Après dix mois de guerre civile en Vendée entre républicains et insurgés royalistes, les députés de la Convention et le Comité de Salut public donnent carte blanche au général Louis-Marie Turreau, le 19 janvier 1794, pour appliquer sa politique d’extermination. Elle prend la forme de « colonnes infernales », qui vont ravager le pays vendéen...
Une rébellion vite matée
Près d'un an plus tôt, les paysans de l'ouest de la France s'étaient soulevés contre le pouvoir révolutionnaire parisien au nom de leurs libertés religieuses et par haine de la conscription militaire.
La terrible bataille de Savenay a vu l'écrasement de la « Grande Armée Catholique et Royale » après neuf mois d'exploits et de péripéties. Au début de l'année 1794, le général en chef Henri de La Rochejaquelein a été tué au détour d'un chemin par un Bleu en embuscade. D'Elbée a été quant à lui capturé et fusillé sur la plage de Noirmoutier.
L'insurrection vendéenne semble définitivement matée. Pas assez cependant de l'avis des députés de la Convention qui ont du mal à se remettre de leurs frayeurs. On fusille 2 000 Vendéens, dont la moitié de femmes à Angers, 1 500 à Noirmoutier, 1 800 aux carrières de Gigant près de Nantes. Le représentant en mission Carrier fait noyer 4 000 personnes dans la Loire. Ce n'est pas encore assez pour certains républicains...
Les « colonnes infernales »
C'est alors que le général Louis-Marie Turreau, un Normand de 37 ans, présente son plan d'extermination. Le 15 janvier 1794, il écrit aux représentants en mission : « Mon intention est de tout incendier et de ne préserver que les points nécessaires à établir nos cantonnements propres à l'anéantissement des rebelles, mais cette grande mesure doit être prescrite par vous. Je ne suis que l'agent du Corps législatif, que vous devez représenter en cette partie. Vous devez également décider sur le sort des femmes et des enfants que je rencontrerai en ce pays révolté. S'il faut les passer tous au fil de l'épée, je ne puis exécuter une pareille mesure sans un arrêté qui mette à couvert ma responsabilité ».
Comme ses interlocuteurs ne paraissent pas convaincus par l'argumentation, le fougueux général écrit directement au Comité de Salut Public, à Paris : « Je le répète. je regarde comme indispensable de brûler villes, villages et métairies, si l'on veut entièrement finir l'exécrable guerre de Vendée, sans quoi je ne pourrais répondre d'anéantir cette horde de brigands. J'ai donc lieu d'espérer que vous l'approuverez. Je vous demande la grâce de me répondre par retour du courrier ».
La réponse vient enfin le 19 janvier : « Tu te plains, citoyen général, de n’avoir pas reçu du Comité une approbation formelle à tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et pures mais, éloigné du théâtre d’opération, il attend les résultats pour se prononcer : extermine les brigands jusqu’au dernier ; voilà ton devoir ».
C'est ainsi que vingt-quatre colonnes pénétrent en Vendée avec la consigne de tout brûler et de tout massacrer. Les horreurs perpétrées par ces colonnes leur vaudront dans l'Histoire le qualificatif d'infernales.
Comme Turreau l'avait prévu, la Vendée est mise à feu et à sang. Dans une seule journée, le 28 février 1794, à la suite d'une attaque par les troupes de Charette, les colonnes des généraux Cordellier-Delanoüe et Crouzat massacrent en représailles aux Lucs-sur-Boulogne 563 femmes, enfants et vieillards.
Les Vendéens se rebiffent
Les excès des républicains réveillent les ardeurs des malheureux Vendéens. Les survivants de la guerre redressent la tête et se regroupent derrière deux chefs : Charette et Stofflet.
Les massacreurs sont massacrés à leur tour à Chauché, aux Clouzeaux et ailleurs. La colonne de Crouzat, en l'absence de Stofflet, tue 1 500 personnes dans la forêt de Vezins, le 25 mars. Elle est exterminée, trois jours après, aux Ouleries.
Le plan de Turreau a complètement échoué. Il a même eu un effet contraire à celui qui était recherché : la Vendée meurtrie est redevenue redoutable. Les républicains, désemparés, embouchent les trompettes de la propagande. On exalte la mort héroïque de jeunes volontaires victimes des Vendéens, Bara ou Viala.
Le 13 mai 1794, Turreau est destitué. La Convention qui a besoin de toutes ses troupes aux frontières, évacue la Vendée.
Les bleus se replient dans les camps, aux limites de la Vendée militaire. Le pays respire. Malheureusement, les rivalités entre chefs vendéens continuent ! Le 10 juillet 1794, Marigny est fusillé à la Girardière de Combrand par les soldats de Stofflet. À l'automne, Charette s'empare des camps républicains des Moutiers et Fréligné.
À Paris, cependant, Robespierre est tombé sous le couperet de la guillotine, mettant un terme à la politique de Terreur. Aux frontières, la sécurité est revenue suite à la victoire de Fleurus.
La Convention se lasse d'une guerre civile qui n'a plus guère de motif. Elle envoie des émissaires à Charette pour lui proposer la paix. Les pourparlers se déroulent d'abord à Belleville puis à la Jaunaye, près de Nantes.
Le 17 février 1795, enfin, la paix est signée. Charette exige et obtient la liberté religieuse pour la Vendée. Il fait sa soumission à la République. Le 26 février, il reçoit à Nantes un accueil triomphal. La guerre de Vendée semble définitivement enterrée avec ses cent mille victimes ! Elle va rendre son dernier soupir à Quiberon.
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Voir les 6 commentaires sur cet article
nasrédine (25-01-2024 10:21:33)
Les colonnes infernales ont sévi aussi dans les départements de Charente maritime et des Deux sèvres. Un membre de ma famille paysan en Charente maritime disait pour prédire de grave ennuis : "ce ... Lire la suite
jacques Groleau (24-01-2024 13:08:20)
Pour avoir eu quelques ancêtres condamnés sans procès aux "baptêmes républicains" de Carrier, je partage l'avis d'Erik ci-dessus : la révolution Française a été, trop souvent, une abomination... Lire la suite
Bernard (19-01-2022 12:44:58)
Contrairement à ce qui s'est passé pour les dignitaires nazis et pour les militaristes japonais, il n'y a pas eu de procès de Nuremberg ou de procès de Tokyo pour les génocidaires républicains. ... Lire la suite