Depuis leur renaissance à la fin du XIXe siècle, les Jeux Olympiques sont devenus la plus importante manifestation de dimension planétaire et assurément la plus médiatique, ce qui les place au centre d'enjeux politiques et économiques majeurs, parfois sombres et tragiques.
Ces enjeux existaient déjà dans la Grèce antique avec les premiers Jeux, tout comme les problèmes liés à la corruption et à l'argent. Ainsi Athènes et ses alliés excluèrent-ils Sparte de la participation aux Jeux de 424 av. J.-C. en raison de la guerre du Péloponnèse.
Voici ci-après un survol de toutes les olympiades de l'ère moderne, d'Athènes (1896) à Rio (2016)...
Beauté du sport
Les premiers Jeux se suivent avec un succès croissant qui va de pair avec la montée des classes moyennes en Occident et la découverte des loisirs et du sport. L'apparition de la télévision contribue aussi à leur popularité. Les deux guerres mondiales occasionnent deux longues coupures.
Très modestes et quasiment confidentiels, les premiers Jeux de l'ère moderne accueillent 241 participants de 14 nations, les plus nombreux venant de Grèce, Allemagne, France et Grande-Bretagne. La cérémonie d'ouverture n'en recueille pas moins un grand succès d'estime dans le stade antique d'Athène reconstruit pour l'occasion.
Le héros du jour est un berger grec du nom de Spiridon Louis (24 ans) qui remporte l'épreuve du marathon, soit une course de 40 kilomètres entre l'antique champ de bataille de Marathon et le stade d'Athènes. Cette épreuve inédite rappelle l'exploit de Philippidès. À l'occasion des Jeux de Londres, en 1908, sa distance sera portée à 42,195 kilomètres afin que les coureurs puissent partir de la cour du château royal de Windsor.
Croyant bien faire, le baron de Coubertin a souhaité associer cette deuxième édition à l'Exposition universelle du siècle, à Paris, en croyant que leur visibilité s'en trouvait rehaussée. Bien au contraire, ils apparaissent comme une compétition en périphérie de l'exposition, dans le bois de Vincennes. C'est au point que l'on supprime même la cérémonie de clôture.
Ces Jeux permettent toutefois d'assister aux premières compétitions féminines (tennis, golf, voile...) en dépit des préventions du baron de Coubertin.
Les organisateurs reproduisent la même erreur que précédemment en associant les Jeux à l'Exposition universelle de Saint-Louis (Missouri) qui célèbre le centenaire de l'achat de la Louisiane par les États-Unis.
Les Anglais se voient attribuer les Jeux après la défection des Italiens, affectés par une éruption du Vésuve. Organisés à la hâte, ils se déroulent à la perfection. Le vainqueur du marathon, Dorando Pietri, termine la course très largement devant ses concurrents, en 2h54, mais il est disqualifié pour avoir été aidé dans les derniers mètres.
Parfaitement organisés, ces IVe Jeux témoignent de l'arrivée à maturité de la manifestation. Les épreuves sont commentées en direct par une sonorisation et les courses bénéficient d'un chronométrage électrique.
Ces Jeux sont organisés à Anvers en hommage aux souffrances endurées par les Belges pendant la Grande Guerre. Les vaincus en sont exclus (Allemagne, Autriche, Hongrie, Turquie, Bulgarie). C'est la première décision de caractère politique dans l'Histoire de l'olympisme moderne.
Le rituel olympique se met en place avec le serment prêté par les athlètes et les juges et le drapeau aux cinq anneaux entrelacés qui reprend les couleurs de tous les drapeaux du monde.
Pour la deuxième et dernière fois du siècle, les Jeux sont organisés à Paris. Ils recueillent un grand succès malgré le pugilat entre spectateurs à l'issue du match de rugby France-États-Unis. Les organisateurs se dotent d'une devise latine : «Citius, altius, fortius» («Plus vite, plus haut, plus fort»).
Un champion américain de natation fera rêver toutes les femmes longtemps encore après les Jeux. Il a nom Johnny Weissmuller mais est resté plus connu sous celui de... «Moi Tarzan, Toi Jane».
Vainqueurs du triple saut et du 200 mètres brasse, deux Japonais sont les premiers Asiatiques à remporter des épreuves olympiques.
C'est la crise ! Les Jeux se déroulent sur 16 jours au lieu de plus de 79 jours précédemment. Les athlètes sont en nombre réduit mais réalisent de bonnes performances. Les spectateurs sont au rendez-vous et pour la première fois, la manifestation génère des profits (pas moins d'un million de dollars).
Trois ans après son arrivée au pouvoir et un an après le vote de lois antisémites, Hitler veut faire des Jeux une illustration de la supériorité de l'idéologie nazie et de l'Allemagne. C'est la première fois que les Jeux sont ouvertement instrumentalisés par un régime politique, en l'occurence le pire qui soit. De fait, les compétitions se déroulent selon un cérémonial rigoureux. Une cinéaste au service de Hitler, Leni Riefenstahl, va en tirer un film de propagande d'une grande qualité esthétique : Les Dieux du stade (1938).
Deux athlètes vont néanmoins éclairer ces Jeux d'une lumière inattendue. Le premier est le Noir étasunien Jesse Owens qui remporte pas moins de quatre médailles d'or sur le 100 mètres, le 200 mètres, le 4x100 mètres et la longueur. Sur cette dernière épreuve, son concurrent est un Allemand qui ne craint pas de fraterniser avec lui sur le sautoir.
