La taille est avec la gabelle l'impôt le plus impopulaire de l'Ancien Régime. Au milieu du Moyen Âge, il s'agit d'une taxe arbitraire prélevée par le seigneur sur ses paysans en échange de sa «protection». Peut-être son nom vient-il de ce que les paysans reçoivent un bâton avec une encoche comme preuve de paiement ? Toujours est-il que les assujettis se plaignent avec raison d'être «taillables et corvéables à merci».
La taille seigneuriale disparaît en bonne partie à la fin du Moyen Âge, au XVe siècle, mais c'est pour être remplacée par une taille royale, destinée à financer l'armée permanente du roi. C'est une contribution pour la «taille des lances» (autrement dit l'achat et l'entretien des armes de guerre). Tous les non-combattants sont normalement astreints à la taille en échange d'une exemption du service militaire. Le clergé en est quant à lui dispensé car il lui est interdit de verser le sang pour des motifs religieux. Les combattants professionnels, c'est-à-dire les nobles, en sont aussi dispensés... Trois siècles plus tard, quand les nobles auront renoncé pour la plupart au service des armes, cette dispense de l'impôt apparaîtra à beaucoup injustifiée.
Le montant global de la taille est fixé par le Conseil du roi et réparti entre les provinces et les paroisses. Les élus de ces circonscriptions la répartissent ensuite entre les «feux» (les foyers ou familles) selon deux procédures :
- Dans les pays d'élection (les plus anciennes provinces du royaume), on pratique la taille personnelle : l'impôt est réparti de façon très arbitraire entre les familles d'après les signes apparents de richesse et en fonction des réseaux d'influence ; les abus sont innombrables.
- Dans les pays d'état (les provinces les plus récentes qui ont conservé leurs États provinciaux : Bretagne, Béarn, Dauphiné, Provence, Languedoc), on pratique la taille réelle : l'impôt est réparti de façon plus équitable d'après la richesse réelle de chaque famille, indépendamment de son statut. Les nobles eux-mêmes paient la taille pour les terres roturières qui ne relèvent pas de leur fief.
Conscient des défauts de la taille personnelle, Colbert lui-même tente de la supprimer au XVIIe siècle mais n'y parvient pas. À la fin de l'Ancien Régime, la taille est devenue le symbole de l'injustice fiscale. Son montant annuel dépasse les 60 millions de livres à la veille de la Révolution contre un peu plus d'un million au XVe siècle cependant que le nombre d'assujettis s'est réduit au fil des décennies !
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