Napoléon Ier, au sommet de sa puissance, prend l'initiative d'organiser et contrôler le culte israélite dans l'Empire français (et le Royaume d'Italie).
Ce projet lui est inspiré par le souci de prévenir pogroms et conflits religieux, notamment en Alsace où les juifs étaient relativement nombreux et suscitaient l'ire de la population locale par leurs difficultés d'assimilation (la France de 1789 en compte environ 40 000 sur 26 millions d'habitants, soit environ cinq fois moins qu'aujourd'hui en proportion de la population globale).
La longue marche du judaïsme français
Tout commence le 30 mai 1806, quand Napoléon ordonne la constitution d'une Assemblée de notables en vue d'organiser la communauté israélite. Ces notables, au nombre de 95, sont choisis par les préfets de toute la France parmi les juifs fortunés. Ils entament leurs réunions le 26 juillet 1806, dans la chapelle de l'église Saint-Jean, près de l'Hôtel de Ville de Paris. Au terme de leurs délibérations, ils acceptent de renoncer à la loi mosaïque (« loi de Moïse »). Ils rejettent la polygamie et la répudiation, admettent le divorce et les mariages mixtes ; ils se reconnaissent pleinement français, respectueux du Code Civil (ou Code Napoléon) et disposés à défendre le territoire national.
Napoléon convoque alors une assemblée de 71 personnes dont 45 rabbins qu'il appelle « Grand Sanhédrin » en référence aux tribunaux religieux de la tradition hébraïque. Présidé par le rabbin de Strasbourg David Sintzheim, il valide les propositions de l'assemblée des notables le 9 février 1807.
L'année suivante, le 17 mars 1808, sont publiés les deux décrets fondateurs :
• Le premier donne valeur officielle aux réformes cultuelles proposées par l'Assemblée des notables. Les rabbins ne bénéficient d'aucun traitement de l'État, à la différence des prêtres catholiques et des pasteurs protestants qui sont salariés par l'État au titre du Concordat.
• Le deuxième décret institue treize consistoires régionaux en vue de gérer les synagogues et les organisations israélites (les consistoires régionaux seront ramenés à sept à la chute de l'Empire en 1815). Les consistoires sont supervisés par un Consistoire central de France, qui réunit trois grands rabbins et deux laïcs. Les membres du Consistoire central sont désignés par le ministre des Cultes et les ouvertures de synagogues soumises à une autorisation gouvernementale
Ces décrets s'appliquent à l'Empire français et au Royaume d'Italie. C'est ainsi que, dans la plus grande partie de l'Europe, les ghettos sont ouverts et les juifs acquièrent la liberté de se déplacer ; ils ne sont plus astreints au port d'une marque distinctive. Avec cela, ils sont tenus d'adopter des prénoms dans le calendrier des saints en vue de faciliter leur assimilation. Ce sont des mesures sans précédent dans le monde.
Le ministre de l'Intérieur Champagny ajoute un troisième décret très vite qualifié de « décret infâme » car il renoue avec les discriminations du passé, en prévoyant des cas arbitraires d'annulations de créances au détriment des commerçants juifs, l'obligation pour eux d'obtenir une patente révocable du préfet, et surtout l'interdiction de se faire remplacer et d'échapper au service militaire pour les juifs qui tireraient un mauvais numéro pour la conscription (cette disposition sera abrogée par Louis XVIII dix ans plus tard).
Napoléon promulguera encore un décret à Bayonne, le 20 juillet 1808, pour obliger les juifs nés après 1792 à déclarer leur identité civile, avec un nom et un prénom officiels consignés dans un registre spécial, distinct de celui des autres citoyens.
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