L’ère Meiji est à l’honneur au musée Guimet des arts asiatiques. Une grande exposition - Meiji, Splendeurs du Japon impérial (1868-1912) - y commémore le 150e anniversaire de cette époque décisive qui a fait basculer le Japon dans la modernité.
Cet événement s’inscrit lui-même dans une autre commémoration, Japonismes 2018, qui marque le 160e anniversaire de l’établissement des relations franco-japonaises.
Le musée Guimet présente ainsi 350 pièces qui mettent en lumière l’extraordinaire inventivité et l’étonnante vivacité des arts japonais durant cette période charnière durant laquelle l’archipel fut soumis à des bouleversements inouïs. Après une période de repli sur lui-même instaurée durant les deux siècles de l’ère Edo (1641-1853), il s’ouvrit à l’Occident.
Le futur empereur Meiji est né en 1852, dans le vieux palais impérial de Kyoto. Prénommé Mutsuhito, il sera le seul survivant des six enfants de son père, l’empereur Komei.
Il arrive au pouvoir alors que le gouvernement militaire isolationniste du shogun Tokugawa est à bout de souffle. Dès son installation sur le trône, le nouvel empereur entreprend de modeler son pays sur l’Occident. Il y voit à juste titre la seule façon d’échapper à une tutelle coloniale. Misant sur une ouverture au reste du monde, le Japon va en un temps record se transformer de fond en comble en se dotant d’une administration de type occidental et en faisant sa révolution industrielle.
Aucune strate de la société japonaise ne pourra échapper à cette mutation profonde. Tous les usages, même ceux établis depuis des siècles, en seront affectés puisque les élites japonaises iront jusqu’à adopter les costumes occidentaux.
Un Japon méconnu
Sous l’impulsion de l’empereur Mutsuhito (1852-1912), le Japon connaît donc une modernisation et une industrialisation rapides, s’accompagnant d’une militarisation croissante. Dans le même temps, il traverse une grande effervescence intellectuelle assortie d’une production artistique florissante.
Les pièces présentées au musée Guimet traduisent la richesse des collections publiques françaises et britanniques. Elles ont le mérite de révéler un chapitre encore trop méconnu de l’histoire des arts japonais. L’exposition doit beaucoup à des prêts de la BnF, du musée d’Orsay, du Victoria & Albert Museum ou du British Museum, mais aussi et surtout à la participation exceptionnelle de la Khalili Collection of Japanese Art.
Son fondateur, le professeur Nasser D. Khalili, tenait à ce que cette manifestation se déroule dans la capitale française : « Il convient de rappeler combien il est important que cette exposition ait lieu à Paris où l’art de Meiji a été présenté pour la première fois au monde. »
Le début de l’exposition est consacré à une présentation de l’établissement de l’Empire. Cette phase s’accompagne de la création d’une imagerie impériale qui peut être comparée à une forme de propagande. Elle montre notamment la première photographie de l’Empereur en costume occidental, réalisée le 8 octobre 1873.
De nombreux clichés révèlent également l’industrialisation et la modernisation de l’espace urbain. Elles ont pour contrepoint des estampes qui traduisent l’évolution du Japon vers le militarisme.
Vivre un moment unique
L’exposition se poursuit en illustrant la construction de l’image artistique et industrielle du pays hors de ses frontières.
C’est durant cette période que seront produits de nombreux bronzes monumentaux pouvant dépasser 2 mètres de hauteur. Ils seront présentés et mis à l’honneur dans plusieurs expositions universelles. Par ailleurs, de somptueux objets d’arts aux techniques avant-gardistes sont également réalisés à la demande de la famille impériale.
La découverte de ces œuvres a le grand mérite de faire évoluer nos représentations de l’art japonais, trop souvent restreintes en Occident aux ukiyo-e, ces délicates estampes d’Utamaro (« Outamaro » en français), Hokusai ou Hiroshige.
L’ère Meiji sera le creuset d’une nouvelle représentation du pays. Elle va voir émerger des images emblématiques d’un Japon éternel véhiculées par les innombrables peintures du mont Fuji ou les pittoresques photographies du pont aux glycines de Kameido.
Le professeur Nasser D. Khalili souhaite d’ailleurs aux visiteurs la chance de vivre un moment unique : « Peut-être nous sera-t-il donné de revivre l’expérience de Van Gogh lorsqu’il a posé les yeux sur les chefs d’œuvre japonais qui l’ont inspiré et de remettre en question, nous aussi, notre idée de la perfection. »...
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