Pourquoi Byzance ?

Un empire de onze siècles

Michel Kaplan, historien spécialiste de la période byzantine, tente ici de réhabiliter Byzance, un empire et une civilisation autrement plus estimés en Russie qu'en Occident...

Pourquoi Byzance ?

Mille cent vingt trois ans et dix-huit jours se sont écoulés entre l’inauguration de sa capitale par l’empereur Constantin en 330 et sa chute aux mains de Mehmet II le 29 mai 1453. Cette longévité à elle seule justifierait qu’on s’intéresse à l’Empire byzantin et à Constantinople, deuxième Rome et construction politique à vocation universelle.

Pourtant, il faut bien reconnaître que l’histoire de Byzance n’a pas la place qu’elle mérite dans notre inconscient collectif.

Si les références à Rome et à Athènes sont nombreuses dans notre culture occidentale, nous savons peu ce que nous devons à Byzance.

C’est tout le mérite de l’ouvrage de Michel Kaplan, ancien président de l’université Paris I (Panthéon Sorbonne), de tenter de réparer cette injustice. Michel Kaplan est un savant de réputation internationale spécialiste de la période byzantine.

Byzance ignorée, Byzance méprisée !

Pourquoi Byzance est-elle si souvent ignorée quand elle n’est pas méprisée ? Sans doute l’époque des Lumières est-elle en partie responsable de ce discrédit : ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’adjectif byzantin prend un caractère péjoratif, réduisant la réputation de cet empire à ses querelles théologiques sur le sexe des anges.

Aux yeux de ceux qui luttent alors contre la monarchie absolue, Byzance apparaît comme le symbole de l’autocratie et dans une moindre mesure de l’obscurantisme religieux. Ni l’Église catholique, brouillée avec l’Orient, ni les révolutionnaires rationalistes ne pouvaient trouver en Byzance un modèle.

Et pourtant, Michel Kaplan nous montre toutes les richesses de cette culture et toute l’influence qu’elle a exercée sur l’Occident. C’est par Byzance et le Code Justinien que nous avons hérité des fondements du droit romain qui sont encore à la base des principes généraux de notre législation. C’est par les manuscrits byzantins que sont parvenus jusqu’à nous les textes fondateurs de la littérature et de la philosophie grecque. C’est aussi par les conciles convoqués en Orient pour combattre les hérésies que les dogmes de la chrétienté se sont forgés et consolidés.

L’Italie et la France de la Renaissance ont vu fleurir les études byzantines. Les Turcs ont eux aussi perpétué l’héritage byzantin, conservant le nom de Constantiniya à leur capitale jusqu’à ce que Mustapha Kemal le transforme en Istanbul en 1923.

Il est vrai cependant que notre monde laïc occidental peine à revendiquer comme faisant partie de son héritage un empire dont le chef est représentant de Dieu sur terre, dont l’empereur décide des questions religieuses, convoque des conciles, avalise la nomination des papes et dispose d’une autorité sacrée qui fascinait d’ailleurs Louis XIV.

C’est davantage en Orient, et particulièrement en Russie que cet héritage est aujourd’hui encore vénéré. L’Eglise orthodoxe, le culte des icônes et jusqu’à l’alphabet cyrillique viennent de Byzance.

Le Tzar, une déformation de César, se veut l’héritier des empereurs de Byzance, comme eux autocrate et médiateur entre Dieu et les hommes. La Russie se prétend la troisième Rome, gardienne de la vraie foi rayonnant sur l’Europe et l’Asie comme le montre l’aigle à deux têtes qui figure sur son drapeau, symbole qu’elle emprunté à Byzance. Ces symboles sont repris aujourd’hui dans la Russie de Poutine.

À lire les péripéties de l’empire byzantin racontées par Michel Kaplan, on ne peut s’empêcher de faire encore le parallèle avec l’empire russe : une suite d’expansions puis de rétrécissement, puis de nouveau d’expansion et finalement cette chute provoquée en partie par son incapacité à s’entendre avec l’Occident qui ne l’aidera pas à résister à l’assaut final.

Dans ses derniers siècles d’existence, Constantinople fut souvent assiégée. Cette mentalité d’assiégés est encore celle de la troisième Rome.

L’empire byzantin a tenu bon face aux assauts des Perses, des Arabes et des Bulgares mais le sac des croisés en 1204 lui a été fatal. Ce fut sans doute le pire épisode de son Histoire qui explique encore aujourd’hui la méfiance de l’Eglise orthodoxe vis-à-vis de l’Occident.

Pourquoi Byzance ? Sans doute pour nous amener à réfléchir sur les empires à prétention universelle, comme notre Europe.

David Victoroff
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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