8 juin 1794

La fête de l'Être suprême

À Paris, le 8 juin 1794 (20 prairial An II), le tout-puissant Maximilien de Robespierre conduit la première fête en l'honneur de l'Être suprême. Par cette cérémonie qui se veut grandiose, civique et religieuse à la fois, l'« Incorruptible » tente de concilier la déchristianisation menée par le Comité de Salut public avec les aspirations religieuses de la grande masse des Français.

Fabienne Manière

L'Être suprême plutôt que Dieu

Depuis l'exécution de son principal rival, Danton, le 5 avril 1794, Robespierre écrase de son autorité le Comité de Salut public (le gouvernement révolutionnaire) ainsi que l'assemblée de la Convention. Celle-ci est dominée par les députés de la Montagne (ainsi nommés parce qu'ils siègent sur les bancs les plus élevés). Alliés aux sans-culottes des sections et des clubs parisiens, ils sont disposés à suivre Robespierre sur le chemin sans fin de la Révolution.

Robespierre a recours à la Terreur contre les citoyens suspects de tiédeur révolutionnaire. Il est décidé d'autre part à mener la déchristianisation de la France à son terme.

Mais l'« Incorruptible » ne veut pas priver le peuple de références religieuses et morales car il caresse l'idéal rousseauiste d'une société vertueuse, démocratique et égalitaire. Lui-même se veut déiste, à l'encontre de nombre de ses anciens adversaires, athées déclarés tels Anacharsis Cloots, « pape des athées » ou encore Danton et Desmoulins. Au Club des Jacobins, il lance : « Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer ! »

À son instigation, la Convention décrète le 18 floréal An II (7 mai 1794) : « Ie peuple français reconnaît l'existence de l'Être suprême et de l'Immortalité de l'âme ». Par la même occasion, elle annonce une grande fête destinée à inaugurer ce nouveau culte fondé sur la raison.

Vive la fête

Arrive le jour fixé pour la fête de la nouvelle divinité sans nom et sans visage. Il coïncide avec le dimanche de la Pentecôte (commémoration par les chrétiens de la révélation de l'Esprit-Saint aux apôtres du Christ). À l'initiative du peintre et conventionnel Louis David, grand ordonnateur des festivités, les maisons de Paris ont été fleuries et enguirlandées pour l'occasion.

Robespierre, en habit bleu à revers rouge, met d'abord le feu à une effigie de l'Athéisme, installée au milieu du bassin des Tuileries. En s'effondrant, elle révèle la statue de la Sagesse !

Puis le dictateur prend la tête d'un cortège magnifique, un bouquet de fleurs et d'épis à la main. Il se rend au Champ-de-Mars où a été dressée une montagne surmontée d'un obélisque et de la statue du Peuple français.

La foule des sans-culottes semble apprécier les effets de scène mais le ridicule de la cérémonie suscite des ricanements dans l'entourage de l'« Incorruptible ». Celui-ci, qui s'en aperçoit, dissimule mal son ressentiment.

Retour à la tradition

Quelques semaines plus tard, la victoire de Fleurus rassure les conventionnels sur le sort du pays Elle les convainc de se défaire d'un chef devenu encombrant et décidément imprévisible. La chute de Robespierre, le 27 juillet 1794 (9 thermidor An II), entraîne la disparition de l'Être suprême.

Les conventionnels n'en ont pas fini pour autant avec les fêtes civiques. Le 11 octobre 1794, ils organisent l'entrée solennelle au Panthéon de la dépouille de leur maître à penser Jean-Jacques Rousseau. Ils créent aussi sept fêtes nationales : fête de la République (1er vendémiaire), fête de la Jeunesse (10 germinal), fête des Époux (10 floréal), fête de la Reconnaissance (10 prairial), fête de l'Agriculture (10 messidor), fête de la Liberté (9 et 10 thermidor - chute de Robespierre ! -), fête de la Vieillesse (10 fructidor).

Dans un ultime effort pour déchristianiser la société, la loi du 9 septembre 1798 instaure la fête du décadi en remplacement du dimanche ; ce jour-là, le président de chaque municipalité, en uniforme d'apparat, doit rassembler les habitants sur la place du village, les informer des lois et des nouvelles, prononcer un sermon civique et célébrer les mariages civils !

Avec le Concordat de 1802, enfin, la religion catholique va retrouver les faveurs des autorités publiques.

Publié ou mis à jour le : 2019-05-31 11:27:22

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