Le 15 janvier 1990, à Paris, est promulguée une loi d'amnistie qui évite à l'ancien ministre socialiste de la Coopération, Christian Nucci, de comparaître devant la Haute Cour de Justice.
Il sera seulement astreint à une lourde amende personnelle pour son implication dans le scandale du Carrefour du Développement. Son ancien directeur de cabinet Yves Chalier a moins de chance. Il est condamné au pénal à 5 ans de prison ferme.
L'affaire de l'association Carrefour du Développement tire son origine de la décision du président François Mitterrand d'organiser un sommet franco-africain en décembre 1984 à Bujumbura, capitale d'un très petit et très pauvre d'Afrique centrale, le Burundi.
Comme ce pays n'est pas en mesure de prendre en charge l'organisation du sommet, celle-ci revient au ministre de la Coopération français. Christian Nucci confie l'affaire à son chef de cabinet Yves Chalier, ancien officier de Saint-Cyr, qui crée l'association Carrefour du Développement en vue de collecter des fonds publics à cette fin.
Jusque-là, rien que de très normal. L'association collecte 80 millions de francs et le sommet se tient dans des conditions satisfaisantes. La Cour des Comptes, toutefois, met son nez dans les comptes et découvre que 20 millions de francs se sont évaporés. Peu de monde s'en émeut jusqu'aux élections législatives de 1986 qui entraînent la victoire de la droite et une première cohabitation entre le président socialiste et un premier ministre de droite, en l'occurrence Jacques Chirac.
Les nouveaux locataires du ministère commencent à éplucher les comptes. Yves Chalier s'affole. Il obtient du nouveau ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, un «vrai-faux» passeport qui lui permet de s'enfuir au Brésil et de pouvoir ainsi déballer son sac à l'abri des poursuites. Ce «vrai-faux» passeport, c'est l'affaire dans l'affaire. Sa révélation aura un effet boomerang sur le gouvernement chiraquien, contribuant au discrédit de la droite comme de la gauche.
En attendant, les enquêteurs découvrent que les sommes détournées ont généreusement alimenté les dépenses personnelles de Christian Nucci et d'Yves Chalier. Le premier a payé des travaux d'imprimerie pour sa campagne électorale et un voyage d'agrément à ses administrés. Le deuxième s'est acheté un studio et un château qu'il a transformé en hôtel de luxe. Généreux, il a également offert des bijoux à l'une de ses maîtresses et des voyages d'agrément à quelques autres, sans oublier une enveloppe de 800.000 francs pour son ex-femme.
Déni de justice
Entre détournement de fonds publics et «vrai-faux» passeport, la classe politique se déchire sous le regard stupéfait de l'opinion publique et le sourire en coin des dirigeants du Front national, le parti d'extrême-droite réveillé par François Mitterrand.
L'amnistie de Christian Nucci est ressentie comme un déni de justice. Pour calmer l'opinion publique, les partis de gouvernement, à gauche comme à droite, sous François Mitterrand comme sous Jacques Chirac, vont multiplier dans les années 1990 les lois et règlements visant à moraliser la vie politique. Ils limitent les dépenses des campagnes électorales, introduisent le financement des partis par l'impôt, encadrent les dons des entreprises aux partis et règlementent les passations de marchés des collectivités locales.
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