Unique enfant d'un menuisier et d'une rempailleuse de chaises, Charles Péguy est l'une des grandes figures morales de la IIIe République. Polémiste, écrivain, poète, dramaturge, socialiste, dreyfusard, catholique, patriote, il est tué sur le front dès les premières semaines de la Grande Guerre...
Il perd son père à l'âge de dix mois et est élevé avec amour par sa mère et sa grand-mère. Il gardera de son enfance le souvenir d'une période laborieuse et néanmoins heureuse. Enfant chéri de l'école républicaine, il parvient grâce à des bourses à entrer en 1894 à l'École Normale Supérieure. Dès l'année suivante, il milite dans une organisation caritative de Paris, La Mie de pain (toujours en activité). Il se rapproche aussi de Jean Jaurès, entre au parti socialiste et prend fait et cause pour le capitaine Dreyfus. Il se passionne aussi pour la figure républicaine et patriotique, bref socialiste, de Jeanne d'Arc. Il consacre à l'héroïne, qui n'a pas encore été canonisée, un drame dédié « À toutes celles et à tous ceux qui seront morts pour tâcher de porter remède au mal universel ».
Avec des amis de la rue d'Ulm (l'ENS), dont Léon Blum, Charles Péguy ouvre une librairie socialiste dans le Quartier Latin à Paris. Il se marie en 1897 avec Charlotte Baudouin, la soeur d'un ami. Le couple aura quatre enfants et l'écrivain gardera une sincère reconnaissance à l'égard de sa femme pour le soutien qu'elle lui aura apporté à travers les difficultés matérielles et les aléas de sa carrière.
Déjà, il est exclu en 1899 de la librairie et des cercles socialistes, du fait de son refus de se plier à la ligne officielle du parti. En janvier 1900, à l'aube du nouveau siècle, il publie une revue bimensuelle, Les Cahiers de la Quinzaine, dans laquelle il ne manque pas de dénoncer les dérives autoritaires qu'il décèle dans le mouvement socialiste.
Après le « coup de Tanger » (1905), il prend conscience de la menace que fait peser l'empire allemand sur la France millénaire. Au pacifiste Gustave Hervé qui publie un brûlot, Leur Patrie, il réplique par Notre Patrie et dès lors prend des positions politiques de plus en plus bellicistes et patriotiques, en tentant de concilier socialisme, patriotisme et christianisme mystique.
En janvier 1908, il confie à son ami Joseph Lotte : « Je ne t'ai pas tout dit… J'ai retrouvé ma foi… Je suis catholique ». Devenu enfin un poète et écrivain renommé, il ne craint pas, à la veille de la Grande Guerre, de fustiger le pacifisme de son ancien ami Jaurès : « la politique de la Convention Nationale c’est Jaurès dans une charrette et un roulement de tambour pour couvrir cette grande voix ». Mobilisé, il écrit à un ami : « Je pars soldat de la République, pour le désarmement général et la dernière des guerres ».
Dans l'après-midi du 5 septembre 1914, au début de la contre-offensive de la Marne, le lieutenant Charles Péguy meurt « à l'ennemi », debout, frappé d'une balle au front, à la tête de ses hommes, près du village de Villeroy (Seine-et-Marne).