Aussi loin que nous remontions dans notre Histoire, nous voyons combien les hommes et les femmes ont cultivé le souci de leur apparence. La mode en est l'expression. Elle permet à chacun de se mettre en valeur, de se faire estimer et désirer, mais aussi de s'identifier à son groupe social et à son temps.
C'est si vrai qu'aujourd'hui, le plus sûr moyen de dater une peinture ancienne ou une oeuvre d'art est de détailler les vêtements et les parures des personnages qu'elle représente. Nous vous convions ci-après à cet exercice.
Au commencement... la feuille de vigne ?
Faute de poils ou de plumes, l'être humain a dû faire marcher très tôt son intelligence pour se protéger du climat. Et le plus pratique était encore de se servir sur ceux qui en avaient : voici donc les premiers hommes recouverts de fourrures douillettes. Très tôt, nos ancêtres inventent l'aiguille : un outil modeste mais essentiel pour la confection de vêtements cousus.
Les peaux de bêtes tannées ont la faveur des habitants des régions froides. Certaines populations, comme les Mongols, fabriquent aussi des feutres par malaxage de poils ou laines. Ce sont les premières étoffes. À la faveur de la sédentarisation, les habitants des régions chaudes ou tempérées se mettent aussi à tisser les fibres végétales (lin) ou animales (laine).
Et pourquoi ne pas se servir de la seconde peau pour marquer son rang ? Des colliers de dents feront l'affaire, agrémentés de coquillages, plumes ou os qui tiennent souvent lieu dans les régions chaudes de seuls costumes.
Mais nos Adam et Ève ont mangé le fruit défendu qui leur a révélé leur nudité : le vêtement a donc eu également pour fonction de préserver leur pudeur.
Antiquité : simple mais pratique
La chaleur de l'Égypte ne laissant guère de place à la fourrure, les habitants de la vallée du Nil font un triomphe au lin qui leur permet de créer fourreaux et pagnes tout en légèreté.
Légèreté peut rimer avec confort, élégance et même sophistication.
Les fresques de l'ancienne Égypte détaillent avec précision le vêtement des hommes et des femmes, des souverains, des nobles, des danseuses, aussi bien que des paysans.
Le souci de la mode apparaît très tôt : la « Parisienne » de Crète (1500 ans avant notre ère) en est la preuve presque vivante avec son fin profil au discret maquillage.
Dans la Grèce antique, les dames, comme les messieurs, s'enveloppent dans un « chiton » à taille unique qui s'agrafe sur l'épaule et se serre à la taille.
Ces vêtements sont généralement de couleur brune mais les classes supérieures s'autorisent des couleurs vives.
Plus tard, les patriciens romains portent couramment la tunique, ne réservant l'encombrante toge de six mètres qu'aux grandes occasions.
La couleur reste rare, mais tous n'hésitent pas à faire étalage de leurs richesses à l'aide de somptueux bijoux.
Plus pudiques que les Grecs, les Romains ne pratiquent pas la nudité au gymnase et certaines fresques nous montrent de jeunes femmes athlètes dans un « bikini » d'allure très moderne.
Byzance, profitant des échanges avec l'Extrême-Orient et de l'acclimatation des vers à soie, rompt avec l'austérité romaine.
Les représentants des classes supérieures s'enveloppent de très riches costumes de coton et de soie colorés.
Les empereurs d'Orient cultivent une pompe somptueuse dont la pourpre est le symbole.
Les Gaulois, moins rustres qu'on ne l'entend dire parfois, diffusent l'usage des braies ou pantalons.
Il s'agit de vêtements cousus et, comme ils s'adaptent à la forme et aux mouvements du corps, il n'est pas besoin de les ôter dans les tâches ardues, aux champs ou à l'atelier, comme c'est le cas avec les simples tuniques.
Jusqu'à la fin du Moyen Âge, cette tenue évolue peu.
Les pauvres, il est vrai, n'ont guère le choix de l'habillement et revêtent ce qu'ils trouvent : hardes, chemises, tuniques, braies...
