En France, les années 1920 et 1930 sont généralement associées à une montée de l’antisémitisme. Laurence Elmalih a décidé d’étudier au contraire le philosémitisme, ce courant d’amitié à l’égard des juifs, durant l’entre-deux guerres. Bien que numériquement faibles, ces mouvements philosémites étaient extrêmement divers et actifs.
Des prêtres et pasteurs aux intellectuels et politiques, en passant par les journalistes, Laurence Elmalih nous fait accéder à toutes ces personnes dont l’engagement philosémite a souvent été oublié par la suite.
Les philosémites n’étaient pas très nombreux, mais le mouvement était très hétérogène. Il regroupait beaucoup de religieux, comme des prêtres, des pasteurs et des congrégations, ainsi que des intellectuels, tel le philosophe Henri Bergson, et des politiques. Il y avait aussi des journalistes, comme Georges Bidault, rédacteur en chef de L’Aube et qu’on connaît aujourd’hui pour son engagement au sein du Conseil National de la Résistance. Même si les musulmans étaient très peu nombreux en France à cette époque, on retrouve la trace d’un imam qui a signé une pétition contre les persécutions des Juifs. C’est d’abord un mouvement qui part des populations qui ne sont pas juives.
Ces personnes n’arrivaient pas tous au philosémitisme pour les mêmes raisons. Certains arrivaient à la suite de débats théologiques, d’autres se ralliaient pour soutenir le sionisme, puis, à partir des années 1930, pour lutter contre l’antisémitisme. Le mouvement évolue ainsi pendant la période. Par exemple, la congrégation Notre-Dame de Sion avait d’abord pour but de convertir les Juifs, avant d’élargir son engagement pour montrer les filiations spirituelles existant entre les Juifs et les catholiques.
En effet, on trouve déjà des traces d’amitiés judéo-chrétiennes durant la Renaissance. En France, le mouvement prend plus d’ampleur au moment de l’affaire Dreyfus. En effet, certains dreyfusards deviennent par la suite philosémites. À cela viennent s’ajouter les débuts du sionisme, avec le théoricien Theodor Herzl, qui sera soutenu par exemple par Charles Gide, l’oncle de l’écrivain André Gide. Toutes ces influences viennent nourrir le mouvement philosémite de l’entre-deux-guerres.
Dans les années 1930, avec l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne, le mouvement philosémite se transforme et de nouvelles initiatives se développent pour prendre la défense des Juifs. On a par exemple des comités d’assistance aux réfugiés qui sont créés. Ainsi, même s’il avait commencé bien avant, le mouvement philosémite se développe réellement en réponse aux événements antisémites de la période.
Même si le mouvement a dû passer dans la clandestinité pendant la Seconde Guerre mondiale, il renaît très vite à la fin des années 1940, notamment avec la création de l’Amitié judéo-chrétienne de France par Jules Isaac en 1948. On considère souvent la génération d’après-guerre comme une “génération spontanée”, mais il est important de voir qu’il y a eu des fondateurs du mouvement philosémite avant eux.
Durant l’entre-deux-guerres, certains Juifs ont essayé de trouver une troisième voie entre une assimilation complète et un repli sur soi. Ils prônent alors les valeurs universelles du judaïsme, comme les idéaux d’humanisme ou de sagesse. Ces idéaux ont perduré par la suite et continuent d’exister aujourd’hui dans les mouvements de fraternité inter-confessionnels.
Laurence Elmalih a soutenu sa thèse “Le philosémitisme en France pendant l’entre-deux-guerres (1919-1939)” en 1999 à l’Université Paul Valéry à Montpellier, sous la direction de Carol Iancu.
Elle travaille aujourd’hui pour la région Occitanie.
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