Perrin et L'Histoire coéditent dans la collection de poche Tempus un ensemble de textes sur les crises du capitalisme (janvier 2010, 8 euros, 239 pages). Rien à voir avec l'ouvrage de même titre publié par... Karl Marx !
Que nous apprend l'histoire ? C'est la question que l'on se pose à chaque crise économique, qui paraît être une répétition des crises précédentes.
L'effondrement de la bulle spéculative autour des tulipes chez les bourgeois hollandais du XVIIe siècle n'est-il pas le prototype de la crise des subprimes ?
Ce livre de la collection Tempus vient à la fois confirmer cette impression et nuancer certaines idées trop simples sur les crises du capitalisme, pour nous permettre de remettre en perspective notre situation actuelle.
L'étude de détail montre que nombre de crises anciennes ne furent, prises dans la longue durée, pas aussi graves que ce qu'on croit souvent. Ainsi, en 1637, l'effondrement du prix des tulipes fut provisoire et ne mit pas fin à la «tulipemania».
La crise qui secoua l'industrie des chemins de fer durant les années 1845-1848 était due à l'enthousiasme excessif des financiers pour cette nouvelle branche. Lorsqu'on réalisa que la rentabilité n'était pas au rendez-vous, les actions s'effondrèrent, les chantiers furent interrompus et les ouvriers licenciés, ce qui contribua à faire advenir la Révolution de 1848. Cependant, à long terme, il s'agit bien d'une crise passagère et la croissance reprit durant les années 1850.
La crise de 1929 pose encore nombre de problèmes aux analystes. Le krach boursier d'octobre 1929 n'a rien d'exceptionnel par son ampleur, la bourse de New-York en avait connu des pires en 1907 et 1920-21 et s'en était remise sans problème. D'où l'inaction des hommes politiques, persuadés qu'il s'agissait de nouveau d'une nécessaire correction des marchés.
Cependant, en 1930 et 1931, la crise se propagea en Europe, plusieurs banques firent faillite lorsque les États-Unis rapatrièrent leurs investissements. Surtout, les désaccords politiques entraînèrent l'effondrement du système financier européen : cette crise est donc aussi, et peut-être surtout, la conséquence du traité de Versailles, comme John Maynard Keynes l'avait très tôt prévu.
Ce volume fait une bonne place aux penseurs de l'économie, dont les réflexions furent souvent provoquées par les crises auxquelles ils assistèrent. Marx annonçait dès 1848 en termes étonnamment contemporains la mondialisation capitaliste. Peu après, le Français Clément Juglar analysait les crises en mettant à jour leur périodicité, selon des cycles auxquels il donna son nom : tous les 7 à 11 ans en moyenne survient une crise capitaliste, d'origine en général financière, avant que l'économie ne reprenne son essor.
À plus long terme, l'économiste soviétique Kondratiev a fait apparaître des cycles de 50-60 ans, divisés en une phase A de montée des prix et des salaires, et une phase B de dépression et de tassement. Pour avoir ainsi montré que le capitalisme était capable de renaître de ses cendres, à l'encontre de la doctrine marxiste, il fut éliminé durant les purges staliniennes. Joseph Schumpeter intégra à cette réflexion la question des innovations technologiques et montra que les périodes de dépression préparent l'apparition et le développement de nouveaux produits. Une biographie de Keynes montre à quel point sa pensée imprégna son temps et surtout les politiques économiques des Trente Glorieuses, alors qu'il était mort en 1946.
La crise de la fin des Trente Glorieuses, dont la hausse des prix du pétrole ne fut peut-être que l'accélérateur, transforma profondément l'économie mondiale : seule l'Europe fut durablement marquée par les effets de cette crise, alors que l'Asie s'imposa alors comme la région en pleine croissance. La fin des régimes communistes en 1989 renforça la mondialisation et la dérégulation des marchés.
L'éclatement de la bulle internet en 2001 et les attentats du 11 septembre remirent en cause l'optimisme des années 1990, mais c'est la crise de 2008, déjà sensible dans plusieurs domaines en 2007, qui marque sans aucune doute possible un tournant : comme celle de 1929, elle impose une redistribution des rôles et une nouvelle intervention des États et accélère la recomposition du monde. Reste à savoir si les hommes politiques seront à la hauteur de leur tâche.
Ensemble d'articles, d'éclairages et d'interviews très clairs et jamais lassants, ce livre, à l'origine paru sous la forme d'un hors-série de L'Histoire, permettra au lecteur, même dépourvu de toute connaissance en économie, de mieux comprendre le monde et la situation contemporaine.
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