Le 9 décembre 1868, le chef du parti libéral (whig), William Gladstone, devient pour la première fois à 59 ans Premier ministre du Royaume-Uni. Dans les trente ans qui lui restent à vivre, il va au total former quatre gouvernements.
Ses fortes convictions progressistes le portent à émanciper les catholiques et les israélites, pacifier l'Irlande, développer l'éducation et moderniser les règles démocratiques.
100% Écossais
William Ewart Gladstone naît à Liverpool le 29 décembre 1809, dans la famille d'un riche marchand écossais propriétaire de plantations sucrière aux Caraïbes. Premier ministre de Sa Majesté, il se flattera plus tard de n'avoir « pas une goutte de sang anglais » !
Après des études à Eton et Oxford, il est élu député conservateur (tory) à la Chambre des Communes à l'âge de 23 ans à peine.
On est alors en plein débat autour de l'esclavage et le jeune député, par fidélité familiale, prononce un fervent plaidoyer en faveur de l'odieuse institution dans le premier discours de sa carrière parlementaire.
William Gladstone devient en 1835 Secrétaire d'État à la Guerre et aux Colonies.
Ministre du Commerce dans le gouvernement de Robert Peel, en 1841-1842, il plaide encore pour le libre-échange et l'abrogation des corn-laws qui vise à favoriser l'importation de céréales à bas prix au détriment des cultivateurs anglais. Mais cette question divise le parti conservateur et entraîne la chute du gouvernement en 1846.
À cette occasion se fait jour l'inusable rivalité entre William Gladstone et Benjamin Disraeli, chef du courant conservateur hostile au libre-échange. Tout sépare ces deux hommes, sauf le désir de servir la Couronne.
D'une grande curiosité intellectuelle, Gladstone se passionne pour saint Augustin, Dante et également Homère, auquel il consacre cinq livres.
Animé par des convictions religieuses très rigides, il lui arrive aussi de raccoler des prostituées dans les bas-fonds de Londres pour leur lire la Bible et les remettre sur le droit chemin,ce qui n'est pas sans susciter des sarcasmes chez ses adversaires.
Après son passage dans le gouvernement Peel, Gladstone participe encore à d'autres gouvernements tories. Mais ses convictions religieuses et ses options libérales en matière d'économie le conduisent à s'éloigner des conservateurs et se rapprocher des whigs, qui forment l'autre grand parti anglais. En 1859, il forme avec eux le parti libéral.
Chancelier de l'Échiquier (ministre de l'Économie) dans le dernier gouvernement de lord Palmerston (1858-1866), il a enfin la satisfaction de conclure le traité de libre-échange avec la France.
Palmerston meurt à la tâche à 81 ans. À sa génération succède celle de Gladstone et Disraeli...
Un libéral austère
Gladstone devient enfin Premier ministre en qualité de chef du parti libéral.
L'un des premiers défis qu'il doit relever est la pacification de l'Irlande. Il promet l'autonomie (Home Rule) à ses habitants, ce qui a pour effet d'entraîner une scission dans son propre parti.
Après cette première expérience, il repart en campagne en 1879 en dénonçant les ambitions impérialistes et coloniales de son rival Disraeli, chef du parti conservateur, et ironise sur le titre d'Impératrice des Indes qu'il a offert à la reine Victoria.
Vainqueur des législatives, il forme un deuxième gouvernement le 23 avril 1880. À cette occasion, il parfait la démocratie en introduisant le vote à bulletin secret. En 1884, il complète aussi les réformes de Disraeli par une troisième loi électorale qui donne aux ruraux les mêmes droits que les citadins.
Il retire les troupes britanniques d'Aghanistan et du Transvaal, deux pays où elles sont en difficulté. Par contre, à contrecoeur et en rupture avec ses convictions, il instaure le protectorat britannique sur l'Égypte.
Manque de chance, il va être renversé le 9 juin 1885 pour ne pas avoir secouru à temps le général Gordon, assiégé à Khartoum, dans le Soudan anglo-égyptien, par des insurgés locaux.
L'émotion passée, il retrouve son fauteuil de Premier ministre pendant quelques mois (1er février 1886 - 28 juillet 1886) et une dernière fois le 15 août 1892. Il prend enfin sa retraite le 2 mars 1894, à 84 ans.
La reine, notons-le, déteste Gladstone, « vieil homme sauvage et incompréhensible », autant qu'elle apprécie Disraeli. C'est au point que, contre l'usage, elle lui refuse un siège lors de ses visites protocolaires en qualité de Premier ministre... à l'exception de la dernière, par pitié pour le vieil homme.
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