Hugo Pratt

Dessinateur des tempêtes et du grand large

Signature d'Hugo Pratt (DR)Le dessinateur vénitien Hugo Pratt (1927-1995) demeure avant tout connu comme le créateur de Corto Maltese.

Dans son univers se rencontrent les aventuriers et révolutionnaires du début du XXe siècle et les derniers représentants de mondes disparus, Amazonie, Far West, Pacifique ou Sibérie…

Scénographie du musée des Confluences (Lyon), Lignes d'Horizon (Hugo Pratt et Corto Maltese)

Dans l’histoire de la bande dessinée, Hugo Pratt occupe une place singulière, tout autant que son héros Corto Maltese. On ne saurait donner une nationalité ni à l’un ni à l’autre, tant ils ont bourlingué. L’un et l’autre sont aussi pétris par l’Histoire tragique du XXe siècle.

Corto Maltese (Hugo Pratt)Les aventures de Corto Maltese, écrites et dessinées à partir de 1967, se déroulent dans le premier quart du XXe siècle. Le héros promène son regard perçant de beau Méditerranéen et son élégance  toute britannique de la Sibérie à l’océan Pacifique, au milieu de révolutionnaires bolchéviques, turcs ou chinois, au milieu de pirates, de commerçants et de belles aventurières.

Reconnaissables entre toutes, avec leurs dessins « au burin », en noir et blanc, et des traits qui confinent parfois à l’abstraction, ses aventures n’ont qu’un très lointain rapport avec la vraie Histoire. Mais elles recréent une atmosphère qui nous permet de mieux la comprendre et de nous immerger en son sein !

Quant au dessinateur, il est pour de bon né à Rimini de parents vénitiens, le 15 juin 1927, sous le nom d’Ugo Prat. Il a grandi à Venise dans l’ombre d’un père militaire et fasciste. Cela lui a valu de vivre au plus profond de sa chair l’ascension du fascisme, son triomphe jusqu’en Éthiopie et sa chute pitoyable. Son père est mort en captivité en Éthiopie en 1942. Sa mère et lui-même rentrent à Venise où il est un moment arrêté par les SS avant d’entrer au service des libérateurs anglo-saxons !

Hugo Pratt à Venise en 1945)Très tôt conscient de son don pour le dessin, Ugo se prend de passion pour les comics américains qui inondent alors le Vieux Continent. Avec d’autres artistes en herbe, il participe à la création de la revue Asso di Picche et aborde tous les genres de la bande dessinée.

Grand admirateur du dessinateur américain Milton Caniff, maître du noir et blanc, de vingt ans son aîné, il adopte pour nom de plume « Hugo Pratt ». On y retrouve la double consonne finale et la consonance anglo-saxonne !

Comme l’édition italienne ne le nourrit pas, le dessinateur accepte en 1949 l’offre d’un éditeur de Buenos Aires. L’Argentine vit alors une ère d’abondance, sous la férule de Perón et Evita qui redistribuent généreusement les profits  accumulés pendant la guerre grâce aux exportations de viande et de blé. Elle figure parmi les pays les plus riches de la planète mais cette parenthèse sera vite refermée…

À la faveur d’un séjour aux États-Unis, Hugo Pratt se prend de passion pour l’histoire de Wheeling, une petite ville de Virginie où se sont affrontés Indiens et colons au XVIIIe siècle. Il va raconter à sa manière ces guerres indiennes dans des bandes dessinées et de belles aquarelles.

Wheeling (Hugo Pratt, 1962)

Peu après la publication de Wheeling, Hugo Pratt quitte l’Argentine définitivement et revient en Italie. En juin 1967, dans le magazine Sgt. Kirk que vient de fonder un ami, il publie les premières pages d’un nouveau récit : Una ballata del mare salato (« La Ballade de la mer salée »), qui se déroule autour de la Papouasie.

