Les anciens royaumes du Sahel (de 800 à 1590)
On s’intéresse dans cette vidéo à l’Histoire du Sahel précolonial. On va s’appuyer pour ça sur 2 principales sources : les écrits contemporains de l’époque concernée, essentiellement arabes, et les vestiges archéologiques. La génétique et la linguistique donnent des compléments utiles sur les anciennes migrations. Je les ai synthétisés dans une autre vidéo dont on trouvera le lien dans la description. Enfin comme pour le reste du Monde, on met de côté les traditions orales, trop peu fiables au-delà de quelques générations.
En 3000 av. J.-C., le Sahel se divise en trois ensembles linguistiques : celui des Afroasiatiques au nord qui inclut les Berbères et les Tchadiques. Celui des Nigéro-Congolais au sud-ouest. Et celui des Nilo-Sahariens à l’est. C’est l’époque où le mil commence à être domestiqué autour du fleuve Niger : l’agriculture gagne alors tous les peuples nigéro-congolais et entraîne des migrations vers l’est, notamment celle des Bantous.
C’est essentiellement entre 900 et 300 av. J.-C. que s’épanouit la culture Nok sur le plateau de Jos dans l’actuel Nigéria, caractérisée par ses sculptures en terre cuite. Cette société maîtrise la métallurgie du fer au cours de cette période, peut-être vers 600 av. J.-C.. Cette culture finit par disparaître sans raison bien identifiée.
Le Sahel ne sort véritablement de l’ombre qu’avec l’expansion du califat arabe vers le Maghreb au VIIIe siècle. Familiers du désert, les Arabes généralisent l’usage du dromadaire qui permet de faciliter la traversée du Sahara. La ressource la plus convoitée au sud du Sahara est l’or du Bambouk situé au niveau du Haut Sénégal. Ça favorise l’essor du royaume du Ghana habité par le peuple Soninké. Notons qu’il n’a rien à voir avec le Ghana actuel. Il est centré sur Koumbi-Saleh au sud-est de l’actuelle Mauritanie. L’or est échangé contre du sel prélevé plus au nord par les Arabo-Berbères dans les gisements de Teghazza. Le marché d’Aoudaghost constitue alors la plaque tournante de ce commerce. Le Ghana s’en empare vers 990, mais il doit rapidement le céder aux Berbères Almoravides dans les années 1040.
C’est à cette même époque que s’ouvre une autre route commerciale plus à l’est, qui permet l’essor du royaume de Kanem. Fondé par des Nilo-Sahariens, c’est le premier royaume du Sahel à s’islamiser dès le XIe siècle. Il tire sa prospérité du commerce du sel prélevé dans les gisements de Bilma, et des esclaves razziés dans les états voisins et expédiés vers la Méditerranée.
L’épuisement progressif des mines d’or du Bambouk conforte ensuite l’affaiblissement du Ghana. Au début du XIIIe siècle, l’or doit être cherché plus loin, dans le Bouré, ce qui entraîne l’essor d’un nouveau royaume, le Mali. En 1235, Soundiata Keita s’empare du Ghana. Le royaume unit alors les Malinké au sud-est et les Soninké au nord-ouest. Ils forment un ensemble de peuples qu’on appelle les Mandé qui sont de plus en plus islamisés. Ouli succède à Koundiata en 1255. Il étend son état vers l’est le long du Niger et vassalise le Dyolof à l’ouest. C’est le premier empereur du Mali à faire le pèlerinage de La Mecque.
L’apogée est atteint sous le règne de Kankan Moussa au début du XIVe siècle. Outre la capitale Niani, les grandes villes commerciales sont alors Djenné, Tombouctou, Gao et Oualata. La puissance du Mali est fondée non seulement sur l’or, mais aussi sur la capture d’esclaves sur les régions voisines : ceux-ci servent majoritairement à cultiver les plantations tandis que le reste est expédié vers la Méditerranée. En échange, le Mali reçoit notamment du sel et des chevaux qui facilitent eux-mêmes la razzia des esclaves. La période est également marquée par la construction de mosquées en adobe. L’autorité de l’empereur sur ce vaste territoire est le plus souvent indirecte et les rois vassalisés sont maintenus en place.
C’est à cette époque que plusieurs cités-états commencent à prospérer aux marges de cet empire : au sud, les Yorubas fondent leur puissance sur les mines de fer. La cité-état d’Ifé est la première à émerger dès le XIIe siècle et voit l’apparition de sculptures royales très raffinées. L’influence d’Ife favorise l’émergence des cités-états d’Oyo et de Bénin autour de 1300. Plus au nord, les Haoussas s’islamisent peu à peu et forment de premières cités-états sous l’influence du Mali. Elles tirent leur prospérité de la capture d’esclaves au moyen d’une cavalerie puissante.
Au milieu du XIVe siècle, une dynastie rivale fonde le royaume du Bornou qui remplace le Kanem autour du lac Tchad. C’est aussi l’époque où des querelles dynastiques couplées à l’épuisement des mines du Bouré affaiblissent l’empire. Le coup de grâce est asséné par les Touaregs : ces Berbères s’emparent de Tombouctou en 1430 et le royaume du Mali se replie autour de sa capitale.
Ca profite aux Songhai installés autour de Gao qui sont de langue nilo-saharienne : en 1464, leur roi Ali Ber chasse les Touaregs de Tombouctou et remonte le Niger jusqu’à Djenné, reformant un nouvel empire musulman à son profit. A sa mort en 1492, l’autorité de son fils est contestée par Askya Mohammed qui fonde une nouvelle dynastie. Il étend son empire jusqu’au fleuve Sénégal à l’ouest, Agadès à l’est, et les salines de Teghazza au nord. Au passage, des populations entières sont massacrées ou mises en esclavage. C’est aussi la grande époque de la migration des Peuls, un peuple de tradition nomade originaire du bas Sénégal, qui profite peut-être du dépeuplement dû aux guerres pour s’installer dans toute la région.
L’apogée de l’empire Songhai va durer jusqu’en 1590 : cette année-là, les Marocains munis d’armes à feu mènent une campagne au sud du Sahara et s’emparent de Gao, ce qui provoque la chute de l’empire songhai. Après le retrait marocain de 1618, le Sahel va retrouver durablement une fragmentation entre petits états.
Cette époque marque déjà le début de l’influence européenne : on verra ça dans une future vidéo. En attendant, on va voir dans le prochain épisode ce qui s’est passé de l’autre côté du Sahara pendant tout ce temps.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible