Pendant près de cinq siècles, de la découverte de l'Amérique à la découverte de la pénicilline, la syphilis a fait figure de maladie honteuse par excellence, en lien avec le sexe et la luxure. C'était avant l'apparition du sida...
Le « cadeau » des Indiens à Christophe Colomb
Le capitaine Martin Alonzo Pinzon, compagnon de Christophe Colomb, fut en 1493 la première victime européenne de la syphilis, une maladie vénérienne mortelle, jusque-là inconnue dans le Vieux Monde.
La syphilis allait dès lors contaminer en un temps record la péninsule italienne, profitant de la guerre entreprise par le roi de France, Charles VIII, le 25 janvier 1494, première des guerres d'Italie. Cela lui valut d'être surnommée le « mal de Naples » par les Français... et « morbo gallico » ou mal gaulois, par les Italiens.
En 1504, un médecin espagnol, Rodrigo Diaz de l'Isla, la décrivit correctement et situa son foyer dans l'île d'Hispaniola (aujourd'hui Haïti). On comprit alors qu'elle avait été amenée en Europe par les marins de Colomb en contact avec les femmes Taïnos.
La terrible maladie importée du Nouveau Monde a été qualifiée de syphilis vers 1530 (d'après un personnage des Métamorphoses d'Ovide). Elle a été aussi appelée vérole. Et plus tard grande vérole pour la distinguer de la petite vérole, surnom de la variole.
La variole, maladie infectieuse du Vieux Monde, n'a rien à voir avec la syphilis mais, à l'inverse de celle-ci, elle a contaminé en un temps record le Nouveau Monde au XVIe siècle et en a décimé les habitants.
La mondialisation, une réalité dès 1500
Au XVIe siècle, la maladie poursuit sa course dans tout le Vieux Monde, jusqu'en Chine et au Japon. Elle est introduite en Extrême-Orient par les Portugais, lesquels ont établi un comptoir à Macao, à l'embouchure de la rivière des Perles, en aval de Canton, et fait son apparition à Canton, en Chine du sud, dès 1511, à peine plus de quinze ans après son introduction en Europe.
La syphilis se manifeste chez les hommes par l'apparition d'un chancre sur les parties génitales puis, dans une phase secondaire, par une éruption sur tout le corps, enfin par une paralysie mortelle du cerveau, du coeur ou de l'aorte.
Chez les femmes, la maladie peut se développer sans qu'on y prenne garde du fait de l'absence de chancre au stade primaire. La syphilis secondaire se traduit en particulier par l'apparition de pigmentations autour du cou des femmes qui en sont atteintes. C'est ce qu'on appelle ironiquement le « collier de Vénus ». Dans sa conférence à l'Académie française, Le corps : esthétique et cosmétique, le philosophe Michel Serres suppose que c'est afin de le cacher que les coquettes de la fin de la Renaissance ont lancé la mode de la fraise, une collerette de dentelle à plusieurs couches superposées.
La syphilis n'a pu être maîtrisée qu'au XXe siècle, grâce à la découverte des antibiotiques. On ne connaissait auparavant d'autre remède que l'enduction du chancre avec une solution à base de mercure, pour soulager le mal.
Analogue au sida actuel par ses méfaits, la syphilis a frappé de nombreuses personnalités comme Alfred de Musset, Guy de Maupassant, Alphonse Daudet, le président Paul Deschanel, qui sauta en pyjama d'un train de nuit, le général Gamelin qui commandait les troupes françaises lors de l'invasion du territoire par la Wehrmacht...
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