Le 15 janvier 1790, à Paris, l'Assemblée constituante établit la carte des départements français et fixe leur nombre à 83.
Ce nouvel échelon administratif et démocratique sera appelé à un vif succès même si des voix s'élèvent aujourd'hui pour réclamer sa suppression (note).
Les députés veulent mettre fin à la confusion administrative héritée d'un millénaire d'Histoire. Ils envisagent d'abord de créer des circonscriptions géométriques, à l'image des États américains.
Le sage Mirabeau s'y oppose avec véhémence : «Je demande une division qui ne paraisse pas, en quelque sorte, une trop grande nouveauté; qui, si j'ose le dire, permette de composer avec les préjugés et même avec les erreurs, qui soit également désirée par toutes les provinces et fondée sur des rapports déjà connus.»
Les nouvelles divisions sont baptisées «départements», d'un vieux mot français qui appartient au vocabulaire administratif depuis le roi François 1er. Leurs limites respectent les anciennes provinces. C'est ainsi que la Bretagne et la Normandie sont divisées en cinq départements chacune. Leur taille est telle que chaque citoyen puisse accéder à son chef-lieu en une journée de cheval au maximum (cette image traduit pour nos ancêtres le principe de proximité comme nous dirions aujourd'hui, à une époque où tout va plus vite, que l'on doit pouvoir se rendre au chef-lieu et en revenir en une demi-journée de voiture).
Sans le savoir, les députés recréent de la sorte les anciens pays... de la Gaule d'avant les Romains. De nombreux chefs-lieux rappellent en effet les tribus gauloises locales. Amiens évoque les Ambiens, Beauvais les Bellovaques, Cahors les Cadurques, Nantes les Namnètes, Paris les Parisii, Poitiers les Pictones, Reims les Rèmes, Soissons les Suessiones, Vannes les Vénètes...
Ainsi le département est-il la circonscription la mieux enracinée dans l'Histoire de France, en concurrence avec la commune, héritière des anciennes paroisses.
Au fond d'eux-mêmes, les Français restent très attachés à cette circonscription héritée de la Révolution. Elle demeure la principale circonscription de référence (administrations de proximité, plaques minéralogiques, statistiques...). Grâce à elle se maintient tant bien que mal le vieux maillage urbain et rural face à la croissance débridée de quelques métropoles régionales.
« Les citoyens ont besoin de se raccrocher à une échelle de territoire où ils peuvent avoir l'impression de contrôler les organes de décision. Une échelle de solidarité. D'une certaine façon, cela explique la réussite administrative et psychologique des départements, qui bénéficient d'un attachement de leurs habitants d'autant plus grand à l'heure de la mondialisation », note Michel Collardelle, directeur du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem), spécialiste des patrimoines culturels locaux. « Et puis regardez ce qui se passe en Seine-Saint-Denis, où les jeunes ne disent même plus qu'ils habitent le 93 mais le neuf-trois. C'est un phénomène extraordinaire. Ne se sentant pas reconnus par la société, ils se sont inventé une identité à partir de leur département pour exister en tant qu'individus », insiste-t-il (« Des départements protestent contre la réforme des plaques d'immatriculation », La Croix, 28 janvier 2008, page 5).
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Voir les 6 commentaires sur cet article
Antoine dlG (14-01-2024 11:25:17)
Ce n'est pas tant le découpage que la dévolution des compétences aux différents échelons qui est source d'efficacité, de solidarité et d'économie. Très intéressant, un article de Andy Halda... Lire la suite
Jacques (27-06-2014 19:47:07)
A la fin du XVIIIème siècle, la distance de référence était la journée de cheval, de nos jours, c'est l'heure de voiture, et le département a toujours la bonne taille pour les services publics.... Lire la suite
Raymond (22-06-2014 16:02:06)
Merci, vous arrivez à point
Je prépare actuellement tout un dossier sur HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE DE FRANCE EN VISITANT LES CATHÉDRALES DE FRANCE