Des tatouages aux lourdes armures de la Renaissance, l'homme s'est toujours ingénié à protéger son corps contre toute agression. Casques de bronze des Spartiates, cottes de mailles des croisés et gilets pare-balle modernes font partie de la panoplie adoptée par le soldat à travers les siècles pour mettre son corps à l'abri.
Le vêtement militaire peut aussi avoir une fonction pratique, en permettant de distinguer les armées, mais aussi plus psychologique : il s'agit d'impressionner l'ennemi par des couleurs criardes ou des formes agressives. Parfois, l'habit du soldat parvient à se faire une place dans la vie civile, à l'image du trench-coat ou « manteau de tranchée » qui fit les beaux jours du cinéma noir américain.
Moyen Âge : du hennin à la poulaine
Aux temps carolingiens apparaît dans la classe supérieure une tenue plus ou moins spécifique, telle qu'elle ressort de la description que le chroniqueur Eginhard fait de l'empereur Charlemagne : « Il portait la tenue nationale c'est-à-dire franque ;... un haut-de-chausse attaché avec des bandes protégeait ses membres inférieurs et des souliers, ses pieds, et il couvrait ses épaules et sa poitrine d'une jaquette ajustée... Sur le tout, il jetait un manteau bleu » (Dominique Waquet et Marion Laporte, La mode, 1999).
La « tapisserie de la reine Mathilde » nous offre une représentation réaliste des Occidentaux, essentiellement des guerriers, aux alentours de l'An Mil.
Les hommes portent culottes et tuniques ; ils sont imberbes, avec une coupe au bol.
Rien à voir avec les temps mérovingiens, un demi-millénaire plus tôt, quand les cheveux courts et le visage glabre étaient le propre des ecclésiastiques.
Dans la deuxième moitié du Moyen Âge, l'apparence devient peu à peu signe d'appartenance sociale. Les groupes et les corps de métiers tendent à se différencier par la forme ou la couleur de leur tenue qui devient plus variée et riche grâce aux apports des croisades.
À partir de 1380, on porte la « houppelande », un confortable manteau sans manches aussi baptisé « robe », mais elle passera de mode au milieu du siècle suivant.
Au XVe siècle, la garde-robe se divise horizontalement et le corps se corsète, le vêtement en soulignant les formes, tant masculines que féminines.
L'homme s'habille d'une veste courte serrée à la taille avec une ceinture, de façon à souligner le bombement du torse : le « pourpoint ». Il porte des chausses (ou bas) protégées au niveau des pieds par des « poulaines » (chaussures étroites et effilées, parfois si longues qu'il faut les renforcer avec du métal). La mode, au milieu du XVe siècle, est aux bas bicolores (chaque jambe d'une couleur).
La femme, qui se doit d'être élancée, met sa taille en valeur avec un corsage et une jupe tout en gagnant encore des centimètres à l'aide d'un chapeau comme le fameux hennin, sorte de cône qui fait fureur à partir de 1450 environ. Mais l'esthétique veut aussi qu'elle souligne la rondeur de son ventre (les temps ont bien changé !).
La mode vient généralement d'en haut. Agnès Sorel, maîtresse officielle du roi Charles VII de 1444 à 1450, est considérée par ses contemporains comme la plus belle femme de son temps.
Sûre de ses charmes, elle n'hésite pas à choquer la Cour en mettant en avant ses avantages dans des robes « aux ouvertures de par-devant par lesquelles on voit les tétons » (Jean Jouvenel).
Elle s'épile aussi le front à la poix pour en accentuer la hauteur et cette pratique est imitée par toutes les coquettes de la Cour.
Renaissance : l'Italie à la pointe
À l'Italie de la Renaissance on doit Vinci, Michel-Ange et la fourchette. Mais on sait moins qu'elle apporta aussi à l'Europe le décolleté plongeant et la braguette, pièce de tissu rembourrée qui sublime la puissance de son propriétaire et sert accessoirement de poche (« vain modèle et inutile d'un membre », Montaigne).
