À la fin du IVe siècle, après la mort de Théodose, en 395, et la séparation définitive de l'empire romain entre une entité orientale et une entité occidentale, la « pax romana » n'est plus qu'un souvenir.
Quelque part dans les steppes d'Asie centrale, des conditions climatiques difficiles ont poussé les rudes nomades de ces régions, qui vers l'Extrême-Orient et la Chine, qui vers l'Occident et l'Europe. Menacés par ces nomades (Huns et Turcs), les Germains accentuent leur pression sur les frontières de l'empire romain.
Les empereurs concèdent à certaines tribus le droit de s'établir avec armes et bagages dans telle ou telle région dépeuplée. Les villes de l'empire se font peu sûres. Leurs habitants se réfugient dans les campagnes et se mettent sous la protection de riches et puissants propriétaires. Les échanges commerciaux et l'usage de l'écrit se raréfient. C'en est fini de l'Antiquité tardive, deux siècles durant lesquels Rome a brillé de ses derniers feux.
Du IIIe siècle au Ve siècles, soit en un peu plus de deux siècles, se sont installés dans l'empire romain d'Occident des Germains isolés, en quête de terres ou d'un emploi dans les légions. Ils se portaient volontaires pour les travaux « dont les nationaux ne voulaient plus » selon une formule actuelle... Puis ont fait irruption de façon moins pacifique des tribus entières. Au total toutefois, ces migrants ont représenté des effectifs assez peu nombreux : environ 5% de la population de l'empire romain.
Leurs déplacements ont été qualifié par l'historiographie traditionnelle de « Grandes Invasions ». À l'image de leurs collègues allemands, les historiens français préfèrent aujourd'hui les qualifier de Völkerwanderung ou « Migration des peuples ». Le terme d'invasion est plus approprié aux raids brutaux des Vikings, Hongrois et Sarrasins, aux IXe et Xe siècles.
Le christianisme s'érige en institution
La religion chrétienne devient pour beaucoup d'habitants de l'empire, surtout dans les villes d'Orient, une source de réconfort et d'espérance, en dépit de la concurrence d'autres religions d'origine orientale comme le culte de Mithra. Les empereurs la pratiquent presque sans interruption depuis Constantin Ier le Grand.
Sa popularité lui vaut d'être élevée au rang de religion d'État sous le règne de Théodose Ier le Grand. En 381, deux ans après son arrivée au pouvoir, l'empereur fait interdire les opérations divinatoires. En 391 ou 392, enfin, il interdit l'accès aux temples païens et même les cultes domestiques.
De persécutée, la nouvelle religion se fait à son tour persécutrice. À Alexandrie, en Égypte, où les chrétiens tiennent le haut du pavé, le décret de Théodose Ier interdisant les cultes païens donne lieu à de violentes manifestations. Le Serapeum, ou temple de Sérapis, est pillé et la statue du dieu brûlée. Les chrétiens tués dans l'assaut sont proclamés martyrs par l'empereur.
À l'heure de mourir, en 395, Théodose Ier partage l'empire entre ses deux fils. À l'un l'Orient ; à l'autre l'Occident. Les contemporains ne se doutent pas que cette séparation sera définitive. Elle se retrouve aujourd'hui encore dans la frontière qui sépare la Croatie de la Serbie !
L'Occident débordé
Envahi par les Germains en armes pendant l'hiver 406-407, l'empire romain d'Occident est fractionné en royaumes barbares. Sur les bords du Rhin dominent les Francs (qui donneront leur nom à la France), dans la plaine d'Alsace, les Alamans (d'où le nom d'Allemagne), sur le Rhône les Burgondes (d'où le nom de Bourgogne), autour de Toulouse les Wisigoths, en Italie les Ostrogoths de Théodoric le Grand, en Espagne les Vandales (d'où le nom d'Andalousie).
Rome est mise à sac par une bande de Barbares (410). Saint Augustin, évêque d'Hippone (aujourd'hui en Algérie), s'émeut de ce drame sans précédent qui affecte la Ville éternelle où les apôtres Pierre et Paul, premiers chefs de l'Église chrétienne, ont été martyrisés. Plus tard, sous le règne de l'impératrice Galla Placidia, les Huns, sous la conduite d'Attila, font une incursion en Gaule et menacent Lutèce, défendue par Sainte Geneviève. À Rome, cité ravagée par les invasions et l'insécurité, le dernier empereur d'Occident est déposé par un chef barbare le 4 septembre 476 et ses insignes renvoyés à l'empereur de Constantinople.
