Ce premier long-métrage du jeune cinéaste hongrois Laszlo Nemes (38 ans) a bouleversé le jury du festival de Cannes 2015 et obtenu le Grand Prix... Son approche inédite de la Shoah et d'Auschwitz soulève maintes interrogations.
Le fils de Saul nous montre Auschwitz de l'intérieur, avec une troublante vraisemblance, à travers le regard d'un déporté hongrois.
Celui-ci a été affecté dans un Sonderkommando et, à ce titre, doit accomplir toutes les basses besognes du meurtre de masse (diriger les nouveaux arrivants vers les chambres à gaz, enfourner les corps dans les crématoires...), en attendant d'être tué à son tour.
La fiction commence quand ce déporté croit reconnaître son fils parmi les corps destinés à la crémation et va tenter l'impossible pour lui donner une sépulture décente, au risque de compromettre la révolte qui fomente dans le Sonderkommando.
Le film s'étire un peu en longueur jusqu'au dénouement prévisible, tout en nous offrant des images d'une brutalité tranquille et diabolique sur l'usine d'extermination.
Avec un fond sonore tissé de vociférations, de cris et de grincements métalliques, nous voyons Auschwitz assez exactement comme nous l'imaginions d'après toute la documentation déjà disponible.
À quoi sert Le fils de Saul ?
Après avoir vu le film et partagé le trouble et l'émotion qui ont saisi le jury cannois, posons-nous la question de son utilité.
Il nous montre un personnage en immersion dans un événement historique dont le sens lui échappe. Saul est de ce point de vue le tragique pendant du jeune Fabrice Del Dongo qui participe à la bataille de Waterloo sans rien voir ni rien comprendre (La Chartreuse de Parme, Stendhal, 1839).
Le film s'adresse à un public averti qui connaît parfaitement l'arrière-plan historique. À décommander formellement aux enfants et également aux adolescents immatures qui risquent de n'y voir qu'une resucée des films gore dont ils sont saturés.
Le film de Laszlo Nemes n'a pas par exemple les vertus pédagogiques de Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1956) ou de La vie est belle (Roberto Benigni, 1997), seul film du genre susceptible de sensibiliser les enfants au drame de la Shoah...
Nous préférons y voir le reflet de notre époque, davantage portée vers l'émotion et la compassion que vers la réflexion et l'action.
Le fils de Saul s'inscrit dans la lignée d'Aylan, « le dormeur de la plage » : la photo de cet enfant, d'une esthétique bouleversante, a ému l'opinion occidentale le 2 septembre 2015. A-t-elle pour autant permis de comprendre le drame qui pousse des millions de réfugiés à fuir les camps de Turquie et du Levant et de définir les moyens d'y mettre fin ?...
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Jean-Paul MAÏS (17-08-2021 07:38:29)
Je lis cet article avec beaucoup de retard car j'ai vu et revu ce film dès sa sortie en DVD. Pour moi qui me livre à un travail de mémoire sur la Déportation via le modélisme ferroviaire depuis u... Lire la suite
Héloïse B. (11-03-2016 18:36:11)
Alors que cet article était très intéressant, j'ai été choquée par le public auquel vous ne conseillez pas ce film :" adolescents immatures qui risquent de n'y voir qu'une resucée des films gor... Lire la suite
Héloïse B. (11-03-2016 17:39:15)
Alors que cet article était très intéressant, j'ai été choquée par le public auquel vous ne conseillez pas ce film :" adolescents immatures qui risquent de n'y voir qu'une resucée des films gor... Lire la suite