Plusieurs personnages de ses récits à venir y font leur apparition et, parmi eux, un marin dénommé… Corto Maltese  (« Le Maltais rapide »). Sa dégaine et son uniforme lui sont inspirés par le personnage de Burt Lancaster dans un film aujourd’hui bien oublié, His Majesty O’Keefe (« Le Roi des Îles », 1954). Il apparaît sous la forme d’un forban abandonné par ses compagnons et sauvé des flots par un pirate infect dénommé… Raspoutine !

Mais les ventes du magazine ne décollent pas et le succès se fait attendre jusqu’à ce jour de 1969 où, au festival de la bande dessinée de Lucques, Hugo Pratt est mis en relation avec le rédacteur en chef d’un nouvel hebdomadaire français lié au Parti communiste : Pif Gadget.

Ce magazine jouit quant à lui d’une diffusion de rêve, jusqu’à un million d’exemplaires ! Hugo Pratt est invité à rejoindre l’équipe de rédaction  et s’installe à Paris. Il va alors décider de mettre en avant son héros maltais et va publier ses aventures pendant trois ans, sous forme de courts épisodes. 

À vrai dire, les jeunes lecteurs de Pif Gadget ne goûtent pas plus que ça les aventures de Corto, trop éloignées de leurs codes graphiques. Mais la direction du magazine se montre indulgente et laisse sa chance à Hugo Pratt.

Raspoutine (Corto Maltese, Hugo Pratt)

Le bel Italien collabore aussi aux magazines Pilote et Tintin (édition belge). Il publie dans ce dernier les premiers épisodes des Scorpions du désert, un récit qui met en scène des combattants de la campagne d’Afrique pendant la Seconde Guerre mondiale.

Hugo Pratt en 1988)En 1973, il quitte Pif Gadget et, après un voyage en Éthiopie, sur les traces de son enfance et de son père, se met au service de France Soir. Pleinement reconnu par ses pairs et par les amateurs de BD, il publie sous forme de feuilleton La Ballade de la mer salée. Paraissent ensuite une série d’aventures, 29 au total. Le cycle s’achève avec Mû, la cité perdue (1992).

En 1984, Hugo Pratt se retire à Grandvaux, en Suisse. Il a l’honneur d’être le premier auteur de bandes dessinées à bénéficier d’une rétrospective au Grand Palais (Paris) en 1986. Deux ans plus tard, il est récompensé par le Grand Prix de la Ville d’Angoulême.

Hugo Pratt décède d’un cancer le 20 août 1995 au terme d’une vie tourbillonnante, pleine de rêves, de fantaisies et de femmes (lui-même a été marié deux fois et eu quatre enfants).

Corto Maltese (Hugo Pratt)

Lignes d’Horizons

Corto Maltese (Hugo Pratt)Le musée des Confluences, inauguré en décembre 2014 à l’extrémité de la « Presqu’île », à Lyon,  est un immense et magnifique cabinet de curiosités voué à l’anthropologie et aux sciences naturelles. Il était normal qu’il s’intéresse à Hugo Pratt.

Le dessinateur, en effet, au gré de ses voyages et de ses expériences, plus encore au gré de ses lectures, a émaillé son œuvre de références aux arts premiers et aux civilisations lointaines.  « Il était doué d’une extraordinaire mémoire visuelle et pouvait reproduire avec une grande exactitude les objets qu’il avait pu observer dans tel ou tel catalogue », note son biographe et ami Michel Pierre, à l’origine de l’exposition.

Tête précolombienne et extrait de Mû, la cité perdue (Hugo Pratt, 1988)Publié ou mis à jour le : 2021-06-03 11:11:45

Paul (17-11-2019 16:46:04)

Bref mais plein d’infos rares : moi qui fréquente l’œuvre d’Hugo Pratt depuis 1971 j’ignorais que la « silhouette » de Corto Maltese était inspirée par celle de Burt Lancaster dans «Â... Lire la suite

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