L'Afghanistan ? Le pays des guerres interminables, des femmes prisonnières de leur tchadri et des talibans... Mais l'Afghanistan, on le sait moins, est également le berceau d'un trésor patrimonial aussi précieux que méconnu. Découvrons ensemble ces richesses pour, s'il est encore temps, mieux les protéger de l'obscurantisme.
Aï Khanoum, la « Dame Lune » des Grecs
Tout commence par une chasse royale : en 1963, le roi d'Afghanistan Zaher Shah entend des habitants du nord du pays évoquer l'existence de chapiteaux visibles au milieu d'une plaine, entre le fleuve Amou-Daria et son affluent, la rivière Kokcha.
Il ne s'agit rien moins que de l'« Alexandrie de l'Oxus » (Oxus est l'ancien nom de l'Amou-Daria), l'une des cités qu'Alexandre le Grand et ses successeurs ont édifiées tout au long de leur périple en Asie.
Les fouilles révèlent une ville bâtie sur le modèle grec avec palais aux chapiteaux corinthiens, théâtre et gymnase.
Il faut se souvenir que l'Afghanistan, entré dans l'Histoire il y a 2500 ans comme partie intégrante de l'empire perse des Achéménides, a été ensuite conquis par le conquérant macédonien. Le pays est ainsi devenu le phare avancé de la civilisation hellénistique (dico), au point de rencontre de l'Orient et de l'Occident.
Les armées d'Alexandre ont emprunté pour partie les mêmes itinéraires que les caravanes qui, dès l'époque achéménide, reliaient la Chine et l'Inde au monde méditerranéen. Ces « routes de la soie » passaient toutes par la Bactriane, une province qui tire son nom de la cité de Bactres (aujourd'hui Balkh).
À 60 km au nord de Kaboul, Begrâm, autre cité de la Bactriane, rebaptisée l'« Alexandrie du Caucase » par le conquérant macédonient, a livré un étonnant trésor d'Ali Baba. Découvert en 1937 dans l'ancien palais de la ville, ce trésor comprend des ivoires indiens, des laques chinoises, des verreries et bronzes gréco-romains... Autant de témoignages de cette première « mondialisation des échanges ».
D'Alexandre à Bouddha
Un os de crâne, dès le Ier siècle de notre ère, a attiré les pèlerins bouddhistes à Hadda (« os »), dans la passe de Khyber, près de la ville de Jalalabad, à quelques kilomètres de l'actuelle frontière pakistanaise. Pas n'importe quel os ! Il s'agissait d'un os du Bouddha, ce qui valut à la ville de se couvrir de monuments prestigieux et de monastères et de devenir aux IV et Ve siècles un très important site de pélerinage bouddhiste, avant que les pèlerins ne se déplacent à l'ouest, vers Bamiyan, .
Les 500 stupas (reliquaires monumentaux) encore repérables montrent à quel point le bouddhisme a marqué cette région du Gandhara, à cheval sur le Pakistan et l'Afghanistan actuels. Influencé par les artistes grecs amenés par Alexandre le Grand, il a donné naissance à un art particulier, l'art gréco-bouddhique du Gandhara.
Aujourd'hui, il ne reste rien du site d'Hadda et seuls quelques rares musées, comme celui de Guimet à Paris, nous permettent encore d'en imaginer la richesse culturelle.
Soumis aux Achéménides puis aux Macédoniens, envahi par les Scythes, l'Afghanistan s'est ensuite laissé séduire par le bouddhisme venu d'Orient et, ainsi qu'on l'a vu, il a réalisé, du moins dans la région de Gandhara, une étonnante synthèse de l'art hellénistique occidentale et de la religiosité orientale. Les trois statues monumentales de Bamiyan en sont - ou plutôt en étaient - le témoignage.
Si quelques années plus tard, en 1931, les membres de la Croisière jaune ont pu à leur tour rendre un « hommage pieux » aux géants, l'année 2001 a vu la destruction totale par les talibans de ces merveilles qui observaient placidement la vallée depuis les III et VIIe siècles.
Seul au monde
Désormais oubliée, Balkh s'était pourtant fait connaître dans l'Antiquité comme le lieu de naissance de Zoroastre (ou Zarathoustra), le père du mazdéisme, religion des anciens Perses... C'est là aussi que fut célébré le romanesque mariage d'Alexandre le Grand et Roxane.
Capitale du royaume de Bactriane et haut lieu du bouddhisme, elle fut conquise dès le VIIe siècle par les Arabes qui, fascinés par sa beauté, la surnommèrent « la mère de toutes les cités ».
Balkh fut toutefois délaissée suite à la découverte, au XVe siècle, de la sépulture supposée d'Ali, gendre du Prophète, dans la ville voisine de Mazar-i-Sharif. Les pèlerins chiites s'y déplacèrent alors en grand nombre pour lui rendre hommage dans la belle Mosquée bleu turquoise de Rawze-i-Sharif (« la mosquée du Saint »).
Quand Hérât resplendissait
Située aux portes de l'Iran, Hérât reste à jamais liée au nom de Tamerlan qui, au milieu du XIVe siècle, la choisit pour en faire le joyau de son empire. C'est son quatrième fils, Shâh Rokh, qui la couvrit de monuments au point d'en faire une des plus belles cités de l'Orient, et des plus rayonnantes.
Scientifiques, poètes, peintres se pressaient alors à la cour des Timourides pour en célébrer la splendeur et profiter des bienfaits apportés par les route de la soie. Aujourd'hui, on peut encore imaginer la puissance de cette dynastie en découvrant l'imposante citadelle de briques, malheureusement transformée par les talibans en prison.
Plus loin, la Grande mosquée du Vendredi, construite sur l'emplacement d'un temple grec, est couverte de céramiques vernissées à la mode iranienne. S'il ne reste que peu de choses de la grande madrasa (école) voulue par la reine Gôhar-Châd (« Essence de la joie »), épouse de Shâh Rokh, le souvenir de cette mécène se perpétue à travers son mausolée, surnommé par les riverains « la coupole verte ».
C'est également à Kaboul qu'a été inauguré en 1922 le musée national, dans une banlieue aujourd'hui peu sécurisée. On y trouvait près de 100 000 objets, des trésors issus de plus de 100 ans de fouilles. Déjà mis à sac et victime de tirs de roquette lors de l'arrivée des moudjahidines en 1992, il a de nouveau été vandalisé lors de l'arrivée des talibans en 1991, ses collections servant à alimenter le marché mondial des antiquités.
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