Été 1962 : parmi les principales victimes de l'évacuation hâtive de l'Algérie figurent 260 000 musulmans qui ont servi les autorités françaises en qualité de harkis (supplétifs de l'armée) mais aussi comme élus, fonctionnaires ou militaires de carrière. Avec leur famille, ils représentent un million de personnes, soit un effectif équivalent à celui de la population « européenne » (pieds-noirs et juifs locaux). 93 000 de ces musulmans ont pu gagner la France et la plupart des autres se sont réinsérés vaille que vaille dans l'Algérie indépendante.
Mais 50 000 harkis, empêchés de partir, ont été massacrés dans les semaines qui suivirent la proclamation du « cessez-le-feu », d'après l'historien Charles-André Ageron (Libération, 30 août 2001). Ils ont payé de leur vie leur engagement au côté de l'ancienne puissance coloniale, victimes de vengeances locales ou d'une justice expéditive. Quelques rares témoignages font état de cruautés extrêmes. Mais leur évocation est demeurée taboue en France jusqu'à la fin des années 1990.
Répudiés par tous
Les harkis bénéficiaient d'une solde enviable mais n'avaient pas le statut militaire et disposaient d'un armement rudimentaire limité le plus souvent à un fusil de chasse. Ils servaient comme interprètes, cuisiniers... ou protégeaient les villages. Ils étaient communément appelés harkis d'après le nom donné à leur formation : harka (« mouvement » en langue arabe). Le général de Gaulle lui-même, le président de la République, se montra réticent à leur transfert en métropole. Quant aux communistes, très influents dans la gauche française, ils assimilaient ces harkis à des « collabos » et ne s'affligeaient aucunement de leur sort.
C'est ainsi que les officiers reçurent l'ordre de les désarmer et, pour vaincre leur méfiance, beaucoup usèrent du prétexte d'une inspection de routine. Le ministre des Affaires algériennes Louis Joxe interdit formellement l'embarquement des harkis sur les navires à destination de la métropole.
Les musulmans qui purent gagner la métropole, y compris femmes, enfants et famille proche, durent leur salut à des officiers qui ne supportèrent pas d'abandonner leurs hommes et, pour cela, bafouèrent les consignes des autorités supérieures. Beaucoup de ces officiers, traumatisés par l'attitude du général de Gaulle et de son gouvernement, rejoignirent un peu plus tard l'OAS.
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Voir les 8 commentaires sur cet article
manoon (31-10-2021 14:16:11)
venant du Général de Gaule, rien ne m'étonne plus. S'il fut un héro en 1940, comment le qualifier, lui qui à la veille de la guerre des 6 jours fit appliquer un embargo sur les armes françaises comman... Lire la suite
pierre (11-10-2021 16:39:30)
je doute que le chiffre de 50 mille harkis massacrés après le départ des français soit juste. Plusieurs témoignages reçu par mon père de musulmans restés en Algérie ont parlé de villages entiers et de... Lire la suite
Andrée.S (03-10-2021 06:29:57)
Je peux affirmer que la guerre d'Algérie avait déjà une connotation religieuse. Je m'explique ; née en 1933 pendant mes études je demande à une amie de cours , musulmane et dont le père décédé était ... Lire la suite