Le 8 octobre 451, tandis que l'Occident romain est mis à sac par les Huns, un grand concile s'ouvre à Chalcédoine, en face de Constantinople, sur la rive asiatique du Bosphore (aujourd'hui Kadiköy). Il va traiter de querelles théologiques très subtiles mais qui auront, pour les chrétiens d'Orient, des conséquences importantes et encore d'actualité.
Chalcédoine est le quatrième et dernier des grands conciles oecuméniques qui mettent en place les structures de la chrétienté, après Nicée (325) : Constantinople (381) et Éphèse (431).
Marcien, qui vient de succéder à son beau-père Théodose II à la tête de l'empire romain d'Orient, a convoqué à Chalcédoine plusieurs centaines d'évêques orientaux et deux légats du pape en vue d'effacer le souvenir malheureux du précédent concile, convoqué à Éphèse (Asie mineure) vint ans ans plus tôt, en 449. Ce concile, qui ne sera plus connu que sous le nom de « brigandage d'Éphèse », s'était séparé sans pouvoir se mettre d'accord sur la nature du Christ.
À Chalcédoine, les évêques conciliaires arrivent enfin à s'accorder sur une définition qui a l'heur de convenir à l'évêque de Rome, le pape Léon 1er. Ils établissent la double nature humaine et divine du Christ dans une parfaite fusion. Ils réaffirment aussi le dogme de la Sainte Trinité (un Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint Esprit).
En conséquence de quoi, le concile renouvelle la condamnation de l'hérésie arienne prononcée au concile de Nicée et qu'ont adoptée des peuples germains comme les Goths et les Vandales. Cette hérésie fait du Christ un simple relais entre les hommes et Dieu.
Le concile renouvelle aussi la condamnation du nestorianisme, ou doctrine de Nestorius, ancien patriarche de Constantinople, qui établit une stricte distinction entre les natures humaine et divine du Christ.
Cette doctrine jugée hérétique va donner naissance à l'église syrienne orientale. Elle va être très active en Orient et jusqu'en Mongolie et en Chine. Des communautés nestoriennes subsistent en Irak comme en Inde.
Il condamne également le monophysisme, doctrine inspirée par un moine d'Alexandrie, Eutychès, qui ne veut voir dans le Christ que la nature divine.
Cette doctrine séduit les chrétiens coptes d'Égypte ainsi que les chrétiens d'Arménie et certaines communautés du Proche-Orient. Aujourd'hui encore, elle a cours dans l'Église copte d'Éthiopie et l'Église syrienne de l'Inde.
Au concile de Chalcédoine, les évêques orientaux complètent leur travail en mettant à égalité le patriarcat de Constantinople et le siège papal de Rome :
« Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale ; mus par ce même motif, les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'Église, tout en étant la seconde après elle; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'Église de Constantinople ».
L'évêque de Rome, autrement dit le pape Léon 1er, n'apprécie guère de voir que le patriarche de Constantinople soit ainsi élevé à son niveau et s'empresse de rejeter ce 28ème et dernier canon des conclusions du concile (« Voeu pour la primauté du siège de Constantinople »). La rupture entre l'orthodoxie et le catholicisme romain est déjà dans l'air.
Plus grave, avec des conséquences plus immédiates, la condamnation du monophysisme heurte les habitants des régions orientales (Syrie, Égypte). Restés fidèles à l'hérésie, ils commencent à prendre leurs distances avec Constantinople.
Deux siècles plus tard, lorsque les Arabes musulmans attaqueront ces régions, ils trouveront devant eux des communautés peu combatives, sinon accueillantes, car peu disposées à défendre l'empereur grec.
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Margane (02-10-2016 17:31:20)
Clair, net, didactique cet article montre à quel point le christianisme a été responsable de la chute de l'empire romain, ses élites se querellant sur des concepts impossible à définir au lieu d... Lire la suite