Le 21 octobre 1956, trois mois après la nationalisation du canal de Suez par le président Nasser, les gouvernants français et israéliens se concertent dans le plus grand secret dans une villa de Sèvres, à l'ouest de Paris. Ils sont rejoints le lendemain par des Britanniques.
La France est représentée par le président du Conseil Guy Mollet, le ministre des Affaires étrangères Christian Pineau, le ministre de la Défense Maurice Bourgès-Maunoury et le chef d'état-major Maurice Challe. D'Israël sont venus le président du Conseil David Ben Gourion, le ministre de la Défense Moshé Dayan et le ministre des Affaires étrangères Shimon Peres. L'Angleterre est plus modestement représentée par les diplomates Selwyn Lloyd, Patrick Dean et Logan.
Ils se mettent d'accord sur une intervention militaire conjointe dans le Sinaï et la zone du canal. Le prétexte en est fixé le 24 octobre 1956 par un protocole secret qui restera dans les annales de la diplomatie comme un chef-d'oeuvre de cynisme et d'arrogance.
[Voir la copie du protocole secret]
Ce pacte de trois feuillets, signé en trois exemplaires par chacun des protagonistes, a été détruit par les Britanniques dès le début. Les Israéliens ont conservé le leur. L'original est introuvable dans les archives françaises, mais le ministre des Affaires étrangères Christian Pineau en avait conservé une photocopie chez lui. Elle est retranscrite ci-après avec sa typographie et ses coquilles :
PROTOCOLE
Les résultats des conversations qui se sont déroulées à SEVRES du 22 au 24 octobre 1956 entre les représentants des Gouvernements du Royaume-Uni de l'État-d'Israël et de la France sont les suivants :
1° - Les forces israéliennes lancent dans le 29 octobre 1956, dans la soirée une opération d’envergure contre les forces égyptiennes en vue d’atteindre le lendemain la zone du Canal.
2° - Les Gouvernements Britannique et Français constatant ces évènements adressent respectivement et simultanément dans le journée du 30 octobre 1956 au Gouvernement Egyptien et Israëlien les deux appels répondant aux lignes directrices suivantes :
A/ - Au Gouvernement Egyptien
a) - arrêter toute action de guerre.
b) - retirer toutes ses troupes à la distance de 10 milles du Canal.
c) - accepter l’occupation temporaire des positions clés sur le Canal par les Forces anglo-française pour garantir la liberté du transit sur le Canal par les navires de toutes Nations jusqu’à un règlement définitif.
B/ - Au gouvernement israëlien
a) - arrêter toute action de guerre.
b) - retirer toutes ses troupes à la distance de 10 milles à l’Est du Canal.
Par ailleurs le Gouvernement israélien sera informé de ce que les Gouvernements Français et Britannique ont demandé au Gouvernement Egyptien d’accepter l’occupation temporaire des positions clés sur le Canal par les Forces Anglo-Françaises.
Il est entendu que si l’un des deux Gouvernements refusait, ou ne donnait pas son accord, dans un délai de 12H, les Forces Anglo-Françaises interviendraient avec les moyens nécessaires pour que leurs demandes soient acceptées.
C/ - Les représentants des Trois Gouvernements sont d’accord pour que le Gouvernement Israëlien ne soit pas tenu d’accepter les clauses de l’appel qui lui est adressé, dans le cas ou le Gouvernement Egyptien n’accepterait pas celles de l’appel qui lui est adressé d’autre part.
3° - Dans le cas ou le Gouvernement EGYPTIEN, n’aurait pas dans les délais fixés donné son accord aux clauses de l’appel qui lui a été adressé, les Forces Anglo-Françaises déclencheront le 31 octobre dans les premières heures de la matinée les opérations militaires contre les Forces Egyptiennes.
4° - Le Gouvernement Israëlien enverra des Forces afin d’occuper la côté OUEST du Golfe d’AKABA, et le groupe des Iles TIRANE et SANAFIR pour assurer la liberté de navigation dans le golfe d’AKABA.
5° - Israël s’engage à ne pas attaquer la JORDANIE pendant la période des opérations contre l’Egypte.
Mais, au cas ou dans la même période la JORDANIE attaquerait Israël, le Gouvernement Britannique s’engage à ne pas venir en aide à la JORDANIE.
6° - Les dispositions du présent PROTOCOLE doivent demeurer rigoureusement secrètes.
7° - Elles entreront en vigueur après l’accord des trois Gouvernements.
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