Nous avons lu pour vous Chute et mort de Constantinople, 1204-1453, par Jacques Heers (Perrin, 2005, 344 pages, 22,50 euros)
L'Histoire retient que les Turcs ont abattu ce qui restait du vieil empire byzantin.
Jacques Heers montre que ce drame a été rendu possible par les malentendus et les haines entre chrétiens d'Orient et d'Occident, ainsi que par les guerres fratricides entre prétendants au trône impérial.
Jacques Heers nous présente la fin de Constantinople. Cela commence avec son occupation par de curieux «croisés» venus d'Occident (1204). Cela finit avec sa conquête par les Turcs en 1453. Dans cette synthèse lumineuse, le grand historien du Moyen Âge montre l'impact désastreux des croisades sur le dernier reliquat de l'Antiquité romaine.
A lire pour comprendre les rapports difficiles entre les deux parties de l'Europe.
Au départ, il y avait bien sûr des différends religieux concernant le dogme et des querelles de préséance entre le patriarche de Constantinople et le pape de Rome. Cela débouche en 1054 sur une excommunication respective de l'un par l'autre. Dès lors, les chefs des deux Églises affectent de ne plus dialoguer.
Mais Jacques Heers souligne que le fossé entre les deux sensibilités ne devient véritablement profond qu'avec les croisades. Cela commence avec la première, un demi-siècle après la bulle de 1054. Les guerriers francs, qui arrivent en masse à Contantinople en vue de se rendre en Terre sainte, terrifient les Byzantins.
L'empereur voudrait s'assurer que s'ils conquièrent des provinces anciennement byzantines, ils restituent celles-ci à leur ancien propriétaire. Mais les Latins ne l'entendent pas ainsi et se taillent sans vergogne des principautés en Syrie et Palestine.
Les relations entre Latins et Byzantins se dégradent dans les décennies suivantes jusqu'à la tragédie de 1204: les Francs occupent Constantinople et la pillent sous prétexte de restaurer un ancien empereur. Eux-mêmes finissent par élever l'un des leurs à la dignité impériale. De là date l'éclatement des anciennes structures de la société byzantine. Grands propriétaires et seigneurs grecs sont dépossédés de leurs terres au profit des envahisseurs. Des rebelles grecs se taillent des principautés indépendantes à Nicée, Trébizonde...
Quand les Latins sont enfin chassés en 1261 de Constantinople, la nouvelle dynastie byzantine, les Paléologue, échoue à restaurer l'unité de l'empire et sa grandeur.
Querelles de palais et guerres civiles deviennent le lot commun de l'actualité. On se bat entre frères, père et fils, cousins... Et l'on n'hésite pas pour cela à s'allier aux Génois, Vénitiens ou même Turcs. Ces derniers n'ont guère de mal à s'emparer en 1453 de la «deuxième Rome». Massacres, viols et pillages d'une violence inouïe mettent un terme définitif à une Histoire commencée plus d'un millénaire plus tôt.
Cette tragédie est avant tout le résultat des querelles entre chrétiens d'Europe et des luttes fratricides pour le pouvoir à la tête de Byzance. C'est le grand enseignement que l'on tire de ce livre à la lecture agréable, instructive et rapide.
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