Le 18 septembre 1981, à Paris, l'Assemblée nationale vote la loi d'abolition de la peine de mort présentée par le garde des Sceaux, Robert Badinter, 53 ans. 369 députés votent en sa faveur et 113 s'y opposent. C'est la principale mesure qui reste des deux septennats du président François Mitterrand et celle que l'on a coutume de citer quand on évoque son bilan.
Cette initiative met la France au diapason des autres pays d'Europe occidentale. Elle est l'aboutissement d'un débat qui a agité les cercles intellectuels et politiques d'Occident pendant trois siècles. Il n'empêche qu'en ce début du XXIe siècle, la peine de mort demeure en application dans des États qui rassemblent près des deux tiers de l'humanité...
Un long chemin
Jusqu'au XVIIIe siècle, dans tous les pays du monde, les délinquants et criminels étaient sanctionnés soit par une amende, soit par une peine infamante (bannissement, fers, carcan ou pilori), soit par une mutilation, soit enfin par la peine de mort. L'incarcération était réservée aux prévenus en attente de jugement.
La Révolution française introduit pour la première fois une modulation des sanctions avec des peines la prison d'une durée variable selon le délit ou le crime. Il va dès lors devenir possible de réserver la peine capitale aux crimes les plus graves...
Les pays nordiques furent les premiers à délaisser la peine de mort. La Belgique l'applique avec réticence, le roi usant généralement de son droit de grâce, et l'abolit officiellement en 1996. La Suisse entame le processus d'abolition en 1874. Plus surprenant, le Portugal l'abolit en 1867 et l'Italie en 1890 (Mussolini la rétablira brièvement). Parmi les pays européens tard venus à l'abolition figure l'Allemagne (1949).
La peine de mort fait de la résistance
En France, après une vaine tentative de Guizot, le républicain Jules Simon tente une nouvelle fois en 1870 de faire passer l'abolition. Au tournant du siècle, les présidents de la République Émile Loubet (1898-1906) et Armand Fallières (1906-1913) usent systématiquement de leur droit de grâce, en résistant avec courage à la pression de l'opinion publique.
En 1939, le gouvernement interdit les exécutions publiques. Celles-ci auront désormais lieu dans la cour des prisons. Mais dès lors, pendant l'Occupation, on ne rechignera plus à exécuter des femmes, ce qui n'était plus arrivé depuis 1906... Et à la Libération, la peine de mort n'est plus limitée à des crimes de sang mais étendue à des vols à main armée.
La guillotine revient en force pendant la guerre d'Algérie (note). Cela dit, en 1970, année sans exécution, le sombre rituel paraît voué à tomber en désuétude. Mais l'exécution de Buffet et de son complice Bontemps, le 28 avril 1972, anéantit les espoirs des abolitionnistes.
Le 10 mars 1976, une nouvelle condamnation envoie à l'échafaud Christian Ranucci, un jeune homme de 20 ans accusé du meurtre d'un enfant. Christian Ranucci se voit refuser sa grâce par le président Valéry Giscard d'Estaing, dont l'esprit d'ouverture se heurte à la pression croissante de la fraction conservatrice de son camp. Du coup, son rival socialiste François Mitterrand va faire de ce thème de l'abolition le marqueur de sa campagne de 1981 et même de son double septennat.
La peine de mort a été unanimement répudiée par les États européens et le Canada ainsi que de nombreux États latino-américains et plusieurs États d'Afrique subsaharienne et d'Océanie. La Russie ou encore l'Algérie ont instauré un moratoire sur son application. Au total, 140 des 192 membres de l'ONU ont aboli ou suspendu la peine de mort, ou bien ne l'appliquent qu'à des cas très particuliers (crimes contre l'humanité en Israël, crimes militaires...). Mais ces pays ne rassemblent que 40% de la population mondiale et constituent la fraction la moins dynamique de la planète ! Mais l'essentiel de l'Asie et les pays les plus peuplés du monde (Chine, Inde, Indonésie, États-Unis, Pakistan, Japon, Bangladesh, Nigéria, Égypte etc) continuent d'appliquer la peine de mort sans guère d'état d'âme.
La carte ci-dessous témoigne de la peine de mort dans le monde en 2018 : chaque cercle est proportionnel au poids démographique de la région considéré ; les cercles blancs représentent les États où la peine de mort est officiellement abolie.

Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Voir les 19 commentaires sur cet article
Jak (06-10-2021 14:37:49)
le débat est oiseux car la peine de mort est vaine et archaïque dans sa Non-pensée...Mais ce qui est essentiel est la Détention A Vie Réelle des criminels incurables et dangereux. Ce qui est honteux c... Lire la suite
LEVY (19-09-2021 15:27:23)
deux questions quel texte prone la décapitation dans la Bible? c'est quoi la culture chrétienne? les Etats-unis sont bien de culture chrétienne qui n'empêche pas la peine de mort ... Lire la suite
Bernard (19-09-2021 12:02:15)
La peine de mort n'a pas été abolie, mais déplacée et privatisée. Elle n'a pas été abolie car, déjà en 1981, elle n'existait pratiquement plus dans les faits, à l'exception de quelques rares exécution... Lire la suite