Révolution Meiji

Le japonisme, une passion française

L’ouverture du commerce entre le Japon, l’Europe et les États-Unis fait naître en Occident une vogue qui se propage en un éclair dans tous les arts. En 2018, à l’occasion des 150 ans de l’ère Meiji, plusieurs expositions parisiennes se penchent sur ce phénomène que l’on surnomme dès 1872 le japonisme...

Ando Hiroshigé, estampe « Le temple de Kinryuzan à Asakusa », Série des « Cent vues célèbres d’Edo », Japon, 1856 Musée des Arts Décoratifs, ParisContrairement à une idée reçue, l’isolement du Japon de 1639 à 1854 ne fut pas absolu. En 1641, les Néerlandais reçoivent l’exclusivité de la présence commerciale européenne dans le pays, grâce à la construction d’une île artificielle, Dejima, au large de Nagasaki.

S’y instaurent des échanges de produits prisés, tels que la soie ou la porcelaine d’Arita et d’Imari vers l’Occident, tandis que les Néerlandais introduisent d’exotiques objets européens dans l’archipel nippon, notamment des traités de peinture.

C’est ainsi que l’on trouve, dans certaines estampes japonaises, l’usage de règles artistiques occidentales (perspective en point de fuite, etc.), et que de riches Européens deviennent collectionneurs, telle la reine Marie-Antoinette, qui se prend de passion pour les laques du Japon.

L’avènement de l’ère Meiji en 1868 fait basculer ces relations dans une dimension inédite. Japon et Occident se lancent dans une découverte mutuelle. Celle-ci se traduit, en Europe et aux États-Unis, par un engouement massif pour les objets japonais, qui culmine à la fin du xixe siècle.

La Japonaise (Camille Monet en kimono, par Claude Monet, 1876)Cette mode, appelée « japonisme », touche les collectionneurs et tous les arts, de Monet, peignant en 1876 La Japonaise, Madame Monet en kimono, à Puccini, qui fait chanter à Madame Butterfly son désespoir dans l’opéra éponyme de 1904.

La littérature, des frères Goncourt à Proust, et surtout les arts décoratifs n’échappent pas à cette frénésie dépaysante : mobilier, vases et paravents japonisants, ornés de fleurs, d’oiseaux, de poissons, envahissent les intérieurs bourgeois.

En peinture, c’est l’ukiyo-e – l’art populaire des estampes japonaises représentant un instant du quotidien – qui va jouer un rôle majeur auprès des avant-gardes parisiennes.

Les artistes achètent ces productions typiques dans des échoppes comme celle du père Tanguy. C’est là que se fournit Van Gogh, grand amateur d’art nippon ; il peindra d’ailleurs en 1887 un célèbre portrait du patron entouré des estampes de son incontournable boutique. Manet réalise quant à lui en 1868 le portrait de son ami, l’écrivain Émile Zola ; aux côtés de ce dernier : une estampe et un paravent japonisant.

Histoire & Civilisations

Histoire & Civlisations N°42, septembre 2018Cet article est extrait d'un dossier consacré au Japon, par le magazine Histoire & Civilisations n°42, septembre 2018) [intertitre et illustrations sont de Herodote.net]. Vous pouvez le découvrir en version originale.

Outre ce dossier consacré au 150e anniversaire de la révolution Meiji, le magazine recèle aussi un article très fourni sur la naissance des grands magasins sous le Second Empire ainsi qu'un portrait de Savonarole...

Chaque mois, sous la plume d’historiens reconnus, Histoire & Civilisations vous emmène sur les traces des cités mythiques, fait revivre le quotidien de nos ancêtres, mais aussi des événements qui ont marqué notre humanité.

Un art hors des conventions

Des impressionnistes aux nabis, qu’est-ce qui fascine autant les avant-gardes pour affecter ainsi leur art ? Comme la découverte des arts premiers au début du xxe siècle, celle de l’art japonais remet en cause les règles figées de l’académisme et déroute les conventions picturales occidentales.

L’importance de la ligne fluide et la simplification du dessin des estampes inspirent les personnages schématiques et expressifs de Toulouse-Lautrec ; quant à Bonnard, il reprend le traitement des couleurs par aplats, sans modelé, pour les vêtements de ses personnages.

De Degas à Mary Cassatt, chacun incorpore à sa manière, dans sa pratique, un aspect de cet art pour réinventer son style et ébranler les normes.

Rats mangeant une tête de poisson (Kawanabe Kyosai, Dessins pour le plaisir, 1881, musée Guimet)

Autour du 150e anniversaire

Jomon (Maison de la culture du Japon)Aujourd’hui, la France reste fascinée par le Japon. Trois grandes expositions se tiendront notamment à Paris, explorant les différents aspects des relations franco-japonaises :

Meiji - Splendeurs du Japon impérial (musée Guimet, du 17 octobre 2018 au 14 janvier 2019) : le musée Guimet se concentre plus particulièrement sur le bouleversement que furent ces temps nouveaux pour le Japon.

Japon-Japonismes, 1867-2018 (musée des Arts décoratifs, du 15 novembre 2018 au 3 mars 2019) : le musée des Arts décoratifs explore pour sa part les échanges et les influences artistiques réciproques, toujours d’actualité.

Jômon (musée des Arts décoratifs, du 17 octobre au 8 décembre 2018) : la Maison de la culture du Japon à Paris remonte le temps avec l’exposition « Jômon&nbsdp;», consacrée à cette civilisation ancienne, qui s’épanouit d e 1000 à 400 av. J.-C.

Émilie Formoso, journaliste (Histoire & Civilisations)
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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