L’expression « roman national » est apparue pour la première fois dans les Lieux de mémoire, tome 3 (Pierre Nora, Gallimard, 1992). Elle désigne la narration romancée qu’une nation fait d’elle-même en vue de produire du commun. Le précurseur de cette forme de narration historique est l'historien romantique Jules Michelet, auquel on doit cette formule tout sauf scientifique : « L'Angleterre est un empire, l'Allemagne un pays, une race ; la France est une personne ».
Il est de bon ton en ce début du XXIe siècle de pourfendre le « roman national » et le « déconstruire ». Cette attitude est assimilable à celle d'un enfant qui casse un jouet dont il ne maîtrise pas le fonctionnement. Avant de s'en prendre au « roman national », il faudrait en effet s'interroger sur ses ressorts.
S'est-on demandé si le besoin de cultiver un fonds commun de souvenirs n'était pas essentiel à toute communauté qui aspire à la concorde et à la solidarité ?
Les Grecs anciens vivaient ainsi sur un ensemble de mythes auxquels peu croyaient mais qui nourrissait leur imaginaire commun et stimulait leur réflexion. Il a bercé l'enfance des immenses savants, écrivains, artistes et philosophes issus de la terre grecque. Il a contribué à l'épanouissement de leur talent.
De la même façon, les récits bibliques, la foi chrétienne et plus près de nous le roman national ont pu nourrir des Montaigne, Spinoza, Goethe, Hugo, Delacroix, etc. Il est douteux que la « déconstruction du roman national » produise la même floraison de talents...
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