Le 24 août 410, Alaric, roi des Wisigoths, fâché que l'empereur Honorius n'eût pas versé le tribut demandé, s'empare de Rome. Pendant trois jours, ses troupes vont piller et massacrer à qui mieux mieux. Quarante mille Romains sont réduits en esclavage. Alaric lui-même enlève une princesse promise à un grand destin, Galla Placidia !
L'empire est profondément secoué mais ne s'effondre pas pour autant. C'est que Rome avait perdu son statut de capitale dès 286 au profit de Milan, érigée en capitale de la partie occidentale par Dioclétien.
Querelles de Barbares
Théodose Ier a succédé en 378 à l'empereur Valens, victime des Goths à la bataille d'Andrinople. Désireux de parfaire l'unité de l'empire, il interdit toute autre religion que le christianisme dans sa version catholique et, à sa mort, le 17 janvier 395, confie l'Orient à son fils Arcadius et l'Occident à son fils Honorius. Cette division va perdurer jusqu'à la fin et se retrouve dans les frontières actuelles entre orthodoxie et catholicisme.
Au début du Ve siècle, les provinces, au nombre d'une centaine, échappent peu ou prou à l'autorité centrale. Le pouvoir est partagé au niveau local entre les généraux (chefs militaires), les vicaires (représentants de l'empereur) et les évêques (chefs religieux).
La paix repose sur des généraux d'ascendance barbare : le Vandale Stilicon, général de l'armée d'Occident, au demeurant parfaitement romanisé, et le Goth Alaric, général de l'armée d'Orient. Ce dernier conserve en marge de son commandement le titre et la fonction de roi des Goths.
Mécontent d'être trop peu rémunéré pour ses services, Alaric envahit une première fois l'Italie en 402 mais est repoussé par Stilicon à Pollenzo. La faiblesse de l'Occident n'échappe pas à d'autres Barbares, tel le Goth Radagaise qui tente à son tour d'envahir l'Italie en 406. Il est battu et tué à la bataille de Fiesole par Stilicon. Ce faisant, ce dernier a dû dégarnir la frontière du Rhin. Le 31 décembre 406, profitant de ce que le fleuve est gelé, des bandes de Vandales, Francs, Suèves et autres Germains le franchissent à pied sec et pénètrent en Gaule.
Stilicon a transféré de Milan à Ravenne la capitale de l'empire d'Occident pour mieux assurer la défense du territoire. Mais son impuissance face à l'invasion de la Gaule et la jalousie de l'empereur Honorius conduisent ce dernier à le faire assassiner le 23 août 408.
Alaric saute sur l'occasion. Ne voyant plus aucun obstacle devant lui, il redescend sur l'Italie pour réclamer son dû deux ans plus tard. Tandis qu'Honorius se calfeutre à Ravenne, protégée par ses marais, il organise le siège de Rome et en dirige le pillage.
Un retentissement universel
Chrétien et romanisé, Alaric tempère l'ardeur de ses troupes. Il leur interdit en particulier de piller les églises. Il n'empêche que le sac de Rome a un retentissement démesuré car il met en lumière l'affaiblissement de l'Empire. Il revêt une grande importance symbolique aux yeux des intellectuels de l'époque même si la Ville éternelle n'est plus que l'ombre d'elle-même.
Dans son monastère de Palestine, saint Jérôme évoque la « terrible nouvelle venue d'Occident » : « Elle est prise la ville qui a pris l'univers entier. Que dis-je ? Elle périt par la famine avant de périr par le glaive et l'on n'a trouvé à faire que très peu de prisonniers » .
En Afrique, Augustin d'Hippone écrit La Cité de Dieu, un plaidoyer pour répondre aux philosophes païens qui accusent les chrétiens d'être à l'origine du drame (Alaric lui-même est un chrétien de la mouvance arienne).
Le théologien rappelle surtout que les réalisations terrestres sont peu de chose au regard des promesses du ciel.
Par ailleurs, il ne manque pas de prendre la défense des femmes violées par les Barbares et leur enjoint de vivre, à la différence de la mythique Lucrèce que la morale païenne contraignit au suicide après qu'elle eut été violé par le fils de Tarquin (note).
Dans les provinces périphériques de l'empire, beaucoup de ses contemporains et Augustin lui-même ne sont pas loin de penser que le sac de Rome est le châtiment de tous les forfaits commis par les légions romaines au cours des siècles passés.
Le penseur Jean-Claude Guillebaud y voit une similitude avec les réactions de nombreux commentateurs aux attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone et la stigmatisation de l'arrogance américaine qui s'en est suivie (Le commencement du monde, Gallimard, 2008).
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Michael (24-08-2023 06:15:28)
Rome, était-elle encore dans Rome lorsqu'Alaric l'a assiégée ? Les proscriptions du début de l'Empire avaient anéanti la noblesse locale et conquérante de la République. La classe sénatoriale ... Lire la suite