Voici en français moderne, le récit que fait le chroniqueur Nithard, mort en 844, des serments de Strasbourg (14 février 842) dans son Histoire des fils de Louis le Pieux. C'est lui-même qui a sans doute rédigé lesdits serments, en tudesque et en roman.
Présentation des serments de Strasbourg Les serments en latin médiéval
Donc, le 16 des calendes de mars, Louis et Charles se réunirent en la cité qui s'appelait jadis Argentaria, mais qui aujourd'hui est appelée communément Strasbourg, et prétèrent, Louis en langue romane et Charles en langue tudesque, les serments qui sont rapportés ci-dessous. Mais avant de prêter serment, ils haranguèrent comme suit le peuple assemblé, l'un en tudesque, l'autre en langue romane, Louis, en sa qualité d'aîné, prenant le premier la parole en ces termes :
"Vous savez à combien de reprises Lothaire s'est efforcé de nous anéantir, en nous poursuivant, moi et mon frère ici présent, jusqu'à extermination. Puisque ni la parenté ni la religion ni aucune autre raison ne pouvait aider à maintenir la paix entre nous, en respectant la justice, contraints par la nécessité, nous avons soumis l'affaire au jugement du Dieu tout-puissant, prêts à nous incliner devant son verdict touchant les droits de chacun de nous. Le résultat fut, comme vous le savez, que par la miséricorde divine nous avons remporté la victoire et que, vaincu, il s'est retiré avec les siens là où il a pu. Mais ensuite, ébranlés par l'amour fraternel et émus aussi de compassion pour le peuple chrétien, nous n'avons pas voulu le poursuivre ni l'anéantir; nous lui avons seulement demandé que, du moins à l'avenir, il fût fait droit à chacun comme par le passé.
Malgré cela, mécontent du jugement de Dieu, il ne cesse de me poursuivre à main armée, ainsi que mon frère ici présent ; il recommence à porter la désolation chez notre peuple en incendiant, pillant, massacrant. C'est pourquoi, poussés maintenant par la nécessité, nous nous réunissons, et pour lever toute espèce de doute sur la constance de notre fidélité et de notre fraternité, nous avons décidé de prêter ce serment l'un à l'autre, en votre présence.
Nous ne le faisons pas sous l'empire d'une inique cupidité, mais seulement pour que, si Dieu nous donne le repos grâce à votre aide, nous soyons assurés d'un profit commun. Si toutefois, ce quà Dieu ne plaise, je venais à violer le serment juré à mon frère, je délie chacun de vous de toute soumission envers moi, ainsi que du serment que vous m'avez prêté".
Et lorsque Charles eut répété les mêmes déclarations en langue romane, Louis, étant l'aîné, jura le premier de les observer :