Michel Psellos a vu L'exercice de l'État, un film français au rythme trépidant qui, une fois n'est pas coutume, se penche sur le quotidien d'un ministre... Notre collaborateur y a été d'autant plus sensible qu'il a lui-même connu de l'intérieur les cabinets ministériels...
L’exercice de L’État, film du cinéaste Pierre Schoeller, donne à voir la réalité méconnue de la vie d’un cabinet ministériel.
Nous avons seulement à regretter quelques scènes inutilement grandiloquentes qui font penser aux pièces de théâtre dans lesquelles les acteurs hurlent sans nécessité et se livrent sur scène à des comportements dont la crudité n’ajoute rien à la thèse défendue.
Le film s’intéresse à un ministre des transports et à son cabinet dans un gouvernement de la Ve République dont on ne sait jamais s’il est de droite ou de gauche.
La réalité qu’il dépeint, dans une période difficile marquée par des accidents de la route et des arbitrages gouvernementaux fluctuants, n’est connue du public que de façon fragmentaire. Il faut avoir vécu la vie de cabinet pour bien comprendre ce qu’est la tension de la vie d’un ministre dont on attend une réponse immédiate à tout sujet d’actualité dans son domaine, réponse qui bien souvent relève de la communication plus que du fond.
Il ne saurait désormais en être autrement. La population et les médias se sont habitués à ne plus croire en la fatalité et à espérer vainement qu’une décision du pouvoir viendra régler tout problème, qu’il s’agisse d’un accident de la route ou de la fermeture d’une entreprise.
Malheur à celui qui, comme Lionel Jospin en 2000, aura l’honnêteté intellectuelle de déclarer à propos de licenciements que «l’État ne peut pas tout» : on le lui fera payer chèrement dans les urnes, bien qu’il ne s’agisse que d’une remarque de bon sens en outre partagée par l’opposition, sous la formulation légèrement différente de «l’emploi ne se décrète pas».
La réalité des attentes du public étant ce qu’elle est, il faut répondre à la pression du quotidien, encore accrue par l’invention du téléphone portable : c’est le rôle du cabinet du ministre, équipe personnelle animée par le directeur de cabinet ; elle ne parvient jamais à éviter complètement la fragmentation de la vie de son ministre, obligé de papillonner d’un sujet à un autre, d’emprunter la cravate d’un collaborateur ou de changer de chemise tout en poursuivant une réunion.
Le film montre bien quelle résistance physique est nécessaire pour faire face à tout et à tous sans se départir du comportement attendu d’un ministre. Il tombe dans l’excès inutile quand il donne à voir le ministre se saoulant chez son chauffeur ou forçant l’entrée d’une autoroute en travaux.
En revanche, le directeur de cabinet incarné par Michel Blanc est des plus véridiques : fait pour durer et endurer, bouclier et principal confident du ministre dont il calme les emportements et accepte les revirements ou les réprimandes, toujours conduit à jongler entre dix ou quinze urgences.
La scène finale, dans le bureau du Président, est remarquable de réalisme : un succès peut en quelques instants se transformer en échec ou réciproquement. La roche Tarpéienne est près du Capitole et cette vérité méconnue du grand public explique pourquoi tant d’hommes politiques importants comme François Mitterrand ont pu avoir recours à des voyantes : après avoir côtoyé tant de précipices et frôlé tant de sommets insoupçonnés, à quoi ou qui se fier pour prévoir comment telle ou telle affaire tournera en fin de compte ?
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