Le 10 septembre 1419, le dauphin Charles, héritier du trône de France, et son grand-oncle le duc de Bourgogne s'étaient donnés rendez-vous en vue de se réconcilier. Le rendez-vous va déraper de façon plus ou moins malencontreuse pour le plus grand malheur du royaume.
Le roi d'Angleterre Henri V est entré en guerre contre la France, quatre ans plus tôt. Il a écrasé la chevalerie française à Azincourt, a conquis Caen puis mis le siège devant Rouen. Rapprochant cette guerre de la précédente, menée par Édouard III, les historiens du XIXe siècle évoqueront une « guerre de Cent Ans ».
Pourvus d'une centaine de canons et conduits par un chef énergique, Alain Blanchard, les Rouennais supportent le siège des Anglais pendant sept mois. Ils poussent hors de la ville 12 000 bouches inutiles, femmes, vieillards et enfants, mais le roi Henri V, impitoyable, les laisse mourir de faim dans les fossés. Le 19 janvier 1419, après avoir en vain attendu des secours, réduits à la famine, ils se résignent à livrer leur ville.
Le puissant duc de Bourgogne Jean sans Peur (48 ans) et l'héritier du trône de France, le dauphin Charles (16 ans), voudraient l'un et l'autre se défaire des Anglais qui se font de plus en plus envahissants.
Le duc de Bourgogne a dans sa jeunesse combattu comme croisé à Nicopolis. Il aurait gagné son surnom de « sans Peur » à cette occasion... À moins que ce ne fût en massacrant les Liégeois à Othée en 1408. Il est le chef du parti bourguignon. Le dauphin Charles, celui du parti armagnac.
Après de sanglantes querelles, Armagnacs et Bourguignons semblent disposés à mettre fin à leur rivalité qui ruine la France et ne sert que les intérêts du roi d'Angleterre, Henri V.
Jean sans Peur et le dauphin Charles se rencontrent une première fois le 8 juillet 1419 à Pouilly-le-Fort, puis à nouveau le 11 juillet. Le 19, un Te Deum célèbre à Paris leur prochaine réconciliation. Mais celle-ci est différée par une attaque des Anglais qui, progressant le long de la Seine, s'emparent de Poissy le 31 juillet et menacent Paris. Le duc de Bourgogne fait évacuer la famille royale sur Troyes, à l'Est.
Enfin, Jean et Charles conviennent de sceller leur alliance sur le pont qui traverse l'Yonne à Montereau, le 10 septembre 1419. Mais la volonté de réconciliation n'est que de façade. Les compagnons du dauphin gardent rancune au duc pour l'assassinat de Louis d'Orléans, douze ans auparavant. Il semblerait que le dauphin lui-même ait projeté la mort du duc de Bourgogne avec ses proches conseillers, Tanguy du Châtel et Jean Louvet.
Imprudent ou téméraire, Jean sans Peur se rend sans protection armée au rendez-vous du pont de Montereau. Au milieu du pont, des charpentiers ont élevé un enclos avec une porte de chaque côté. Il est convenu que les deux rivaux entrent dans l'enclos avec chacun une escorte de dix personnes et que les portes soient fermées pendant toute la durée de l'entrevue.
L'atmosphère est tendue. Le duc s'agenouille avec respect devant le Dauphin, qui feint l'indifférence. Se relevant, Jean cherche un appui en posant la main sur le pommeau de son épée.
« Mettez-vous la main à votre épée en présence de Monseigneur le Dauphin ? » questionne l'un des compagnons de celui-ci, messire Robert de Loire, comme dans la fable du Loup et de l'Agneau.
Tanguy du Châtel n'attendait que ce prétexte pour porter un coup de hache au visage du duc en criant « Tuez, tuez ! ». C'est alors la curée selon le récit qu'en fera plus tard Jean Séguinat, secrétaire du duc, à la commission d'enquête nommée par les Bourguignons.
Par la porte du côté du dauphin, qui a été maintenue ouverte, des hommes en armes s'engouffrent dans l'enclos. Le duc est lardé de coups cependant que le dauphin, conduit à l'écart, reste impassible.
L'assassinat horrifie le pays et ravive la querelle des Armagnacs et des Bourguignons, au grand dam des Français loyalistes. Le nouveau duc de Bourgogne, Philippe le Bon, animé par le désir de venger son père, n'hésite plus à s'allier avec les Anglais et leur livre le trône de France.
La reine Isabeau de Bavière et son mari, Charles VI le Fou, se laissent convaincre de déshériter leur fils et de négocier avec les Anglais l'infamant traité de Troyes. Le dauphin devra patienter dix ans avant qu'une bergère de Domrémy lui apporte le pardon de Dieu pour son crime et le restaure dans ses droits à la couronne de France.
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