Le 2 mars 1807, les Anglais interdisent la traite atlantique, c'est-à-dire la déportation des Africains en Amérique, où ils doivent travailler sur les plantations de coton ou de canne à sucre. La loi est agréée par le roi George III le 25 mars suivant.
Trois ans plus tôt, les Danois ont montré la voie en interdisant la traite avant tout le monde. L'année suivante, en 1808, les États-Unis interdisent à leur tour l'importation d'esclaves en provenance d'Afrique (mais non l'esclavage proprement dit !). Tous ces gouvernants agissent sous la pression du puissant mouvement abolitionniste inspiré par les Quakers anglais et les « philosophes » français du XVIIIe siècle.
En référence à la loi anglaise du 25 mars 1807, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 17 décembre 2007 que la date du 25 mars serait la « Journée Internationale de célébration du bicentenaire de l’abolition de la traite transatlantique des esclaves ».
L'esclavage lui-même commence à être contesté aux États-Unis et en Europe dès le milieu du XVIIIe siècle. Dès 1770, les colons de la secte protestante des Quakersétablis en Nouvelle-Angleterre s'interdisent la possession d'esclaves.
L'esclavage est mis hors la loi au Vermont en 1777, dans les jeunes États-Unis d'Amérique, à l'initiative des Quakers. C'est une première mondiale. Dix ans plus tard, en 1787, en Angleterre, une douzaine de chrétiens en majorité Quakers fondent la « Société pour l'abolition de la traite » (« Society for the abolition of the Slave Trade »).
En France, l'année suivante, l'abbé Henri Grégoire, le journaliste Jean-Pierre Brissot et quelques autres personnalités remarquables comme les marquis de Condorcet, de Mirabeau ou de La Fayette créent à leur imitation la « Société des Amis des Noirs ».
Ces abolitionnistes anglais et français réclament l'interdiction de la traite mais pas celle de l'esclavage proprement dit, car ils estiment que les planteurs des colonies sont encore trop puissants pour l'accepter.
Le 12 mai 1789, au Parlement de Westminster, William Wilberforce, un jeune député fraîchement converti à une église évangélique, prononce un premier et virulent discours en faveur de l'abolition de la traite.
C'est le moment où, à Paris, éclate la Révolution. En 1794, l'assemblée de la Convention abolit l'esclavage par opportunisme autant que par conviction car les esclaves des Antilles se sont soulevés et les Anglais s'apprêtent à s'emparer des îles. En Europe, cette mesure passe presque inaperçue et elle est dès 1802 révoquée par Bonaparte.
Pendant ce temps, à Londres, William Wilberforce, le « rossignol des Communes », poursuit son combat contre la traite avec le soutien de son ami, le Premier ministre William Pitt (du parti tory, ou conservateur). Un premier projet de loi est repoussé par la Chambre des Communes en 1791 à une écrasante majorité (163 voix contre 88). L'année suivante, une proposition d'abolition graduelle à l'image du Danemark est adoptée par les Communes mais repoussée par les Lords, effrayés par la révolte des esclaves à Saint-Domingue, colonie française.
En 1805, les Communes votent un nouveau texte qui interdit à tout Britannique de faire le commerce des esclaves. La loi est ne nouvelle fois repoussée par la Chambre des Lords.
L'année suivante, après la mort de William Pitt, Lord Grenville forme un gouvernement whig (ou libéral). C'est le « ministère de tous les talents » avec Charles Fox aux Affaires étrangères et son adjoint Charles Grey à l'Amirauté. Tous les trois soutiennent Wilberforce. Celui-ci arrive enfin à faire voter la prohibition de la traite. Son texte inflige aux capitaines de navires marchands une amende de 100 livres pour chaque esclave qui serait trouvé à leur bord. Il est voté par 41 voix contre 20 à la Chambre des Lords et 114 contre 15 à la Chambre des Communes. Une belle performance !
Militant à sa manière contre la traite, l'Anglais William Turner a peint l'arraisonnement d'un navire négrier. On distingue les malheureux jetés à l'eau par l'équipage dans le dessein d'effacer les preuves du trafic !
