Le 13 mai 1888, la loi Aurea (ou loi d'Or) met fin à l'esclavage au Brésil. L'empire du Brésil est ainsi le dernier État occidental à rompre avec cette pratique honteuse.
La loi Aurea est l'aboutissement d'un long processus qui commence un siècle plus tôt en Angleterre avec le mouvement antiesclavagiste.
Le Brésil sur la voie libérale
Sous la pression des Anglais, le Portugal s'engage dès 1810 à mettre un terme à la traite des esclaves mais sa promesse reste sans effet et le trafic clandestin se poursuit par-dessus les deux rives de l'Atlantique sud, entre les colonies portugaises d'Afrique et le Brésil. Ce dernier devient alors le principal marché de la traite atlantique. On estime que 700 000 esclaves débarquent à Rio de Janeiro rien qu'entre 1790 et 1830.
À la veille de son indépendance, le Brésil compte 4 millions d'habitants (210 millions en 2018). Conséquence des épidémies importées d'Europe et des guerres indiennes, c'est à peine autant d'habitants qu'au moment de la conquête portugaise, trois siècles plus tôt. La moitié de cette population est composée d'esclaves d'origine africaine. L'artiste français Jean-Baptiste Debret, qui a vécu à Rio de Janeiro au début du XIXe siècle, a magnifiquement illustré cette société esclavagiste, indolente et cruelle.
En 1822, le Brésil s'émancipe du Portugal, devient un empire et porte à sa tête Dom Pedro 1er, lui-même issu de la famille de Bragance qui règne au Portugal.
Quelques années plus tard, en 1830, l'empereur renouvelle la promesse d'abolir la traite en vue de s'attirer les bonnes grâces de l'Angleterre. Le 4 septembre 1850, le Parlement brésilien, qui siège à Rio de Janeiro, réitère l'interdiction de la traite.
Dans le même temps, d'innombrables immigrants italiens commencent à affluer au Brésil. Cette main-d'oeuvre libre et dynamique bouleverse les rapports sociaux. Elle concurrence la main-d'oeuvre servile dont les conditions de vie deviennent de plus en plus précaires et l'utilité économique plus que jamais contestable.
Révoltes d'esclaves
Les esclaves eux-mêmes ne restent pas sans réagir au sort qui leur est fait. Les révoltes sont nombreuses tout au long de la période coloniale et sous l'empire. L'une des plus célèbres, à la fin du XVIIe siècle, aboutit à la fondation d'une république noire au Pernambouc (nord-est du Brésil) : Palmares.
Plus au sud, à Salvador de Bahia, survient le 25 janvier 1835 une révolte d'une ampleur sans précédent : des esclaves islamisés, pour la plupart yoroubas (originaires du Nigeria actuel), réduisent la ville en cendres. La menace que fait planer leur désespoir renforce le camp abolitionniste.
Des planteurs réticents
Dans les années 1860, les idées abolitionnistes se répandent dans la bourgeoisie libérale de Rio avec la création de deux associations militantes : la « Sociedade Brasilera contra a Escradidao » et l'« Associaçao Central Emancipacionista ».
En 1866, l'empereur Dom Pedro II signe plusieurs lettres de libération d'esclaves. À l'ambassadeur français qui lui demande d'en finir avec l'esclavage, il répond que ce n'est plus qu'une question de forme et d'opportunité. Mais les grands propriétaires fonciers, qui vivent grassement en exploitant (mal) d'immenses étendues de terres (latifundia), ne sont pas prêts à libérer leurs esclaves.
En 1871 vient la « loi du ventre libre » qui octroie la liberté d'office à tous les enfants à naître. En 1884 enfin, plusieurs provinces du Brésil déclarent leur intention de ne plus importer d'esclaves, autrement dit d'appliquer les engagements internationaux déjà vieux de plus de 70 ans !
Nouveau pas avec la loi du 28 septembre 1885 qui proclame libres les esclaves de plus de 60 ans. Enfin, en 1887, l'Église catholique se déclare publiquement désireuse d'en finir avec l'esclavage.
Quelques mois plus tard, comme l'empereur a entrepris un long voyage en Europe et confié la régence à sa fille Isabel, celle-ci profite de l'ouverture de la session du Parlement pour soumettre au vote la loi Aurea, sans prévoir de compensation financière pour les propriétaires d'esclaves.
En reconnaissance de son action contre l'esclavage, Isabel reçoit du pape Léon XIII une Rose d'Or. Mais, l'année suivante, les grands propriétaires fonciers irrités par l'abolition de l'esclavage se joignent à l'opposition républicaine.
L'empire est aboli. Dom Pedro II s'installe à Paris tandis que sa fille se retire au château d'Eu, en Normandie, propriété de son mari, Gaston d'Orléans, comte d'Eu et petit-fils du roi Louis-Philipe 1er. L'ex-empereur mourra de la gangrène le 5 décembre 1891, à 66 ans, et son pays d'accueil, la France, lui accordera de somptueuses funérailles.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Voir les 5 commentaires sur cet article
Gilles (07-05-2018 23:38:28)
J'ai le grand honneur d'avoir eu mon grand père paternel jean Magrou créateur de la statue en bronze siégeant sur une très jolie place à Petropolis capitale de Pedro Il un empereur très cultivé... Lire la suite
Michel Edmond (16-05-2015 15:09:17)
Un esclavage dont on ne parle pas beaucoup : celui des Noirs par les Arabes. Ceux-ci faisaient des razzias et réduisaient les captifs en esclavage, les hommes étaient stérilisés et les femmes qui ... Lire la suite
Michel Edmond (16-05-2015 10:00:31)
à Horatio : on m'a dit, mais je n'ai pas cherché de documents à ce sujet, que le père de l'ex-empereur BOKASSA est mort d'une bastonnade par les Français. Peut-être certains lecteurs en savent-i... Lire la suite