C'est également à la fin du XVe siècle et au début du suivant que se multiplient les fentes dans les brocards et velours : ces ouvertures ou « crevés » viennent, semble-t-il, des lansquenets suisses ou allemands qui, en déchirant leurs vêtements et en les raccommodant avec de la soie ou des brocarts, veulent apparaître plus intimidants, à la manière de nos contemporains qui déchirent leurs jeans pour signifier leur dédain des conventions sociales. La haute société masculine du XVIe siècle s'approprie cette mode pour donner à voir la splendeur de ses dentelles de Flandres ou de ses étoffes fines importées, via Venise, des régions d'Asie.
Et pourquoi ne pas créer des pièces détachables, que l'on peut intervertir à l'envie ? C'est le cas des manches, attachées au vêtement à l'aide de lacets dits « aiguillettes ». Complétez avec une fraise, col plissé et empesé de plus en plus volumineux, qui met en valeur la pâleur du visage, et vous obtiendrez une tenue luxueuse, bien éloignée des costumes ordinaires du peuple.
Notons qu'en cette période de la Renaissance, la mode masculine manifeste plus d'exubérance que la mode féminine ! C'est un phénomène assez rare dans l'Histoire pour être relevé.
Notons encore que, de François Ier à Henri IV, la barbe fait un retour en force après plusieurs siècles de dédain. Elle disparaîtra aussi vite qu'elle est venue pour ne plus réapparaître qu'à la fin du XIXe siècle.
Pourquoi chercher à créer une garde-robe pour les enfants, ces adultes en miniature ?
Jusqu'au XXe siècle, les bambins sont simplement habillés à l'image de leurs parents...
Tant pis si jupons et chapeaux entravent courses et jeux !
Les garçons ont aussi droit, jusqu'à 6-7 ans, aux cheveux longs et aux robes, avant d'adopter, au XIXe siècle, le grand classique qu'est le costume marin.
Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que les couturiers se penchent enfin sur leur cas et créent à leur intention des vêtements faciles aussi bien à porter qu'à entretenir.
XVIe siècle : le Siècle d'or de l'inconfort
À partir du milieu du XVIe siècle, Réforme et Contre-réforme obligent, fini de rire ! La mode espagnole s'impose, avec toute sa sévérité et son inconfort. L'austérité est de mise, le noir prédomine et chasse le rouge. Les corps souffrent.
Vers 1580 apparaissent les crinolines « à la française » et les « vertugadins » à l'italienne. Il s'agit de jupes bouffantes à armatures. Pour accentuer une silhouette en forme de sablier, la femme comprime qui plus est le haut de son corps dans des corsets à baleines.
L'homme comme la femme se doivent de porter une fraise empesée et malcommode autour du cou. L'homme porte par ailleurs une culotte bouffante, garnie de crin ou de laine. Ses jambes ne sont plus protégées que par des chausses. Le pourpoint, toujours rembourré, est agrémenté d'une panse proéminente factice, le « panseron ».
Tout cela concourt à des silhouettes fières et droites, reflet d'une caste aristocratique imbue d'elle-même.
L'apparition des corsets au XVIe siècle ne doit rien au hasard. En 1492, comme chacun sait, les Européens ont posé le pied sur le continent américain. Pour combler leur gourmandise, ils se sont empressés de développer des plantations de canne à sucre dans les régions tropicales de ce Nouveau Monde (au prix de la traite atlantique).
Hélas, la gourmandise a un prix, l'obésité ! Et c'est afin de cacher leurs rondeurs et bourrelets que les dames de l'aristocratie ont adopté les corsets, si inconfortables fussent-ils ! On a appris très vite à fabriquer ces corsets à partir des fanons de baleines, d'où leur nom de « corsets à baleines ». Il en a résulté le développement à grande échelle de la chasse à la baleine. Petites cause, grands effets...
XVIIe siècle : les rubans du Soleil
La mode se fait bientôt si exubérante que les souverains se croient obligés de sévir. Plusieurs édits somptuaires, sous les règnes d'Henri IV et Louis XIII, contraignent les bourgeois à plus de modestie. La laine regagne du terrain sur la soie. Sous le règne de Louis XIII, les élégants renoncent aux fraises du temps d'Henri IV et leur substituent un jabot, immense col carré plat, bordé de dentelle. Ce col disparaît sous le règne suivant, celui de Louis XIV, au profit des « lavallières », foulards de dentelles inventés par la première favorite royale, Louise de Lavallière, puis des cravates, plus simples mais ô combien difficiles à nouer, inspirées par le foulard des mercenaires croates.
