Victoria, la Dernière Reine

La Reine amoureuse

Nous avons lu La Dernière Reine, Victoria (1819-1901), par Philippe Alexandre et Béatrix de l'Aulnoit (Robert Laffont, octobre 2000, 139 FTTC).

Victoria, la Dernière Reine

Cent ans après la mort de la reine Victoria, cette biographie porte une attention particulière à la psychologie de la souveraine, à ses passions, à ses faiblesses et à ses écarts de conduite.

Sous l'apparence d'une jeune épouse passionnément amoureuse comme sous celle d'une veuve sombre et obèse, chargée de neuf enfants et d'innombrables petits-enfants, nous découvrons une femme tourmentée par sa sensualité, frappée de dépressions épisodiques, à la veille parfois de sombrer dans la folie.

Victoria la bien-nommée régna plus longtemps qu'aucun autre souverain anglais et se rendit immensément populaire en incarnant la grandeur de l'Empire britannique. Rien n'était pourtant moins prévisible à son avènement, à l'âge de 18 ans.

Encore mal remise de sa difficile victoire sur Napoléon 1er, l'Angleterre avait, qui plus est, enduré le long règne d'un roi fou, George III, auquel succédèrent deux souverains débauchés et dégénérés, George IV et Guillaume IV.

La monarchie des Hanovre-Windsor ne tenait plus qu'à un fil quand Victoria, nièce de Guillaume IV, accéda au trône. Tout changea avec le mariage, peu après, de la reine avec son cousin, le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, du même âge qu'elle mais d'une sensibilité toute différente.

Imprégné par le luthérianisme saxon et affecté par l'inconduite de son père et de son frère, le prince Albert usera pendant vingt ans de son ascendant sur la reine pour brider ses penchants joyeux et pour introduire à la Cour sa conception ultra-rigoriste de la famille et de la morale.

Victorien ? Non, albertien !

Les auteurs de La Dernière Reine soulignent la contribution majeure du prince Albert à ce XIXe siècle faussement appelé «victorien». Merry England, l'«Angleterre joyeuse» de Shakespeare, de Tom Jones... et des Beatles, doit au prince une longue parenthèse faite de pruderie et d'hypocrisie.

Quand Albert s'éteint après vingt deux ans de vie commune, sa veuve inconsolable se retire dans un deuil solitaire et grandiloquent, tissé de larmes et de dépressions, en sacrifiant ses devoirs de souveraine et de mère.

Toujours habillée de noir, elle revient lentement à la vie non sans risquer sa réputation dans une intimité scandaleuse avec son domestique écossais, le rude John Brown. Dans sa vieillesse, ayant retrouvé l'affection de ses sujets, elle prend encore le risque d'accorder une confiance aveugle à un domestique indien.

Elle meurt, dans sa résidence de l'île de Wight, le 22 janvier 1901, tendrement veillée par son petit-fils, l'empereur d'Allemagne Guillaume II.

C'est dans un vêtement d'une blancheur immaculée qu'elle est mise en bière, son deuil étant fini puisqu'elle est appelée à retrouver aux cieux son cher Albert!

Démocratie impériale A partir des années 1870, le ciel se couvre en Europe. Victoria s'aperçoit que les mariages d'amour de ses enfants et petits-enfants avec les rejetons des grandes familles du Continent sont impuissants à garantir l'entente et la paix.

En Allemagne, son gendre, le généreux Fritz, a le malheur de ne régner que trois mois. Le nouvel empereur, l'inquiétant Guillaume II, est le petit-fils de la reine. En 1914, il entraînera son pays dans la guerre contre l'Angleterre.

Victoria est aussi la grand-mère de la tsarine Alexandra Fedorovna, épouse aimante de Nicolas II. Le malheureux prince héritier de Russie, le tsarévitch, sera affecté par l'hémophilie comme plusieurs autres garçons de la descendance de la reine anglaise.

Grandeur et amertume

Durant son règne de 64 ans, Victoria voit le Royaume-Uni lentement accéder au statut de super-puissance planétaire... La reine se tient à l'écoute de ses Premiers ministres et donne volontiers des recommandations. Elle a ses préférés, lord Melbourne ou le sémillant Disraeli. Ses têtes de Turc aussi, en particulier le rigide Gladstone.

En filigrane du portrait tout en finesse deVictoria , «La Dernière Reine» a le mérite de nous guider à travers les événements significatifs de son règne : les progrès de la démocratie, le rapprochement avec la France de Louis-Philippe, l'abolition des lois protectionnistes et l'introduction du libre-échange en 1846, l'ébullition républicaine en 1848, la guerre malheureuse de Crimée, aux côtés de la France de Napoléon III, et les exploits de Florence Nightingale, infirmière au grand coeur, la montée des périls avec les guerres menées par la Prusse contre le Danemark, l'Autriche puis la France... Les auteurs Philippe Alexandre et Béatrix de l'Aulnoit ont remarquablement situé Victoria dans son siècle et montré comment son tempérament et ses pulsions ont influé le cours de l'Histoire. Avec clarté et sans pédanterie, ils font revivre le plus grand siècle de notre Histoire.

On regrettera seulement que ces journalistes connus pour leur verve et leur talent de polémiste s'en soient tenus à une écriture académique et sage. Et l'on reste sur une interrogation: pourquoi la dernière reine (titre aussi employé sans plus de raison pour une biographie de Marie-Antoinette) ?

Cette biographie de la reine Victoria (1819-1901) nous rappelle que le palais de Buckingham a toujours été un lieu d'amour et de passions, y compris quand sévissait la morale faussement appelée victorienne.

L'ouvrage se lit d'une traite. Bien écrit, il combine d'une remarquable façon le portrait de la souverai ne et la description des événements marquants de son règne. Durant celui-ci, l'Angleterre accéda à un niveau de puiss ance jamais égalé auparavant dans l'Histoire de l'humanité.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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