Culture

Le japonisme, une passion française

L’ouverture du commerce entre le Japon, l’Europe et les États-Unis fait naître en Occident une vogue qui se propage en un éclair dans tous les arts. En 2018, à l’occasion des 150 ans de l’ère Meiji, plusieurs expositions parisiennes se penchent sur ce phénomène que l’on surnomme dès 1872 le japonisme...

Émilie Formoso, journaliste (Histoire & Civilisations)

Scène de bal à la Hofbug en présence de l'empereur François-Joseph (aquarelle, Wilhelm Gause, détail, 1900, musée historique, Vienne)

Histoire & Civilisations

Histoire & Civlisations N°42, septembre 2018Cet article est extrait d'un dossier consacré au Japon, par le magazine Histoire & Civilisations n°42, septembre 2018) [intertitre et illustrations sont de Herodote.net]. Vous pouvez le découvrir en version originale.
Outre ce dossier consacré au 150e anniversaire de la révolution Meiji, le magazine recèle aussi un article très fourni sur la naissance des grands magasins sous le Second Empire ainsi qu'un portrait de Savonarole...

Chaque mois, sous la plume d’historiens reconnus, Histoire & Civilisations vous emmène sur les traces des cités mythiques, fait revivre le quotidien de nos ancêtres, mais aussi des événements qui ont marqué notre humanité.

Risquer sa réputation

Au début du XIXe siècle, la valse fait fureur chez les plus jeunes. En un sens, elle exprimait parfaitement la nouvelle société continentale qui, se détournant des us aristocratiques, avait confié le bâton de commandement à la bourgeoisie.

Danse à la ville (Auguste Renoir, 1883, musée d'Orsay, Paris)La valse n’avait guère en commun avec les mouvements compassés du menuet ou de la contredanse. Elle permettait aux couples de s’enlacer librement et d’éprouver une sensation de liberté absolue à chaque volte. Sensation que Goethe dépeint avec brio dans une scène des Souffrances du jeune Werther (1774), où le protagoniste fait le récit d’un bal commençant par des menuets : « Lorsque nous en vînmes à la valse, [...] les couples, comme les sphères célestes, circulèrent les uns autour des autres. Je n’ai jamais été si leste. Je n’étais plus un homme. Tenir dans mes bras la plus aimable créature, et tourbillonner avec elle comme l’orage […]. »

En revanche, les esprits conservateurs ne tardent pas à trouver immoral le fait qu’un couple danse entrelacé. Il était jusqu’alors courant que les danseurs ne se prennent par la main que s’ils devaient réaliser des chorégraphies compliquées comme dans le menuet versaillais.

En 1818, la préceptrice du futur roi Louis-Philippe, Madame de Genlis, déclare que la valse peut perdre toute jeune femme honnête qui la danserait. Madame de Genlis la définit ainsi : « Une jeune personne, légèrement drapée, se jetant dans les bras d’un jeune homme qui la presse contre son sein et qui l’entraîne avec une telle impétuosité que bientôt elle éprouve un violent battement de coeur, et qu’éperdue la tête lui tourne ! Voilà ce qu’est une walse ! »

En 1833, un manuel de bonnes manières britannique préconisait que seules les femmes mariées dansent la valse, car il s’agissait « d’une danse trop immorale pour être dansée par des demoiselles ».

Un fleuve, « tube » de l'année 1867

Pour sa célèbre valse, Strauss s’inspire d’un poème de Karl Beck qui loue la beauté de Vienne (ou d’une femme) « sur les rives du beau Danube bleu ».
Lors de sa première représentation en 1867, la valse a un succès mitigé. Mais lorsque le compo siteur présente son oeuvre quelques semaines plus tard à Paris, le triomphe est magistral. « Strauss ! […] Aux sons de sa musique dansent la cour et la caserne, la campagne et la ville, les escarpins et les sabots, les fées et les bonnes d’enfants : elle est à la portée de toutes les intelligences et de toutes les jambes », écrit un journaliste français.

Une diffusion planétaire

Aucune de ces critiques n’empêche que se diffuse la nouvelle danse, ce à quoi contribue l’ouverture d’une nouvelle sorte d’établissement : les salles de bal.

En 1759, la chanteuse lyrique Teresa Cornelys, qui a sillonné les scènes d’Europe en rencontrant un succès mitigé, arrive à Londres pour y ouvrir la première salle de bal publique, le Carlisle House. Le lieu était un club privé, où l’on pouvait dîner, jouer aux cartes, écouter un orchestre de chambre et, naturellement, danser.

Son exemple est rapidement suivi par d’autres capitales européennes. À Vienne, le Sperl et l’Apollo ouvrent, et Johann Strauss père y fait ses premières armes. Enthousiastes, les plus jeunes adoptent la nouvelle mode, et les salles de bal finissent par devenir le milieu naturel où l’on vient danser la valse.

Johann Strauss fils (Vienne, 25 octobre 1825 ; 3 juin 1899)La popularité grandissante de la valse doit beaucoup aux musiciens autrichiens Johann Strauss père (1804-1849), Josef Lanner (1801-1843) et Johann Strauss fils (1825-1899).

Ce dernier est l’auteur, notamment, de la plus emblématiques des valses viennoises : Le Beau Danube bleu, qu’interpréteront tous les orchestres de Vienne, lorsqu’il meurt en 1899, au passage de son cercueil.

Ces trois compositeurs transforment une simple danse paysanne en oeuvres éclatantes de brio et de musicalité, ciblant un public plus sophistiqué. Il en va de même de l’Allemand Carl Maria von Weber et du Polonais Frédéric Chopin, ou des valses que le Russe Piotr Tchaïkovski inclut dans certains de ses ballets, tels que Casse-Noisette, Le Lac des cygnes ou La Belle au bois dormant. Au milieu du XIXe siècle, la valse finit donc par régner sans conteste sur les salons de la noblesse de toute l’Europe. La société est en train d’évoluer au rythme d’une mesure à trois temps.


Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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