Le samedi 17 novembre 2018, prenant de court le gouvernement, la classe politique et les médias, des centaines de milliers de Français, dans les zones rurales et les petites villes, revêtent leur « gilet jaune », équipement de sécurité obligatoire dans toutes les voitures.
N'étant encadrés par aucun syndicat ni aucun parti, ils se mobilisent grâce aux réseaux sociaux et bloquent les ronds-points. Après quoi, samedi après samedi, pendant tout l'hiver, ils vont continuer de se retrouver sur lesdits ronds-points, sans gêner grand-monde à vrai dire, hormis leurs voisins (il en eut été tout autrement s'ils avaient choisi de bloquer les accès aux aéroports et aux gares TGV).
Mais les « Gilets jaunes » en viennent très vite aussi à défiler dans les centres-villes, y compris à Paris, où ils sont parfois débordés par des voyous et des groupuscules d’extrême-gauche ou d’extrême-droite, les black blocks. La police se signale tout à la fois par sa brutalité et son impuissance peut-être intentionnelle à empêcher les débordements.
Plusieurs manifestants sont blessés, dont un total de 23 éborgnés par des tirs de LBD (lanceurs de balles de défense) selon un recensement de l'AFP (Agence France Presse). Les médias dénoncent à qui mieux mieux la profanation de l'Arc de Triomphe de l'Étoile le 1er décembre 2018 par quelques-uns de ces voyous étiquetés « Gilets jaunes ».
Si la police évalue au total de façon un peu ridicule le nombre de « Gilets jaunes » à 282 000, les observateurs indépendants parlent quant à eux plutôt d'un total de trois millions de personnes engagées à un moment ou un autre dans le mouvement. Dans une écrasante majorité, ces manifestants appartiennent aux classes dites laborieuses, ouvriers, employés, aides-soignants, etc. Parmi eux, beaucoup de retraités modestes et de femmes seules en charge d'enfants (faussement appelées dans le jargon administratif : « familles monoparentales »).
La colère de cette « France périphérique », selon l’expression du géographe Christophe Guilluy, est née d’une augmentation de la taxe sur le diesel motivée par la lutte contre le réchauffement climatique. Elle vient après une réduction de la vitesse sur route (80 km/h au lieu de 90), motivée, elle, par la sécurité routière. C’en est trop pour ces citoyens qui ont le sentiment d’être délaissés par le pouvoir, isolés culturellement et socialement, opprimés par le fisc et contraints de supporter tout le fardeau de la mondialisation et de la « transition écologique » : désindustrialisation, désertification des villes moyennes, taxes et impôt, etc.
Mais rien à voir avec la Révolution de 1789 car les « Gilets jaunes » n'ont pas de chef, pas de projet et s'inscrivent dans une hostilité radicale à l'égard des « élites » et de leur vision du monde.
Cette hostilité est réciproque comme l'ont montré les propos d'une extrême violence du président de la République Emmanuel Macron lors de ses voeux du 31 décembre 2018 : « Que certains prennent pour prétexte de parler au nom du peuple (...) et n'étant en fait que les porte-voix d'une foule haineuse, s'en prennent aux élus, aux forces de l'ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels, c'est tout simplement la négation de la France ».
Dix-huit mois plus tard, ces mêmes manifestants seront applaudis aux balcons et dans les discours officiels en raison de leur engagement en première ligne face à la pandémie de Covid-19. Ils n'en seront pas récompensés pour autant.
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