19 août 1839

La France fait don de la photo au monde !

Le 19 août 1839, François Arago, illustre savant et homme politique en vue, déclare devant les Académies des sciences et des beaux-arts que la France a acheté le daguerréotype, une invention de Louis Daguerre à l'origine de la photographie, afin d'« en doter libéralement le monde entier » !

Camille Vignolle

La plus ancienne gravure héliographique connue au monde. Il s'agit de la reproduction d'une gravure flamande du XVIIe siècle, montrant un homme menant un cheval. Elle a été obtenue par l'inventeur Français Nicéphore Niépce en 1825, suivant le procédé de l'héliographie. En 2002, la Bibliothèque nationale de France l'a acquise pour 450 000 ?, considérant qu'il s'agissait d'un « trésor national ». Agrandissement : Point de vue du Gras, première photographie par Nicéphore Niépce, vers 1826 ou 1827.

Trois hommes au berceau de la photographie

Comme il est arrivé bien souvent au temps de leur grandeur, Français et Anglo-Saxons se sont disputé la paternité de cette invention considérable, la photographie.

Celle-ci est au croisement de plusieurs techniques : la « chambre noire », dont les propriétés ont été identifiées dès l'Antiquité, et la fixation des couleurs sur papier par voie chimique.

En Angleterre, vers 1800, Thomas Wegwood, fils d'un potier réputé, a l'idée d'enregistrer une image produite par une « chambre noire » de son père sur une feuille de papier imprégnée de chlorure d'argent, une substance photo-sensible. Mais la solution vient avec l'inventeur bourguignon Nicéphore Niépce.

Dès 1822, il produit de premières « héliographies » qui ont la vertu de ne pas s'effacer au bout de quelques minutes et ses essais aboutissent en 1824. La première photographie ou « héliographie » qui nous soit restée de lui est une vue (très floue) de la fenêtre de sa maison de Saint-Loup-de-Varennes, près de Chalon-sur-Saône, réalisée en 1827.

Vu le temps d'exposition, le procédé n'est pas prêt pour la photographie instantanée mais Niépce n'en a cure : il s'intéresse avant tout à la lithographie. Là-dessus, voilà que l'inventeur modeste de Chalon-sur-Saône entre en relation en 1829 avec un fantasque décorateur de théâtre parisien, Louis Jacques Mandé Daguerre.

De vingt-deux ans plus jeune, celui-ci utilise habilement les ressources de la chambre noire dans ses arrangements théâtraux. Il perçoit tout l'intérêt commercial du procédé de fixation des images de Niépce et le convainc de signer un contrat d'association en 1829. Voilà réunies les deux techniques à la base de la photographie !

La mort de Niépce, en 1833, ne met pas fin à l'aventure dont le rythme va même s'accélérer : Daguerre réussit avec des produits ad hoc à ramener les temps de pose à quelques minutes et conçoit en 1837 un appareil de prise de vues qu'il baptise avec modestie « daguerréotype ».

Comme il manque d'argent mais pas d'entregent, il convainc l'astronome François Arago (53 ans) de soutenir son projet. Celui-ci s'empresse de jouer de son influence pour pousser l'État à se rendre acquéreur de l'invention puis à « en doter libéralement le monde entier », lors de la séance historique du 19 août 1839, à l'apogée du règne du « roi-bourgeois » Louis-Philippe Ier.

Le succès du daguerréotype est immédiat et phénoménal. Sans cesse amélioré, avec désormais un temps de pose de quelques secondes, il prend vite la place des portraits en miniature dans les salons des familles bourgeoises.

Publié ou mis à jour le : 2024-09-25 07:17:59
jean Ricodeau (29-08-2016 13:54:57)

J’ai bien aimé cet article, simple et concret, qui donne un exposé clair du contexte.

Pour avoir plus de détails, j’ai accédé à un article fort documenté sur ce sujet :
- R. Derekwood, A State Pension for L. J. M. Daguerre for the Secret of his Daguerreotype Technique, Annals of Science, 54 (1997), pp. 489-506

J’étais intéressé à ce sujet car il donne un exemple, remarquable et très illustratif, de ce que les sociologues appellent une « transition privé-public », signifiant qu’une invention/innovation ne reste pas dans les seules mains d’une entité cherchant à en tirer un bénéfice financier, mais est ouvert à une large mise à disposition publique.

Cet exemple a aussi le mérite de montrer comment, selon les époques, la société (au sens large) encourage sélectivement la recherche (que les sociologues séparent entre « scientifique » et « technologique »)
- voir par exemple, écrit par un sociologue de Grenoble : Dominique Raynaud, "Qu’est-ce que la technologie?, suivi de Post-scriptum sur la technoscience", Préface de Mario Bunge, ÉDITIONS MATÉRIOLOGIQUES, Paris, 2016 -
- en particulier le chapitre II, p. 57 "neuf types distincts d’articulation entre science et technologie".
- Et pour le passage privé-public, avec le critère « d’autonomie », en page 178, le cas en recherche génétique (un cas très d'actualité et à fort impact sociétal) de la société I-stem qui développe une "stratégie communaliste" de dépôt de brevets.

Dominique Mollicone (16-08-2016 11:48:55)

Un bel article ! Dommage que le format pdf de ce même article est une mauvaise mise en page ... Cela peut-il être signalé au webmaster afin d'améliorer la qualité de vos documents enregistrés ? En vous remerciant. Bien cordialement ...

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