La mode pouvait-elle échapper à l'éclat du Roi-Soleil ? Dans une Cour où chaque détail est soumis à l'étiquette, le choix des étoffes est défini par les saisons : les fourrures ne doivent apparaître qu'à la Toussaint, plus de taffetas une fois l'été envolé. Louis XIV donne le ton en se couvrant de volants de dentelles et de boucles multicolores. Il gagne des centimètres en montant sur des talons et abandonne les chausses pour une culotte large, la « rhingrave », qui croule sous les rubans.
Jusqu'à la fin du siècle, les perruques n'en finissent pas de gagner en volume. La mode en aurait été inaugurée par Louis XIII et développée par Louis XIV, l'un et l'autre soucieux de dissimuler leur calvitie.
Par comparaison, le costume féminin apparaît presque terne, malgré les efforts des maîtresses royales pour rivaliser de créativité. Le corsage est toujours baleiné pour mettre en valeur le décolleté, les manches sont courtes, les jupes (« la modeste », « la friponne » et enfin « la secrète ») s'amoncellent.
Jusqu'au XXe siècle, la blancheur de la peau était restée un critère essentiel de beauté dans nos sociétés. C'est pourquoi on s'ingénia à faire paraître pâles coquets et coquettes, en multipliant les crèmes et poudres et en jouant sur les contrastes. Ainsi apparurent les fards et rouges à lèvre, mais aussi, à la Renaissance, les mouches de taffetas ou de velours, grains de beauté artificiels censés dissimuler les traces de maladie.
Le XVIIIe siècle s'en empare pour en faire un jeu de séduction : voici « la passionnée », appliquée au coin de l'œil, « la galante » qui s'étale au milieu de la joue, « la coquette » qui s'affiche au bord des lèvres ou encore « la provocante », à peine visible sur les seins... Et bien sûr, le maquillage s'accompagne toujours d'une bonne dose de parfum, pour atténuer les odeurs !
Les XVIIe et XVIIIe siècles sont marqués, notons-le, par une morgue aristocratique et des inégalités sans pareille. Aussi les classes sociales se distinguent-elles plus que jamais par la mode, l'apparence et la qualité de l'accoutrement : on repère au premier coup d'oeil un grand seigneur, un hobereau ou un modeste magistrat d'après la qualité de leur perruque ou de leurs vêtements... Et ne parlons pas des gens du peuple, qui donnent l'apparence de vivre sur une autre planète !
Le siècle des Lumières est celui du raffinement et d'une simplicité retrouvée, sous l'influence anglaise. L'Europe copie les vêtements « à la française » c'est-à-dire, pour les femmes, une robe formée d'un corsage près du corps et d'une jupe qui recouvre plusieurs jupons ainsi qu'un « panier » destiné à élargir les hanches.
Dès l'Égypte ancienne, on aime à couvrir sa tête de cheveux postiches pour mieux affirmer sa position sociale. Les riches Romaines passent elles aussi de longues heures à colorer, boucler et coiffer leurs cheveux pour pouvoir présenter de véritables sculptures capillaires. Après plusieurs siècles pendant lesquels on préfère mettre l'accent sur le chapeau ou le bonnet, Louis XIII remet la perruque à la mode pour dissimuler sa calvitie. Son successeur Louis XIV en fait un accessoire de distinction que tout courtisan doit adopter.
Mais l'Histoire a surtout retenu les extravagants « poufs » de Marie-Antoinette et de son entourage : c'est ainsi que pour fêter une victoire maritime contre l'Angleterre, en 1778, les élégantes accrochent à leur pièce-montée chevelue une reproduction de la frégate La Belle-Poule ! Heureusement qu'un ingénieur inventa un système pour plier ces compositions et permettre à ces dames d'entrer dans les voitures...
