10 juin 1903

Le roi et la reine de Serbie assassinés

Dans la nuit du 10 au 11 juin 1903, le roi de Serbie Alexandre Ier Obrenovitch (26 ans) et la reine Draga Mašin sont assassinés dans leur chambre par un petit groupe d'officiers ralliés à la famille rivale des Karageorgevitch.

Les Obrenovitch, de la farce à la tragédie

Alexandre Ier (ou Alexandar) a succédé sur le trône de Serbie à son père Milan 1er après que celui-ci eut abdiqué le 6 mars 1889. Chassé en raison de son tempérament autoritaire, d'une guerre désastreuse contre la Bulgarie et d'un divorce mal géré, Milan Ier prend le chemin de l'exil.

Le roi de Serbie Alexandre 1er Obrenovitch et la reine Draga MachinMais quatre ans plus tard, le jeune roi d'à peine seize ans convoque ses ministres à dîner et, au cours d'un toast, leur annonce qu'ils sont tous en état d'arrestation et que lui-même s'arroge les pleins pouvoirs.

Dans les faits, le coup d'État a été monté par l'ancien roi qui revient en qualité de commandant en chef des forces armées et va assumer la réalité du pouvoir aux côtés de son fils jusqu'en 1900 ! Durant cette « diarchie de Milan et d'Alexandar », la dynastie sombre dans l'impopularité.

Le fond de l'abîme est atteint lorsqu'Alexandre Ier se met en tête d'épouser le 23 juin 1900 une veuve aux moeurs légères, de dix ans plus âgée que lui. Le ministre de l'Intérieur a tenté de l'en dissuader : « Sire, vous ne pouvez pas l'épouser. Elle a été la maîtresse de tout le monde, y compris la mienne ». L'insolent a été giflé. Milan, qui s'est opposé également au mariage, est contraint de reprendre le chemin de l'exil.

Abymes d'impopularité

Bientôt courent des rumeurs de complot à Belgrade. Elles réunissent plusieurs centaines d'officiels et de militaires. Le roi fait renforcer ses gardes et ne circule plus qu'accompagné d'une nombreuse escorte. Quant à la reine Draga Machin, elle ne quitte pratiquement plus le palais royal.

Le Times de Londres s'en fait l'écho le 27 avril 1903 : « Il existe un complot militaire de telle ampleur contre le trône que ni le roi ni le gouvernement n'osent prendre de mesures pour l'écraser ».

Parmi les meneurs figure l'officier Dragutin Dimitrievitch, surnommé « Apis » par ses admirateurs en raison de sa carrure imposante qui évoque le taureau de la mythologie égyptienne. Responsable des services secrets, il va fonder plus tard fonder l'organisation secrète de la « Main noire » et planifiera l'attentat de Sarajevo...

Comme la plupart des autres comploteurs, il rêve d'une « Grande Serbie » qui absorberait tous les Serbes et s'oppose au penchant austrophile du roi.

En attendant, il faut en finir avec le roi Alexandre Ier. Après qu'ils ont été massacrés, le souverain et son épouse sont défenestrés et hachés menu au sabre par les insurgés. Les fidèles et les familiers du couple royal sont également assassinés. 

Homme à poigne

Nikola Pasic (18 décembre 1845, Zaječar -10 décembre 1926, Belgrade)Ce coup d'État sanglant amène dès le lendemain sur le trône le prétendant de la dynastie rivale, Pierre Ier Karageorgevitch.

La réalité du pouvoir passe entre les mains de Nikola Pasic, chef de file des radicaux et chef du gouvernement à six reprises entre 1904 et 1918, y compris pendant la période cruciale de la Grande Guerre. Né le 18 décembre 1845, il a déjà près de soixante ans quand il prend les rênes de l'État. Pour mieux se consacrer à son ambition, la « Grande Serbie », il choisit d'ailleurs de rester célibataire jusqu'à 45 ans.

Son idéal repose en vérité sur une vision mythifiée de la Serbie médiévale du tsar Douchan, laquelle était un royaume parmi d'autres, qui rassemblait des populations très diverses, bien au-delà des Serbes proprement dits.

Faute de moyens, le régime des Karageorgevitch choisit de réaliser son objectif national par des actions clandestines. Ainsi appuie-t-il la guérilla serbe dans la Macédoine ottomane.

Mais surtout, le gouvernement de Pasic décide de s'émanciper de l'Autriche-Hongrie et, pour commencer, choisit de s'équiper en armes non plus auprès de la firme pragoise Skoda mais auprès de Schneider, au Creusot. Comme il n'a pas les moyens de payer ses achats, il s'endette lourdement auprès du gouvernement français. 

C'est le début d'une alliance en bonne et due forme avec la France.

L'annexion formelle de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie, le 5 octobre 1908, entraîne une rupture définitive entre Vienne et Belgrade, les dirigeants serbes craignant que cette annexion enterre le rêve de « Grande Serbie ».

Contre toute attente, dix ans plus tard, en 1918, ils verront s'accomplir leur rêve de tous les instants, à savoir la fondation du « Royaume des Serbes, Croates et Slovènes », la future Yougoslavie. Mais il aura fallu, pour en arriver là, en passer par la Grande Guerre, un massacre autrement plus conséquent que l'assassinat du couple royal...

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2019-06-04 12:28:13
Benoit de BIEN (13-06-2018 17:38:57)

A lire aussi le très intéressant ouvrage : Les somnambules de Christopher CLARK qui décrit très bien la genèse de 14/18 et notamment, le problème Serbe dont question ci-dessus.

HuGo (12-06-2018 02:22:16)

Bonjour,, Etude très-intéressante, qui montre bien l'échec de tous les "Verkrampte" (coincés, bloqués, cramponnés… comme on disait au temps de l'apartheid). Bientôt suivra l'obstiné Leopol... Lire la suite

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