Le 24 mars 1980, Mgr Oscar A. Romero est tué d’un coup de fusil en pleine poitrine alors qu’il célèbre la messe dans l’hôpital de la Divine-Providence, à San Salvador, capitale du Salvador,.
Cet archevêque de 62 ans était connu pour ses sermons en faveur des droits de l’Homme, dans un contexte de guerre civile et de guérillas touchant toute l’Amérique centrale.
La veille de son assassinat, il avait osé appeler les soldats salvadoriens à désobéir à des ordres injustes : « Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. »
Un prélat conservateur dans un contexte révolutionnaire
Né dans une famille nombreuse avec un père postier, Oscar Romero s’oriente vers la menuiserie avant d’entrer au séminaire.
Son pays, le Salvador, connaît après la Seconde Guerre mondiale une grande pauvreté et d’énormes inégalités dans la répartition des terres, avec un taux d’analphabétisme de presque 50%. Sur une superficie de 21 000 km² vouée à la culture du café, pour l’exportation vers les États-Unis, il compte dans les années 1970 quatre millions d’habitants, très majoritairement des métis d’Espagnols et d’Indiens (6 millions en 2018).
Il est à cette époque affecté par un conflit entre l’extrême-droite représentée par l’Alliance Républicaine Nationaliste (Arena) et la guérilla marxiste des Forces populaires de Libération Farabundo Marti.
Quand Oscar Romero devient archevêque de San Salvador, le 3 février 1977, sa nomination est bien accueillie par l’oligarchie salvadorienne. Il a la réputation d'être un religieux assez conservateur et se montre même réticent à l'égard de certaines réformes de Vatican II. Il est aussi formellement opposé aux thèses progressistes qui se diffusent dans le clergé latino-américain sous le nom de « théologie de la libération ».
La théologie de la libération
C’est en 1968, au congrès de Medellin, en Colombie, qui réunissait tous les évêques dl’Amérique latine, que le prêtre péruvien Gustavo Gutiérrez utilisa pour la première fois cette expression.
Il en sortit une doctrine, en marge de l’Église officielle, qui visait à rendre l’espoir et la dignité aux plus pauvres et aux exclus en se mobilisant pour leurs conditions de vie. Les prêtres adeptes de la théologie de la libération considéraient que les pauvres devaient non seulement être soulagés de leurs souffrances, mais aussi devenir les acteurs de leur propre libération, dans une optique proche de celle des marxistes et autres révolutionnaires athées. Certains n'étaient pas loin d'approuver les guérilleros engagés dans cette voie.
En mars 1977, à San Salvador, un prêtre jésuite connu pour son action en faveur des pauvres, Rutilio Grande, est tué par un « escadron de la mort » (milice occulte) alors qu’il se rend à une messe. Ce meurtre va agir sur Mgr Romero comme une conversion : il décide de prendre la suite de son ami et prêche pour la fin des violences en dénonçant les crimes, les exactions et les enlèvements perpétrés par l’armée salvadorienne et les escadrons de la mort.
Il devient celui qu’on surnomme la « voix des sans voix » sans pour autant soutenir la théologie de la libération et encore moins approuver la lutte armée. L’oligarchie locale et le gouvernement s’inquiètent de ses sermons adressés au peuple et centrés sur la pauvreté et l’injustice sociale. Ils ne font rien pour le protéger…
Vers la sainteté
Le meurtre de Mgr Romero va déclencher un immense mouvement populaire dans un pays où la grande majorité de la population est encore catholique.
350 000 personnes, dont plusieurs centaines de représentants du clergé, participent aux funérailles de l’archevêque martyr. C’est alors qu’une bombe explose durant la cérémonie. Ce deuxième attentat va causer une quarantaine de morts dans la foule, du fait de la panique.
Les enquêtes sur l'assassinat de Mgr Romero ainsi que sur l’attentat à la bombe durant la cérémonie d’enterrement n’ont jamais officiellement abouti, ce qui continue à faire de la mémoire de Mgr Romero un sujet de débat. Alors que l’État soutient qu’il a été perpétré par un groupuscule d’extrême-gauche, ceux-ci affirment que le gouvernement est responsable.
Ce drame n’a pas mis fin à la guerre civile. Celle-ci s’est prolongée jusqu’en 1992, entraînant environ 100 000 morts et un déficit démographique d’un million de personnes.
Mais l’action de Mgr Romero a eu un retentissement international. L’Église anglicane elle-même l’a reconnu comme martyr et sa statue trône devant l’abbaye de Westminster, à Londres !
En 2007, le pape Benoît XVI s’est prononcé en faveur de sa béatification (note). Celle-ci est devenue effective en mai 2015, faisant de l’archevêque un « bienheureux ». Son successeur le pape François est allé jusqu’à le canoniser, grâce à la reconnaissance d’un miracle attribué à l’intercession du martyr. Il l’a proclamé saint le 14 octobre 2018 en même temps que son ami le pape Paul VI et cinq autres bienheureux.
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gabriel36 (18-10-2018 10:00:13)
Charles de Foucauld a été abattu par un jeune voleur musulman par haine du Roumi et non par en "résistant"
Jean MARTIN (25-11-2006 19:07:17)
Il est regrettable qu'une revue scientifique se borne à publier, à propos de Charles de Foucauld, un banal extrait de la littérature hagiographique que ce personnage a pu inspirer. Foucauld était ... Lire la suite