Nous avons lu Ces papes qui ont fait l'Histoire, de la Révolution à Benoît XVI, par Henri Tincq (Stock, 2006, 340 pages, 20 euros).
L'auteur montre la difficile adaptation de l'Église et de sa hiérarchie au monde moderne à travers une succession de papes très différents par leur sensibilité, leur charisme et leur aptitude à influer sur les affaires du monde.
Après avoir au Moyen Âge guidé l'Europe, la papauté est entrée dans une longue période d'épreuves, de la Réforme protestante à la Révolution française.
Les coups violents assénés par celle-ci ont pu faire croire que c'enétait finide la papauté, voire du catholicisme et de la foi religieuse en Europe.
L'Église s'est pourtant relevée de ces épreuves, sous la conduite de papes très divers, les uns prônant le retour à la tradition, les autres l'adaptation au monde moderne.
Henri Tincq, spécialiste des questions religieuses à la rédaction du quotidien Le Monde, dessine avec brio le portrait de ces hommes qui, tant bien que mal, en accumulant les succès, les revers et les erreurs, ont maintenu l'Église contre vents et marées.
Tout commence en 1799 quand s'achèvent le Siècle des Lumières et la Révolution française. «A la mort pitoyable de Pie VI en exil en France, qui croit encore à la survie de la papauté?» écrit Henri Tincq. Son successeur est élu le 14 mars 1800 au terme d'un conclave où s'affrontent pour la première fois «zelanti» (les cardinaux intransigeants sur les droits du Saint-Siège et de l'Eglise) et les «politicanti» en quête d'accommodement.
Gregorio Chiaramonti prend pour nom officiel Pie VII afin de bien souligner son intention de résister lui aussi aux révolutionnaires et libre-penseurs. Trompé et humilié par Napoléon Bonaparte, il sera exilé et emprisonné dans des conditions indignes mais sa résistance lui vaudra le respect et permettra au Saint-Siège de franchir cecap difficile.
Son successeur Grégoire XVI, élu le 2 février 1831, encourage la dévotion populaire (culte de la Vierge Marie...) et rénove les congrégations religieuses. Sous son pontificat, les Jésuites, traqués au siècle précédent, sont rétablis dans leur vocation de pédagogues.
Giovanni Ferretti, élu le 16 juin1846 sous le nom de Pie IX est d'abord perçu comme un homme d'ouverture. Mais, effrayé par les soulèvements révolutionnaires de 1848, il se fait le chantre du conservatisme. Sa crainte de la modernité s'exprime dans le Syllabus, un court recueil des errements idéologiques de son époque. L'occupation des États pontificaux et de Rome par les troupes italiennes en 1870 le raffermissent dans ses convictions... Fort d'une nouvelle autorité spirituelle octroyée par le concile Vatican I, Pie IX se considère dès lorsprisonnier de l'État italien au Vatican.
La papauté montre une nouvelle fois qu'elle a du ressort avec l'avènement de Gioacchino Pecci sous le nom de Léon XIII le 20 février 1878. Ce pape, le premier, comprend que la foi chrétienne est parfaitement compatible avec les idéaux démocratiques et ille fait savoir en amorçant un rapprochement avec la République française. Léon XIII entrouvre aussi la porte à une lecture historico-critique des textes sacrés et rétorque à ceux qui s'y opposent : «Dieu n'a pas besoin de nos mensonges». L'émotion est immense à sa mort, le 20 juillet 1903, à 93 ans.
À la mort de Léon XIII, pape d'ouverture, le conclave élit un inconnu à la surprise générale : le patriarche de Venise, Giuseppe Sarto (68 ans), un ancien curé de campagne qui ne parle d'autre langue vivante que l'italien. Pie X est le premier pape moderne issu des milieux populaires. Son successeur Giacomo della Chiesa (59 ans), est élu contre toute attente le 3 septembre 1914, trois mois à peine après avoir obtenu le chapeau de cardinal, alors que l'Europe entre dans la Grande Guerre. Dès le 8 septembre 1914, Benoît X lance un appel pathétique ose dit «frappé d'une horreur et d'une angoisse inexprimables devant le spectacle monstrueux de cette guerre, dans laquelle une si grande partie de l'Europe, ravagée par le fer et par le feu, ruisselle de sang chrétien».
Après lui, Pie XI et Pie XII, papes diplomates, vont tenter de raffermir la situation de l'Église dans un monde qui leur échappe. Dernier représentant d'une papauté autoritaire, Pie XII meurt en 1958, entouré de l'estime générale. Ce n'est que quelques années plus tard qu'un dramaturge allemand mettra en question son rôle pendant et avant la Seconde Guerre mondiale.
Son successeur, le vieux patriarche de Venise, Angelo Roncalli, devient à 77 ans Jean XXIII et prenant chacun de court, il ouvre le grand concile oecuménique Vatican II qui va résolument ouvrir l'Église sur le monde. Son initiative sera parachevée par Paul VI, réformateur méconnu que Henri Tincq s'applique à réhabiliter. Ainsi va le Saint-Siège, de fermeture en avancée, comme le raconte si bien l'auteur de ce livre très bien documenté...
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