L'empire d'Occident ne sera plus jamais relevé... sinon sous une forme très différente, trois siècles plus tard, par Charlemagne !
L'archéologie témoigne d'après l'historien Bryan Ward-Perkins (note) d'« un déclin saisissant du niveau de vie en Occident tout au long des Ve, VIe et VIIe siècles », l'époque des Huns et des Francs. « Tout le monde en fut frappé : des paysans aux rois ». C'en est à peu près fini des circuits commerciaux d'une extrémité à l'autre du monde romain. Chaque territoire est réduit à ses seules ressources, avec de piètres résultats. « Cela peut sembler de prime abord incroyable : la Grande-Bretagne post-romaine tomba à un niveau très inférieur à celui de l'âge de fer pré-romain ». Quant à l'alphabétisation, elle finit par se cantonner au clergé.
La situation se stabilise avec un jeune chef franc du nom de Clovis (de son nom dérive le prénom Louis qui sera celui de 19 rois de France). Clovis soumet toute la Gaule des Pyrénées au Rhin et au-delà. Il obtient le soutien du clergé par sa conversion au catholicisme, ce qui permettra à sa descendance de dominer l'Occident romain pendant trois siècles.
Les guerriers germains, à mesure qu'ils s'installent en Occident, mettent la main sur les meilleures terres et s'emparent bien évidemment du pouvoir. Des sociétés dualistes se mettent en place, dans lesquelles les populations romanisées et les populations barbares sont astreintes à des codes civils et pénaux distincts. Les mariages mixtes sont même souvent prohibés.
La situation évolue sous l'impulsion du roi burgonde Gondebaud. Habile politique, celui-ci promulgue en 502 sur ses terres une loi joliment dite Gombette (d'après son nom). Cette loi a pour effet de rapprocher le statut juridique des sujets gallo-romains et des occupants barbares. Les uns et les autres ont plein accès aux fonctions civiles et militaires. Un comte burgonde et un comte gallo-romain administrent paritairement chaque cité. Les mariages mixtes sont désormais autorisés. Enfin les Burgondes ne se voient plus attribuer que la moitié (!) des terres et non plus les deux tiers.
La loi Gombette va être imitée peu à peu dans les autres royaumes barbares et, en complément de la conversion des envahisseurs à la religion catholique, permettre l'accouchement d'un monde nouveau, accouchement ô combien long et douloureux !
L'Orient épargné
L'empire d'Orient est, lui, relativement épargné par les Germains. Il se transforme en un État bureaucratique. À Constantinople, l'empereur prend rang de chef religieux et omnipotent. Il est vénéré de son vivant à la manière des rois orientaux.
Le principal empereur d'Orient est Justinien. Son règne doit beaucoup aux qualités personnelles de son épouse Théodora, fille d'un simple dompteur d'ours et prostituée repentie. Justinien fait construire la basilique Sainte-Sophie, dédiée à la Sagesse (Sophia en grec). Il entame aussi la compilation du droit romain. Cet ouvrage juridique du nom de Digeste inspirera les légistes européens et notamment les rédacteurs du Code Civil. Nous lui devons une partie de nos lois.
Après la mort de Justinien, l'empire d'Orient est soumis à de vives attaques de la part de nouveaux-venus au nord, Slaves et Bulgares, ainsi que des Perses, ses ennemis traditionnels. Un général victorieux du nom d' Héraclius revêt la pourpre, symbole de l'autorité impériale. Il transforme l'empire romain d'Orient en empire byzantin (du nom de Byzance, nom grec de Constantinople).
Héraclius s'épuise à repousser les Bulgares et les Perses. À la veille de sa mort, en 641, il doit s'accommoder de la conquête de la Syrie et de l'Égypte par des intrus que personne n'attendait : des cavaliers arabes guidés par une nouvelle religion, l'islam.
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Erik (01-12-2016 08:14:46)
Ces barbares arrivés massivement dans nos contrées nous ont très probablement sauvés d'une invasion musulmane qui aurait empêché le développement de notre civilisation.
jpl@herodote (21-04-2009 13:23:04)
La date de 476 est traditionnellement donnée comme la fin de l'Antiquité, début du Moyen-Âge et appelée "Chute de l'Empire Romain". En fait, elle est surtout symbolique. Elle correspond à la fin... Lire la suite