Le sens du mot race a beaucoup évolué au fil des siècles. Avant la Révolution française, le mot désignait très vaguement un groupe humain, une lignée, un clan ou une famille.
• Dans le monde hispanique, le 12 octobre, jour anniversaire de l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique, est désigné sous le nom de Día de la Raza (en français « Jour de la race »), le mot raza se rapportant ici à la communauté nationale hispanique, sans distinction de couleur de peau.
• Dans Le Cid (Corneille, 1637), don Diègue, soucieux de l'honneur familial, lance au comte qui lui a donné un soufflet :
Achève, et prends ma vie après un tel affront,
Le premier dont ma race ait vu rougir le front.
Au milieu du XIXe siècle, à la suite des premiers travaux d'anthropologie, le mot race ne va bientôt plus désigner que les différents groupes humains caractérisés par la couleur de leur épiderme. Portées par la foi dans le progrès et les sciences et de plus en plus éloignées de l'universalisme chrétien, les élites européennes vont alors se convaincre que ces différences physiques sont aussi associées à des différences intellectuelles et mentales.
• Les uns, comme le républicain Jules Ferry, y verront un motif pour les « races supérieures » de civiliser les « races inférieures », avec la conviction de pouvoir de la sorte hisser les secondes au niveau des premières et gommer tout ce qui les sépare.
• Les autres tiendront ces différences pour irrépressibles et en viendront à développer des thèses outrageusement racistes, jusqu'à déboucher sur des idéologies criminelles comme le nazisme.
Entre les deux guerres mondiales, le concept de race n'est toujours employé que dans les cercles politiques. Il est absent de l'enseignement universitaire. Mais le mot racisme émerge dans les années 30 pour désigner ce qui vient d'Allemagne, aussi bien le racisme à l'égard des non-Blancs que le racisme à l'égard des Juifs (antisémitisme).
La distinction entre racisme et antisémitisme n'a formellement pas de sens. Dans les deux cas, on retire la qualité d’humains à certaines populations du seul fait de leur couleur (phénotype) ou de leur religion. C'est l'idée que développe le philosophe Alberto Memmi dans son essai sur Le racisme (1982).
La distinction persiste néanmoins dans les milieux antiracistes eux-mêmes, ainsi que le montre l’intitulé de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra, 1979). Elle induit l’idée que l’on ne hait pas pour les mêmes raisons les Juifs et d’autres populations. C’était de fait le cas chez les nazis qui éprouvaient de la crainte à l’égard des juifs, considérés comme un groupe solidaire, visant à la domination mondiale par le biais de la finance et de la culture ; rien de tel avec les autres populations telles que les asociaux, les slaves ou les tziganes, que les nazis jugeaient inférieures aux Aryens et se contentaient de mépriser.
Ainsi peut-on distinguer :
• Un racisme de la haine, celui que manifeste les nazis à l'égard des Juifs.
• Un racisme du mépris, celui des planteurs américains ou des musulmans à l'égard des noirs d'Afrique.
• Mais aussi un racisme condescendant, celui de Jules Ferry et de ses contemporains à l'égard des populations colonisées.
• Ajoutons aujourd'hui un racisme compassionnel. C'est celui des Occidentaux libéraux à l'égard des musulmans et surtout des Africains, considérés comme des victimes par essence, quoi qu'ils fassent et quoiqu'ils pensent.
Ce racisme-là débouche sur une infériorisation systémique des populations concernées, jusqu'à les convaincre de leur statut de victime et les dissuader de faire effort pour s'en sortir, tant sur le sol africain que dans les diasporas du monde occidental. Ce racisme-là est sans doute le plus difficile à combattre car il est fondé sur les meilleures intentions du monde.
Retenons la définition sobre et précise que donne du racisme l'Académie française :
RACISME n. m. xxe siècle. Dérivé de race. Ensemble de doctrines selon lesquelles les variétés de l'espèce humaine appelées races, principalement distinguées les unes des autres par leur apparence physique, seraient dotées de facultés intellectuelles et morales inégales, directement liées à leur patrimoine génétique. Par ext. Préjugé hostile, méprisant à l'égard des personnes appartenant à d'autres races, à d'autres ethnies.