Il était une fois un dessinateur alsacien qui adorait terrifier les petits enfants et secouer les consciences des grands. En deux coups de crayon, Tomi Ungerer était capable de faire pleurer dans les chaumières avec le récit d'Otto l'ours en peluche, avant de se montrer féroce dans ses affiches politiques et provocant avec ses dessins érotico-pornographiques.
Boudé par ses compatriotes, il a acquis la célébrité aux États-Unis où ses dessins dénonçant la ségrégation et la guerre du Vietnam sont devenus des icônes. Mais le 9 février 2019, l'illustrateur est parti discrètement à 87 ans exercer son talent chez Jean de la Lune, laissant seuls Flix le chien, Emil le poulpe et Trémolo le musicien. Rejoignons-les pour rendre hommage à ce maître du dessin, qui restera le dessinateur le plus fécond du XXe siècle.
Le dessin pour ligne de vie
Né à Strasbourg en 1931 dans une famille d’horlogers, Jean-Thomas Ungerer, dit Tomi, perd son père écrivain alors qu’il n’a que quatre ans. Au même âge, il découvre le plaisir de dessiner, encouragé par sa mère.
En juin 1940, c’est l’occupation allemande. Obligé de fréquenter une école d’où le français est banni, Tomi va déployer ce qu’il appellera plus tard son « caméléonisme », devenant « Français à la maison, Alsacien dans la rue, et Allemand à l’école ».
Pour échapper à l’embrigadement dans les Jeunesses hitlériennes, il fait valoir une vieille fracture à la tête. Il a de qui tenir. Sa mère, dénoncée par une voisine, ressort la tête haute de la Kommandantur après avoir soutenu mordicus que l’Allemagne aurait besoin de francophones !
Au sortir de la guerre, il rate son bac et voyage en Laponie puis en Algérie. En 1953, il entre à l’École municipale des arts décoratifs de Strasbourg mais ses histoires de petits cochons laissent les éditeurs dubitatifs. Qu’à cela ne tienne !
Il part pour les États-Unis et réussit à se faire publier par Life et le New York Times ! Mieux encore : il fait intégrer dans ses histoires des animaux qui font peur. Il conçoit alors des albums devenus des classiques comme Les Trois Brigands (1961) ou Jean de la Lune (1966).
En parallèle, il dessine des affiches critiquant la société américaine, ce qui lui vaudra d’être mis sur écoute, menacé et même arrêté quelques heures par le FBI.
Au début des années 70, il s’installe en Irlande mais continue de faire grincer des dents avec l’histoire d’un chaton en rébellion contre sa propre mère (Pas de baiser pour Maman) qui bouquine sur la cuvette des toilettes…
Tomi Ungerer est aussi un collectionneur de jouets. En 2007, il fait don de ses 6 500 pièces au Centre international de l’illustration de Strasbourg. L’établissement abrite également un musée consacré à son œuvre auquel il a offert 11 000 dessins.
Affaibli par la maladie, le dessinateur se reconvertit dans les collages et associations d’objets, s’efforçant de vivre en suivant une devise qu’il avait inventée, « Tumor with humor ».
La mort cesse de goûter à son sens de l’humour le 9 février 2019. Au terme d’une existence de 87 ans, il laisse à la postérité 40 000 dessins.
La littérature jeunesse
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible