Professeur à l'Université de Versailles, Christian Delporte publie une magistrale biographie de Philippe Henriot, propagandiste aussi célèbre que méconnu du régime de Vichy et de la Collaboration.
Son ouvrage (Philippe Henriot, janvier 2018, Flammarion, 412 p, 25 euros) restitue avec finesse la personnalité trouble de ce personnage ainsi que le climat de l'époque…
Il voulait être une plume, il a été une voix. Il voulait être écrivain ou poète, il a été l’orateur de la Collaboration. Philippe Henriot avait été surnommé le « Goebbels français » par les dignitaires nazis.
Dans une biographie claire, au style alerte, fort bien documentée -notamment grâce aux rapports des renseignements généraux-, Christian Delporte retrace le parcours de celui qui a été « la voix de la France allemande, le symbole même de la trahison ». Un homme qui, au fil de sa vie, a gravi tous les degrés du fourvoiement pour devenir le propagandiste zélé du régime de Vichy.
Frustré de ne pas être reconnu dans le milieu littéraire, Henriot se lance dans une carrière de « publiciste » dans la presse catholique au moment de la victoire du Cartel des gauches en 1924. Très rapidement il se mue en orateur dont l’éloquence impressionne même ses adversaires politiques, parcourant la France au rythme des meetings.
Député de Gironde en 1932, il devient après l'invasion allemande de 1940 un pétainiste acharné. « Il voit dans le nouveau régime l’État autoritaire qu’il souhaitait, débarrassé des arguties de la démocratie et, en Pétain, l’incarnation de la droite réactionnaire et traditionaliste dont il est lui-même issu », écrit Delporte.
Il multiplie les articles dans Gringoire et les conférences à travers le pays et jusque dans les colonies. On lui confie une chronique à la Radiodiffusion nationale, la radio de Vichy. Son style tranchant, sa lucidité - il ne cherche pas à nier la réalité, notamment l’action de la Résistance - rompent avec le ton propagandiste classique.
Après avoir été secondaire, son antisémitisme devient « central » et « forcené ». Mais au fil du temps, Henriot se trouve à contre-courant de l’opinion majoritaire qui rejette de plus en plus de la politique de collaboration. Plutôt que de feindre de l’ignorer, habilement, il en fait un argument de propagande...
Henriot sent que la bataille de l’opinion est perdue. Mais « cette apparente franchise donne à son propos l’accent de vérité qu’il recherche », souligne Delporte. Car, pour lui, l’Europe allemande « est notre dernière chance ». Il rejoint la Milice en 1943.
Henriot est nommé secrétaire d’État à l’Information et à la propagande, le 7 janvier 1944, comme une sorte de consécration décidée par Laval sous la pression des Allemands qui voient en lui un précieux allié. Il réorganise les services de la Propagande, menant personnellement tous les jours ce qu’il appelle « la guerre des ondes » contre les radios étrangères et les animateurs des émissions françaises de la BBC entre autres.
Henriot sera exécuté le 28 juin 1944, sur ordre venu de Londres, par un commando de résistants aidés de quelques hommes de main...
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Erik (10-06-2018 14:11:58)
L'article dit que Henriot a tenu des "conférences à travers le pays et jusque dans les colonies". Dans quelles colonies Henriot a t'il pu tenir un discours collaborationniste après 1940? Quelqu'u... Lire la suite