Le goût de la reine Marie-Antoinette pour les toilettes lui vaut le surnom de « ministre des Modes ». Elle fait la fortune de Marie-Jeanne « Rose » Bertin, couturière de grand talent, qui tient à Paris la boutique du Grand Mogol et crée pour ainsi dire la haute couture.
Pour leur confort, les nobles français adoptent vers 1725 la tenue des cavaliers anglais, le « riding-coat », dont nous ferons la redingote. Ils portent également dans les grandes occasions un habit composé d'un justaucorps, d'une veste longue et d'une culotte en soie qui descend au genou. Celle-ci finit par devenir le symbole de l'aristocratie auquel s'opposent la tenue sombre et sobre des bourgeois, tels les députés du tiers-état aux états généraux de 1789 mais aussi les pantalons de toile des « sans-culottes », les travailleurs manuels et artisans qui animeront les clubs politiques sous la Révolution.
La Révolution, justement, s'épuise en cinq ans à peine. Sitôt Robespierre décapité, les survivants de la Terreur s'en donnent à cœur joie. « Muscadins », « incroyables » et « merveilleuses » se pavanent dans des tenues excentriques et, en ce qui concerne les femmes, généralement vaporeuses et très déshabillées, donnant à voir tous les charmes de l'anatomie.
Paris, capitale européenne de la mode au XVIIIe siècle, retrouve son aura. Aux siècles précédents, le goût français se diffusait à l'ensemble des cours européennes par le biais de poupées habillées de costumes en réduction !
En 1797 est créé le premier magazine de mode : Le journal des dames et des modes. Jusqu'en 1830, il publiera tous les cinq jours des articles illustrés des modèles à suivre. En 1802, il utilise pour la première fois une égérie de la mode pour promouvoir une nouvelle tenue : la délicieuse Juliette Récamier !
La reprise en main par Bonaparte consacre une nouvelle époque. Le style Empire délaisse perruques et frous-frous. Les femmes adoptent des robes aériennes et sages inspirées de l'Antiquité.
En France comme dans le reste de l'Europe, l'on n'a plus d'yeux que pour la carrière des armes. Les officiers se pavanent dans des uniformes rutilants et ce goût de paraître perdurera jusqu'à la Grande Guerre (la boucherie des tranchées va lui porter un goût fatal et il n'y aura plus ensuite que les aviateurs et les marins pour cultiver le goût des beaux uniformes).
XIXe siècle : Vive le coton !
Avec la chute de l'Empire, la Restauration et le triomphe de la Sainte-Alliance, voilà que débarquent sur le Continent de jeunes dandies, tel le célébrissime Georges Brummel, l'élégance faite homme.
La mode masculine s'aligne désormais sur le modèle anglais - comme la mode féminine sur le modèle français -.
Adieu culottes de soie et perruques d'Ancien Régime. Le pantalon et la redingote s'imposent : teintes assorties, vêtements bien coupés, fonctionnels et sobres. La classe, quoi !
Cela ne dure pas. Bientôt la bourgeoisie d'affaires s'empare du pouvoir, en France sous le règne de Louis-Philippe Ier, comme en Angleterre sous celui de Victoria et de son cher et sévère Albert.
Aux siècles précédents, les bourgeois ne rêvaient que d'imiter le faste de la noblesse et de la monarchie ; désormais, c'est la bourgeoisie qui impose ses manières austères et économes.
Les hommes de la haute société adoptent un uniforme de couleur sombre et de coupe stricte (costume complet : gilet, veston et pantalon).
Les femmes, sous le règne de la bourgeoisie, perdent le peu de liberté que leur avait conservé l'Ancien Régime. Ce recul se traduit dans la mode : adieu les tenues vaporeuses du Directoire ; voici le retour des corsets et baleines qui emprisonnent le corps et les obligent à avoir recours fréquemment aux flacons de sel pour retrouver leurs esprits.
La grande nouveauté vient de l'industrie : grâce à la mécanisation du secteur textile et au déferlement du coton, les tissus à motifs envahissent les grands magasins, nouveaux espaces de vente où se pressent coquettes et adeptes de la machine à coudre inventée en 1851.
Il en faut en effet des longueurs de tissu pour couvrir la cage formée par la « crinoline », en vogue sous le Second Empire. Au moins cette jupe libère-t-elle les jambes à la différence des lourds jupons de la génération précédente !
En abaissant considérablement les coûts de production, la mécanisation et la révolution industrielle ont également pour conséquence de démocratiser la mode. Celle-ci élargit son emprise aux classes moyennes et les différences d'habillement entre la haute bourgeoisie et la petite bourgeoisie tendent à se réduire...
En 1858, l'« instituteur de la haute couture », Charles Worth, révolutionne le monde de la mode en offrant à sa clientèle de véritables défilés de modèles tout prêts, au cœur de beaux salons parisiens : la création de luxe est née.
Le XXe siècle voit le triomphe de la haute couture française avec les noms de Paul Poiret et Coco Chanel, qui contribuent à libérer la femme, puis, après-guerre, de Christian Dior et son new look Yves Saint-Laurent, André Courrèges et Pierre Cardin ou plus récemment Jean-Paul Gaultier et Christian Lacroix.
La mode devient un véritable art marqué par des talents forts, tout en restant une industrie avec ses réseaux de diffusion, ses gammes de produits dérivés et ses campagnes de publicité.
XXe siècle : de la grisette à la punkette
La « Belle Époque » (1900-1914) porte bien son nom dans le domaine de la mode puisqu'elle voit les femmes de la bourgeoisie multiplier les commandes auprès de leurs couturières, aidées par les petites grisettes. Paris, qui entre dans le XXe siècle avec la prestigieuse exposition internationale de 1900, devient la capitale mondiale de la mode. De Manaus (Brésil) à Saint-Pétersbourg (Russie), on ne jure que par le chic parisien.
Mais un changement se fait jour avec la vogue de la bicyclette et du sport (c'est la renaissance des Jeux Olympiques) : les femmes de la bonne société se prennent de passion pour la « petite reine » et pour cela adoptent des tenues plus pratiques et plus légères, y compris le pantalon, longtemps réservé aux hommes.
Après le choc de la Première Guerre mondiale, viennent les « Années folles » et la soif de liberté. La jupe courte « à la garçonne » a son heure de gloire mais elle est vite abandonnée... Il n'en va pas de même du soutien-gorge, une innovation tellement plus confortable que le corset d'antan !
Les femmes aspirent à une élégance longiligne, souple, qui épouse les formes.
Les grands couturiers s'en donnent à coeur joie avant la parenthèse de 1940-1945 qui oblige les Françaises à déployer des miracles de débrouille avec des semelles de bois, des bas tracés au crayon et nombre de colifichets pour agrémenter les chapeaux.
Minijupes des années 60, pantalons pattes d'éléphant à fleurs et blousons cloutés des années 70 traduisent le désir de changement de la jeune génération.
La mode, désormais, n'est plus l'apanage des salons parisiens mais se conçoit aussi bien à l'autre bout du monde que dans la rue.
Bibliographie
L'Histoire de la mode en Occident est illustrée par de nombreux ouvrages richement illustrés. Entre autres : Histoire du costume en Occident de l'Antiquité à nos jours (François Boucher, Flammarion, 1965) ; Histoire de la mode et du costume (James Laver, Thames & Hudson, 1969, traduit de l'anglais), Histoire de la mode masculine (Colin Mc Dovell, La Martinière, 1997, traduit de l'anglais).
À noter La mode à travers les siècles, dans L'Histoire de France tout simplement ! (Aurélien et Michelle Fayet, Eyrolles, 2007).
Le corps
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Antoine Malette (16-02-2009 12:24:30)
Article très intéressant, comme à l'habitude. J'ai été très surpris de prendre connaissance de ce "bikini" antique. Lorsque j'ai vu la fresque, je me suis demandé si c'était un anachronisme ... Lire la suite
jean-jacques cocheton (16-02-2009 09:25:32)
Le succès de la perruque au XVIIe siècle s'explique surtout par le besoin de cacher sa maladie. En effet la syphilis et ses traitements (mercure et autres fariboles....)entraînaient d'importantes c... Lire la suite