Charles Pichegru (1761 - 1804)

Héros et traître

Qui s'en souvient ? Charles Pichegru fut l'un des généraux les plus populaires de la Révolution mais ses compromissions au profit du prétendant à la couronne le firent chuter dans les poubelles de l'Histoire.

Fabienne Manière
La gloire

Fils de paysan jurassien, né près d'Arbois, le jeune homme devient à l'école de Brienne le répétiteur de mathématiques d'un élève à l'accent corse, Napoléon Bonaparte ! Les deux hommes se retrouveront une dizaine d'années plus tard...

Pichegru sert ensuite en Amérique, dans la guerre d'indépendance.

Quand éclate la Révolution, en 1789, il est sergent mais sa popularité (déjà !) lui vaut d'être élu commandant par un bataillon de volontaires du Gard.

Il s'illustre dans l'armée du Rhin et succède à Hoche à la tête de l'armée du Nord dès février 1794. La gloire lui vient avec l'invasion de la Hollande, à la faveur d'un hiver précoce qui favorise les mouvements de troupes entre les canaux gelés. Le 18 octobre 1794, il franchit la Meuse et prend ses quartiers d'hiver à Amsterdam, qui devient la capitale d'une République batave, alliée par la contrainte à sa grande soeur française.

Le général apprend en janvier 1795 que la flotte hollandaise est prise par les glaces près des côtes frisonnes. Un détachement de hussards s'empare sans coup férir des 15 navires dans la nuit du 20 au 21 janvier 1795 !

De retour à Paris, où les royalistes relèvent la tête après la chute de Robespierre, il est amené à réprimer une insurrection le 12 germinal an IV (1er avril 1795) puis prend le commandement de l'armée de Rhin-et-Moselle.

La trahison

C'est le moment où décède dans la prison du Temple le malheureux Louis XVII (8 juin 1795), fils et successeur du roi guillotiné. En exil à Vérone, son oncle, le comte de Provence, relève le titre royal sous le nom de Louis XVIII et entreprend avec le prince de Condé de renverser le régime du Directoire.

En août 1795, Condé rencontre à Mulheim, en Allemagne un agent royaliste, le comte de Montgaillard, et lui donne mission de convaincre le général Pichegru d'agir en faveur de leur cause. Pichegru, sollicité par un entremetteur, exige des instructions écrites ! Montgaillard lui adresse une lettre au nom du prince de Condé, investi du pouvoir du roi. Dans cette lettre, après quelques flatteries d'usage, le prétendant propose à Pichegru... le cordon rouge de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, le grade de Maréchal,1 million de livres, une rente annuelle de 20 000 livres, le gouvernement de l'Alsace, le château de Chambord, pas d'impôt pendant 15 ans etc.

Il lui demande en contrepartie de proclamer la restauration de la monarchie devant ses troupes et de prendre le drapeau blanc, de livrer la ville de Huningue au prince de Condé, enfin de marcher avec lui sur Paris.

Mais Pichegru, prudent, veut une lettre de la main du prince lui-même mais rejette le plan que propose celui-ci. « Je ne ferai rien d'incomplet, dit-il. Je ne veux rien faire de partiel ; il faut en finir : la France ne peut exister en république ; il lui faut un roi ; il lui faut Louis ; mais il ne faut commencer la contre-révolution que lorsqu'on sera sûr de l'opérer sûrement et promptement. Voilà quelle est ma devise ».

Pichegru ne veut pas livrer Huningue, ville française, mais propose de passer le Rhin dans l'autre sens avec ses soldats et de placer des officiers dans les places fortes allemandes, proclamer le roi et le drapeau blanc, s'unir enfin à l'armée de Condé et à l'armée autrichienne pour repasser le Rhin et marcher sur Paris.

Mais Condé refuse l'alliance avec les Autrichiens. Il veut à lui seul le mérite d'avoir renversé le Directoire. En attendant, Pichegru délaisse la défense de la République. Par son inaction, il permet aux Autrichiens de menacer l'armée de Jourdan et de l'obliger à repasser le Rhin.

À Paris, le Directoire commence à avoir de sérieux doutes sur la fiabilité de Pichegru. En mars 1796, il est remplacé par le général Moreau et, trop populaire pour être sanctionné, se voit offrir l'ambassade de Suède. Il refuse et se retire à Arbois. L'année suivante, en avril 1797, il se fait élire au Conseil des Cinq-Cents et prend la tête de l'opposition royaliste.

Il entretient une correspondance secrète avec les Anglais et les Autrichiens, notamment le général Klinglin, et reçoit de l'argent de l'étranger. Le prétendant (Louis XVIII), cependant, s'impatiente. Et voilà que le 21 avril 1797, pendant la campagne d'Allemagne, Moreau prend la ville d'Offenburg et découvre la correspondance du général Klinglin avec Pichegru !

En septembre 1797, ce dernier est arrêté et déporté à Cayenne en Guyane. Il s'en évadera et gagnera Londres en juin 1798. Beaucoup plus tard, en 1803, alors que son ancien élève Bonaparte a pris la France avec le titre de Premier Consul, il est contacté par Cadoudal ainsi que son ancien camarade de combat, l'ambitieux général Moreau. Ils fomentent le projet d'enlever le Premier Consul et de restaurer les Bourbons. C'est ainsi que, dans les premiers jours de 1804, Pichegru regagne clandestinement la France. Mais il est bientôt arrêté ainsi que Moreau. Emprisonné au Temple, il se suicide le 6 avril 1804.


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De Bonaparte à Napoléon
Publié ou mis à jour le : 2021-05-05 10:14:19

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