Ensuite, en tant que vainqueur, Jesse Owens est amené à saluer le Führer de loin et celui-ci lui rend son salut en agitant la main (une légende a posteriori voudra qu'il ait préféré quitter la tribune plutôt que lui serrer la main). Jesse Owens rappellera avec amertume dans ses Mémoires qu'il n'était pas mieux traité dans l'Amérique de la ségrégation qu'en Allemagne.
Le deuxième héros des Jeux est le Coréen Son Ki-chong qui remporte le marathon. Officiellement enregistré dans la délégation du Japon, qui occupe la Corée, il dédie néanmoins sa victoire à son pays.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'honneur des Jeux revient naturellement aux Anglais qui ont joué un rôle déterminant dans la victoire sur le nazisme. 59 nations y participent mais l'Allemagne et le Japon en sont exclus. La révélation sportive est un Américain, Bob Mathias, qui remporte le décathlon et devient à 17 ans le plus jeune médaillé masculin de l'Histoire. Les femmes s'attirent aussi beaucoup de succès. Elles sont 390 à côté de 3714 hommes, de quoi faire se retourner le baron de Coubertin dans sa tombe.
Ces Jeux parfaitement organisés voient l'entrée en scène, pour la première fois, de l'URSS. Absente des compétitions depuis la Première Guerre mondiale, l'Union Soviétique comprend l'intérêt de cette tribune sportive à vocation planétaire. Elle va désormais y prendre une part très active en ayant soin de fournir à ses ses athlètes «amateurs» une préparation intensive dans le cadre de l'armée.
La Tchécoslovaquie, «satellite» de l'URSS, est à l'honneur avec la triple performance d'Emil Zátopek (30 ans), qui remporte le 5000 mètres, le 10000 mètres et le marathon. Aux Jeux précédents de Londres, il avait déjà gagné le 10000 mètres. Le jour de sa victoire sur 5000 mètres, son épouse Dana s'offre quant à elle une médaille d'or au javelot.
Melbourne innove à bien des égards. C’est la première fois que les Jeux se déroulent dans l’hémisphère sud et c’est aussi la première fois (et la seule à ce jour) que des Jeux d’été sont scindés : en raison d’une quarantaine très stricte interdisant quasiment aux chevaux d’entrer sur le territoire australien, les épreuves équestres se sont déroulés à Stockholm du 10 au 17 juin, alors que Melbourne accueille les autres sports à la fin de l’automne.
Autre «première» lors de la cérémonie de clôture, les athlètes de tous les pays défilent ensemble et non par pays. Une manière de faire oublier le boycottage de certains pays et d'éviter des rixes comme à l'occasion de la finale de water-polo entre Soviétiques et Hongrois.
Ces boycottages sont aussi une «première» et témoignent de l'aggravation des tensions internationales dans un contexte de décolonisation et de guerre froide.
En raison de l’intervention franco-britannique sur le canal de Suez, l’Égypte, le Liban et l’Irak ont refusé d’y participer. Et pour protester contre l’intervention soviétique à Budapest, l’Espagne, la Suisse et les Pays-bas n’ont pas envoyé d’athlètes à Melbourne. Sans oublier la République populaire de Chine qui s’est abstenue en raison de la présence de Taïwan.
Les Français gardent le souvenir éblouissant de la victoire d'Alain Mimoun (35 ans) au marathon. Cet ancien caporal-chef d'origine kabyle avait failli être amputé d'une jambe à l'issue de la bataille du Mont Cassin, en 1944. La veille du marathon, il apprend que son épouse vient d'accoucher. Parti avec le maillot 13, il l'emporte en 2h25 sur son rival et ami Zatopek...
Ces Jeux qui se déroulent dans le cadre majestueux de la Rome antique sont à proprement parler les derniers de l'«ère européenne». La même année, de nombreux pays d'Afrique noire accèdent à l'indépendance. Par une coïncidence intéressante, le marathon, épreuve reine des Jeux, est remporté cette année-là par un Éthiopien, Abebe Bikila, le premier Africain à gagner une médaille d'or.
Ce coureur aux pieds nus, inconnu de tous, prend son envol devant l'obélisque d'Axoum qui rappelle la conquête de l'Éthiopie par l'Italie ! Dans la nuit, sous la lumière des projecteurs, il arrive triomphal au terme de la course, devant l'arc de Constantin.
L'autre révélation des Jeux de Rome est un boxeur afro-américain, Cassius Clay (18 ans), médaille d'or des poids mi-lourds. De retour chez lui, il se voit empêché d'entrer dans un restaurant chic réservé aux Blancs et de dépit jette sa médaille dans l'Ohio. Devenu un champion de boxe célébrissime, il se convertit en 1965 à l'islam radical et prend le nom de Mohamed Ali. Son itinéraire porte témoignage de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis.
Douloureuse transition vers un monde multipolaire
Pour la première fois, en 1964, les Jeux Olympiques se déroulent sur le continent asiatique, dans un pays non blanc, et qui plus est chez l'un des vaincus de la Seconde Guerre mondiale, le Japon. À l'heure de la décolonisation et de la montée du tiers-monde, il s'agit d'un symbole chargé de sens. Tellement que dès les éditions suivantes, la politique va faire irruption dans les Jeux, de façon généralement violente (...).
La planète foot
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Voir les 4 commentaires sur cet article
Aimé DUPONT (02-08-2016 22:50:13)
Le Vésuve avait fait éruption et non irruption ! Ne confondons pas "entrée" et "sortie" ! Ceci en toute modestie et amitié.
DARCHE (12-07-2016 11:22:48)
Bonjour, Il s'agit du saut en hauteur et non de la perche : l'exploit inédit du sauteur à la perche de Dick Fosbury qui invente le saut dorsal Cordialement ... Lire la suite
Anonyme (12-07-2016 11:20:17)
Bonjour,