Le 8 février 1815, prenant exemple sur le Danemark, l'Angleterre et les États-Unis, les participants au congrès de Vienne demandent à chaque pays européen d'abolir la traite dans les meilleurs délais.
En France, Napoléon 1er, de retour de l'île d'Elbe pour deux mois, décide d'une abolition immédiate. Sa décision est confirmée par le traité de Paris du 20 novembre 1815. Mais elle ne recevra aucun commencement d'application tant de lui-même que du gouvernement monarchique de la Restauration. Les armateurs français peuvent dès lors poursuivre leur commerce triangulaire. « Il est probable qu'entre 1814 et 1831, la France ait eu le douteux privilège d'être la plus grosse nation négrière parmi les nations négrières » (F. Renault et Serge Daget, Les traites négrières en Afrique, Karthala, 1985).
L'Angleterre, fidèle quant à elle à ses engagements, multiplie les traités internationaux qui dénoncent la traite clandestine. Prenant acte de la décision du congrès de Vienne, sa flotte s'autorise le « droit de visite » sur les bateaux suspects de transporter des Africains. La traite transatlantique finira par disparaître au milieu du XIXe siècle (cependant que perdurera la traite transsaharienne pratiquée par les Arabes musulmans).
Tandis qu'il faisait voter l'abolition de la traite, William Wilberforce repoussait l'idée d'abolir trop vite l'esclavage : « L'émancipation serait néfaste », écrivait-il en 1807. « Une émancipation prématurée ruinerait non seulement les maîtres mais les esclaves eux-mêmes. Ces derniers doivent être éduqués et guidés vers la liberté ».
Mais, une fois la traite interdite, il ne tarde pas à changer d'opinion et s'engage dans le combat contre l'esclavage. En 1823, il participe à la fondation de la « Société anti-esclavagiste » (« Anti-Slavery Society »). Prématurément vieilli, il renonce à sa fonction de député deux ans plus tard. Thomas Fowell Buxton prend le relais.
En 1831, une convention franco-britannique autorise le « droit de visite ». Celui-ci rend effective l'interdiction de la traite, promulguée en 1807, en autorisant les navires de guerre anglais à arraisonner et inspecter les navires marchands des autres nations que la leur, suspects de transporter des captifs.
Le 26 juillet 1833, avec le soutien du Premier ministre whig Charles Grey, Thomas Buxton soumet au vote de la Chambre des Communes une loi d'émancipation qui abolit l'esclavage dans toutes les colonies britanniques en prévoyant de confortables indemnités pour les planteurs. « Je rends grâce à Dieu d'avoir vécu un tel jour où l'Angleterre accepte de payer 20 millions de livres sterling pour l'abolition de l'esclavage » déclare William Wilberforce. Il meurt trois jours plus tard. Sa dépouille repose aujourd'hui dans l'abbaye de Westminster.
La loi prévoit une libération des esclaves des plantations dans un délai de sept ans et des esclaves domestiques dans un délai de cinq ans. De fait toutes les libérations seront effectives au bout de cinq ans.
Les Français ne restent pas indifférents au scandale de la traite et de l'esclavage. Des artistes romantiques se mobilisent comme Théodore Géricault, qui projette une grande toile : La traite des Noirs mais n'en réalise que l'esquisse au fusain ci-dessous en 1822, deux ans avant sa mort à 33 ans.
En 1848, la France abolit à son tour l'esclavage, puis les Pays-Bas en 1859, les États-Unis en 1865, le Brésil en 1888.
Le combat n'est pas fini et l'on voit aujourd'hui réapparaître le trafic d'esclaves au Soudan et dans d'autres malheureux pays d'Afrique et d'ailleurs.
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Disraeli (05-03-2022 02:52:44)
L'esclavage persiste en Mauritanie et, non officiellement, dans d'autres pays du Sahel aussi. Et que direvdes pays arabes qui exploitent une main d'oeuvre étrangère mal rémunérée et parfois pres... Lire la suite
Dominique Parent (18-05-2006 19:52:48)
Et ce sont des chrétiens qui ont commis cet atroce négoce ! Pour mieux servir le Christ, peut-être ... Après les conquistadores espagnols (chrétiens eux aussi) que de crimes commis par les natio... Lire la suite