Mutsuhito (1852 - 1912)

L'« ère des Lumières »

Mutsuhito, fils de l'empereur Kōmei, monte sur le trône à 14 ans, le 30 janvier 1867. Il est, selon la chronologie officielle, le 122e empereur du Japon (Tenno en japonais).

Le jeune souverain, à l'écoute du clan réformiste, adopte le nom de règne de Meiji Tenno (Meiji veut dire lumière en japonais). Ce nom est significatif de sa volonté de moderniser l’empire du Japon et de l’ouvrir sur le monde.

Ne se satisfaisant pas du rôle purement symbolique et religieux dévolu au souverain, l’empereur Meiji Tenno congédie le maire du palais le 9 novembre 1867 et décide de gouverner désormais en personne, avec le concours des grands seigneurs réformistes qui piaffent d'impatience dans l'ombre du shogun Tokugama, le maître tout-puissant du gouvernement.

En moins d'une génération, il va hisser son pays parmi les grandes puissances de la planète, toutes les autres appartenant à la sphère occidentale.

Le Japon féodal en crise

Depuis 1616, soit plus de deux siècles, l'Empire du soleil levant était gouverné par une famille, les Tokugawa. Ils exercaient la fonction de shogun (ou maire du palais) tandis que l'empereur héréditaire gardait une fonction symbolique à caractère religieux.

Les Tokugawa maintenaient le pays dans un total isolement diplomatique et lui conservaient ses structures féodales. Mais l'irruption d'une escadre américaine en 1853 fait chavirer les esprits et suscite de violents conflits dans l'entourage du shogun, entre conservateurs et réformistes.

Ces derniers sont nombreux parmi les grands seigneurs (ou daimyo) qui craignent, non sans raison, que le Japon ne soit, comme la Chine, soumis à des traités humiliants et livré à l'avidité des marchands occidentaux.

C'est ainsi que le 9 novembre 1867, suite à des émeutes et sous la pression des daimyo qui entourent le souverain, le dernier shogun Tokugawa Yoshinobu remet ses pouvoirs au jeune empereur.

L'« ère des Lumières »

Mutsuhito s'attribue officiellement tous les pouvoirs. Dans son ombre gouvernent de fait les daimyo réformistes.

L'empereur déplace sa résidence officielle de Kyoto (qui signifie en sino-japonais : « ville capitale ») à Yedo (ou Edo), qui, depuis 1603, est déjà la capitale administrative du pays et l'une des principales villes du monde avec plus d'un million d'habitants. La nouvelle capitale du Japon prend le nom de Tokyo (« capitale de l'Est »).

L'empereur réinvente par ailleurs une « tradition nationale japonaise » fondée sur le culte d'État, le shintoïsme, pour maintenir ses sujets dans l’obéissance. Les bouddhistes, très influents à l'époque des Tokugawa, sont obligés de s'aligner sur les nouvelles valeurs patriotiques.

Pomme de discorde

En 1869, Mutsuhito fait édifier près de Tokyo le temple Yasukuni réservé aux Japonais qui ont donné leur vie pour l'empereur. Son nom signifie « pays [kuni] pacifié [yasu] ». Dans ce temple sont aujourd'hui honorés plusieurs acteurs de la Seconde Guerre mondiale, à l'origine de crimes de guerre dans les pays occupés. Pour cette raison, ce temple revient régulièrement au centre de querelles diplomatiques.

En 1871, l'empereur abolit officiellement la hiérarchie instaurée par les shoguns. Les samouraïs, qui étaient tenus d'obéir de père en fils à leur seigneur, le daimyo, conformément au code de l'honneur, le bushidô, se mettent au service de l'empereur ou se reconvertissent avec plus ou moins de bonheur dans les affaires ou l'agriculture.

La même année, l'empereur envoie en Occident une mission d'étude, la mission Iwakura, en vue de collecter toutes les idées de bon aloi. Sa mission va durer de décembre 1871 à septembre 1873.

Dès 1872, le Japon se dote de sa première ligne de chemin de fer. Empruntant sans état d'âme aux Occidentaux ce qu'il estime bon, l'empereur instaure le service militaire et bâtit une armée moderne sur le modèle allemand. C'en est fini des beaux uniformes des samouraïs et de leur armement féodal, notamment le katana (sabre). Les nouvelles troupes portent des uniformes inspirés des Français et sont armées de fusils occidentaux.

L'Empire triomphe

En quelques années, le pays s'arrache ainsi à la féodalité et rejoint le peloton des nations les plus avancées. En 1889, Meiji Tenno peut s'offrir le luxe de boucler l'ère des réformes en introduisant une Constitution et en se défaisant d'une partie de son pouvoir au profit de deux assemblées élues.

Le succès de la politique impériale trouve une spectaculaire consécration avec, en 1905, la victoire du Japon sur la Russie. C'est la première fois depuis plusieurs siècles qu'une puissance européenne est défaite par une puissance asiatique.

Le prodigieux essor de l'Empire du Soleil levant sous l'ère Meiji trouve une explication dans le très haut degré d'éducation du peuple japonais. En effet, au XIXe siècle, le taux d'alphabétisation était déjà comparable à celui des provinces européennes les mieux éduquées (50% de la population adulte savait lire et écrire).

Le succès de cette modernisation à marches forcées est consacré par les conquêtes coloniales du Japon et sa victoire sur la Russie en 1905. C’est la première fois qu’une puissance asiatique l’emporte sur un pays européen. Les Occidentaux comprennent qu’ils doivent désormais tenir le Japon pour leur égal.

En 45 ans de règne, jusqu'à sa mort le 30 juillet 1912, Mutsuhito aura ainsi fait sauter plusieurs siècles à son pays, du Moyen Âge à l'ère industrielle.

Alban Dignat
L'Europe s'entiche du Japon

L'ouverture du Japon sur le monde extérieur suscite dans les élites occidentales un engouement considérable. Les voyageurs se ruent vers l'Empire du Soleil levant, qu'il s'agisse d'écrivains fortunés ou de bourgeois sybarites.

Dans la première catégorie figure Pierre Loti. L'écrivain nomade publie en 1887 un roman à succès autour de son expérience japonaise : Madame Chrysantème, qui inspirera l'opéra de Puccini, Madame Butterfly (1904).

Hugues Krafft, riche négociant de champagne, passionné d'art, appartient à la seconde catégorie. Il parcourt le Japon pendant six mois, en 1882, et tire de ses découvertes de nombreuses photographies et aquarelles.

De retour à Reims, il sauve de la ruine une splendide maison médiévale, la maison Le Vergeur, et la transforme en musée du Vieux Reims. On peut y voir le fruit de ses explorations. Ses souvenirs du Japon ont par ailleurs fait l'objet d'un beau catalogue disponible sur place.

Les artistes européens découvrent de leur côté les estampes ou « Images du monde flottant » (ukiyo-e). Celles-ci suscitent un courant pictural baptisé « japonisme » dès 1872. Jusqu'à la veille de la Grande Guerre, il va inspirer les plus grands peintres, au premier rang desquels Manet, Monet, Degas, Cézanne, Gauguin et surtout Matisse...


Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14
Louis (29-07-2012 16:42:53)

Bonjour et merci pour la qualité globale de vos articles; Concernant les polémiques du temple Yusukuni qui viennent surtout de Chine et des milieux occidentaux affectés par la neurasthénie de l... Lire la suite

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