entrer en contact avec des forces invisibles.

La tradition carnavalesque est intimement liée au calendrier. Le cycle des saisons qui offrent un prétexte, tous les ans, à une césure dans la fuite des jours, en général à la fin de l'hiver. On la discerne dans la Babylone du IIe siècle av. J.-C. comme à Rome, avec les Saturnales...

Avec l'arrivée du christianisme, danses, agapes et défilés masqués vont glisser de la fin de l'année solaire, marquée par les Saturnales puis Noël, à la fin de l'année lunaire, avec Pâques comme repère.

Les 40 jours précédant Pâques et sa célèbration de la résurrection du Christ sont une période consacrée à la prière : le Carême. Autant profiter des jours qui le précèdent pour vider les réserves de nourriture périssable et se défouler avant d'entrer en pénitence !

Quel succès ! De joyeux plaisantins escortent Sa Majesté Carnaval, mannequin de paille destiné à finir en fumée en compagnie des mauvais esprits qui traînent.Pieter Brueghel l'Ancien, Le Combat de Carnaval et de Carême, 1559, Vienne, Kunsthistorisches Museum.

Retour au sérieux

Dans les troubles et les guerres qui marquent la fin du Moyen Âge, des prophètes de malheur s’élèvent ici et là contre les outrances du carnaval, prétextes à moquer l’Église et son clergé défaillant.

À Florence, le moine Savonarole remplace les fêtards par des pénitents et fait brûler masques et costumes. C’est finalement lui qui finit sur le bûcher et cette triste fin rend aux Florentins leur joie de vivre.

Il en va autrement de l’autre côté des Alpes, où la prédication de Luther et Calvin conduit les populations à une quête de pureté incompatible avec la débauche du carnaval. Il s’ensuit que dès lors, le carnaval et ses joyeuses transgressions vont se cantonner au monde catholique.

Entrez dans la ronde !

En Italie, le carnaval ne se laisse pas faire ! Il profite de la protection amusée des puissants, qu’il s’agite de Laurent de Médicis, à Florence, ou de sa lointaine cousine Catherine de Médicis, qui introduit la tradition des bals masqués à la cour de France. L’aristocratie s'entiche alors des troupes de commedia dell'arte dont les farces animent les jours de fête.

Mais c'est bien sûr à Venise que les réjouissances vont perdre toute mesure, allant jusqu'à durer l'hiver entier ! Dans les bals masqués qui marquent l’entrée en carême, on ne sait plus qui est bourgeois ou gentilhomme et l'on chercherait en vain à repérer un certain Casanova...

En France, la Révolution et son refus des débordements « païens » ne peut rien contre ces liesses populaires, mais tout change au XIXe siècle avec la bonne société qui les regarde d'un œil quelque peu dégoûté. Alors que monte la méfiance à l'égard des « classes dangereuses », on n'accepte plus ses débordements qui choquent la morale : comment peut-on se laisser aller ainsi ?

Carnaval, doucement mais sûrement tué par les élites, disparaît des rues de Paris. Dans le reste de la France qui voit l'ascension de la bourgeoisie, le carnaval devient un outil de promotion permettant aux personnalités et industriels d'afficher leur prestige grâce à des chars de plus en plus grandioses.

Toutes les couleurs du carnaval

Aujourd'hui, le carnaval s'est implanté dans une bonne partie du monde, mais reste cantonné pour l’essentiel aux sociétés de tradition catholique. C'est ainsi que vous le trouverez notamment au Québec et à la Nouvelle-Orléans, héritage des Français, mais aussi à Goa, en Amérique du sud et dans les Caraïbes, où il a suivi les colons portugais, espagnols et français.

L'autre zone où le carnaval reste à la fête se trouve dans le Nord de la France et la Belgique. Depuis le XVIIe siècle, les carnavaleux de Dunkerque rivalisent d'imagination pour fêter « les Trois Joyeuses », ces journées qui précédaient le départ en mer des pêcheurs de morue. Et volent les harengs !

Publié ou mis à jour le : 2022-03-12 08:30:18
Gramoune (31-03-2022 14:41:26)

Vous oubliez l'Allemagne et la Suisse alémanique bien
protestante, où le Carnaval ou Fastnacht est bien
actif et très suivi.

Utopia planitias (07-02-2022 22:13:32)

Le carnaval c’est le théâtre social inversé.

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