Le 28 juin 1969, à Mexico, les équipes nationales du Honduras et du Salvador s'affrontent pour la qualification dans la Coupe du monde. Depuis plusieurs mois déjà, les relations sont très tendues entre ces deux petits pays mitoyens d'Amérique centrale. Le match se termine par des rixes entre les supporters des deux équipes. On relève quelques morts et de nombreux blessés.
Deux semaines plus tard, le 14 juillet 1969, les troupes salvadoriennes pénètrent sur le territoire de leur voisin, lequel riposte immédiatement par des bombardements. Il s'ensuivra une guerre brutale et plus de trois mille morts. Les Nations Unies s'entremettent promptement et obtiennent un cessez-le-feu le 19 juillet 1969, après une centaine d'heures de combats. La paix ne sera toutefois signée qu'en 1980.
Deux voisins que tout oppose
Le Salvador (capitale : San Salvador) est un pays d'à peine 21 000 km2, sur la côte Pacifique. Colonie espagnole, il a fait partie de la capitainerie générale du Guatemala jusqu'en 1821 avant de devenir tout à fait indépendant en 1841. Doté d'un climat tropical, avec des vallées entrecoupées de collines volcaniques, il est voué à la culture du café. Sa population est de religion catholique. Essentiellement métissée et amérindienne, avec une oligarchie créole (blanche), elle parle l'espagnol et continue de pratiquer les langues amérindiennes. Elle s'élevait en 1969 à 4 millions (6 millions en 2018).
Son voisin le Honduras (capitale : Tegucigalpa) a une histoire, une géographie et une population très similaires, avec une façade sur l'océan Atlantique et une fenêtre sur l'océan Pacifique. La banane est son principal produit d'exportation et le pays, sous l'emprise de la compagnie étasunienne United Fruit (aujourd'hui Chiquita Brands), a longtemps été le prototype de la « république bananière », asservie aux capitalistes étasuniens.
Plus pauvre que le Salvador, le Honduras est surtout beaucoup moins peuplé. Il comptait seulement 3 millions d'habitants en 1969 (5 millions en 2018) sur 120 000 km2, soit une densité dix fois inférieure à celle de son voisin. Il s'ensuit que dès le début du XXe siècle, beaucoup de paysans salvadoriens ont migré vers le Honduras en quête de terres. On comptait en 1969 environ 300 000 immigrants salvadoriens dans le pays, soit 10% de la population. Ils étaient l'objet de la vindicte populaire et celle-ci était attisée par le président-général Oswaldo López Arellano.
Dès 1967, des détachements salvadoriens pénètrent au Honduras pour défendre leurs ressortissants. L'année suivante, le Honduras commence à expulser par centaines les paysans salvadoriens sans titres de propriété. Comme son homologue, le président-général salvadorien Fidel Sánchez Hernandez est poussé à la guerre par ses militaires. Il ne manque plus qu'une étincelle à cette mauvaise parodie des aventures de Tintin.
L'étincelle
Arrive le premier match de qualification pour la Coupe du monde de football. Les deux équipes s'affrontent le 8 juin 1969 à Tegucigalpa. L'équipe salvadorienne, pas mal chambrée la nuit précédente, s'incline 0-1. Deux semaines après a lieu la revanche à Salvador. Cette fois, c'est l'équipe hondurienne qui est copieusement chambrée et battue 0-3. Deux Honduriens sont tués dans les bagarres qui suivent le match.
Le 28 juin enfin se joue le match d'appui à Mexico. Salvador s'impose 3-2 au bout de la prolongation. La tension est à son comble et la guerre débute deux semaines après avec l'invasion du Honduras par le Salvador cependant que le Honduras bombarde la plus grande raffinerie de son adversaire.
Le cessez-le-feu, qui interviendra dès le 19 juillet, vaut au conflit de rester dans l'Histoire sous le nom de « guerre de Cent heures » mais le journaliste Ryszard Kapuscinski, présent sur place, va diffuser une appellation plus racoleuse, la « guerre du football », quoique la compétition n'ait été qu'un épisode dans l'engrenage qui a mené au conflit.
Les troupes salvadoriennes se retirent le 3 août suivant et dans le même temps, 100 000 Salvadoriens se voient obliger de quitter le Honduras. Les deux pays ne sont pas encore remis de leurs handicaps sociaux, politiques et économiques. C'est ainsi qu'en 1980, l'archevêque de San Salvador Mgr Oscar A. Romero est assassiné pendant qu'il célèbre la messe par des nervis au service de l'oligarchie, laquelle ne supportait plus sa dénonciation des injustices et des crimes.
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