7 millions !

Les soldats prisonniers dans la Grande Guerre

Le Mémorial de Verdun, en partenariat avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a choisi cette année de mettre en lumière les soldats capturés au cours de la Première Guerre mondiale, cent ans après le retour de nombre d’entre eux dans leurs foyers. L’exposition s’intéresse au sort qu’ont connu ces hommes : leur acheminement vers le pays de leur captivité, la vie dans un camp, les lieux de travail, puis le retour au foyer.

Grâce à un parcours immersif et ponctué d’incroyables documents d’archives, glissez-vous dans la peau d’un prisonnier de guerre à partir du 26 juin 2019.

Prisonniers allemands conduits hors du champ de bataille par des soldats français. Vers 1916-1918. Lieu inconnu. Sur l'agrandissement : Guerre 1914-1918. Italie, prisonniers autrichiens)

Coup de projecteur sur les oubliés de la guerre

La thématique des prisonniers de guerre est un objet d’étude qui a longtemps été négligé des historiens. On leur préférait les héros de guerre, les combattants. La commissaire d’exposition Edith Desrousseaux de Medrano l’exprime poétiquement « Comme des ombres silencieuses, les soldats capturés au cours de la Première guerre mondiale traversent les mémoires sans y être souvent remarqués. »

Le premier Français à s’être penché sur la question est Yves Durand dans les années 1980. Mais ce sont les deux millions de prisonniers français de la Seconde guerre mondiale qui l’ont intéressé.

Le renouveau historiographique de ce sujet a eu lieu dans les années 2000. Tous les enjeux internationaux et les thématiques nouvelles, de la surpopulation dans les prisons à la question des réfugiés, ont remis les prisonniers sur le devant de la scène.

Au début de la Grande Guerre, la question des prisonniers ne se posent pas, le conflit ne devant durer que six semaines. Le général Joffre explique que tous les prisonniers qui rentreront à la fin de la guerre devront passer en jugement. À ce moment, on pense qu’un prisonnier, c’est un soldat qui s’est mal battu.

Guerre 1914-1918. Allemagne, camp de prisonniers de Holzminden. L’avenue centrale du camp).

Mais dès la fin de l’année 1914, déjà 350 000 soldats français sont faits prisonniers. Il y en a tellement qu’ils ne peuvent pas être tous des lâches. C’est une prise de conscience pour les chefs de guerre et les civils, de plus en plus nombreux à s’inquiéter suite à la capture de l’un de leur proche.

Ils sont aussi une population particulièrement vulnérable aux yeux des organisations humanitaires comme le CICR, les Comités nationaux de la Croix-Rouge et l’Agence internationale des prisonniers, qui ne ménagent pas leurs efforts à leur sujet.

L’organisation de l’action de la Croix-Rouge représente un défi titanesque durant la Grande Guerre, surtout qu’il faut agir vite et s’adapter à une situation à laquelle personne ne s’attendait. Il faut apporter du soutien aux prisonniers, adoucir leurs conditions de vie, les mettre en relation avec leur famille. Le CICR parvient à manœuvrer des échanges de prisonniers et l’internement de milliers de prisonniers dans les pays neutres.

Mais le véritable « retour au pays » n’a lieu qu’à la fin de la guerre pour la majorité des prisonniers. Au total, c’est entre 6,6 et 7 millions de soldats qui auraient été capturés pendant la Grande Guerre.

La question de l’internationalisation de la captivité

Qui dit conflit mondial, dit diaspora de prisonniers à travers les continents. Evidemment, les « effectifs » ne sont pas équitablement répartis. En 1918, les Allemands contrôlent à eux seuls, 2,5 millions de prisonniers.

Guerre 1914-1918. Serbie, vue d’un camp de prisonniers de guerre bulgares et turcs). Sur l'agrandissement : 1918. Palestine. Groupe de 600 prisonniers turcs et allemands en mains britanniques)Des hommes se retrouvent à des milliers de kilomètres de chez eux dans des lieux inconnus, en proie à l’ennemi. Pour ne pas se laisser dépérir, il faut meubler l’attente et lutter contre le désespoir. Chaque heure doit être vécue et occupée, et, pour cela, de nombreux objets (que présente l’exposition) font partie intégrante du quotidien du soldat.

Lettres, carnets, spectacles, broderies, musique, lecture, chacun occupe sont temps comme il l’entend. Certains suivent des cours, c’est notamment le cas du Dr Georges Guiselain, qui a appris le métier lors de sa captivité à Rastatt et Graudenz.

Comme le maréchal Joffre, les Italiens pensent la même chose de leurs prisonniers. Aux captifs italiens détenus en Autriche-Hongrie, ils refusent d’envoyer des colis. Ils parlent même des « vacanciers de l’autre-côté des Alpes ».

Justement, est-ce que la captivité ressemble à des vacances ? Loin de là. Les situations diffèrent forcément selon plusieurs facteurs comme les grades des prisonniers ou les régions du monde. Mais, loin de se tourner les pouces, la majorité des prisonniers sont envoyés dans des camps de travail.

Ils sont donc un enjeu économique essentiel car représente des forces de travail disponibles précieuses dans des pays dépourvus d’hommes jeunes, partis sur les champs de bataille.

Une exposition riche et immersive

L’exposition suit un itinéraire bien mené, qui nous plonge dans la vie du prisonnier de guerre. Cette immersion s’articule autour de quatre salles : vers les camps (capture et transfert), vie dans les camps (travail), autour des prisonniers et quitter le camp. C’est dire qu’on suit le parcours du début à la fin de la captivité.

Tout au long de la visite, projections, photographies, archives personnelles et publiques accompagnent les cent-cinquante objets issus de la collection du Mémorial de Verdun, des archives du CICR, de musées partenaires et de collections privées. Les témoignages personnels et œuvres d’artistes viennent apporter une touche intime qui invite à la proximité du visiteur avec l’Histoire.

Grâce aux enregistrements sonores authentiques, on peut entendre résonner les voix et les chants de prisonniers qui s’expriment dans plus d’une vingtaine de langues et dialectes.

L’exposition se termine dans un espace dédié au rôle du CICR auprès des prisonniers dans les différents conflits depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui.

Enfin, une borne de consultation permet aux visiteurs de rechercher parmi les 6 millions de fiches créées par l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG) entre 1914 et 1918. Elles ont été numérisées et mises en ligne à la suite d’une longue campagne de sauvegarde. Ces archives de l’AIPG sont inscrites depuis juin 2007 au Registre de la Mémoire du Monde de l’UNESCO. Une touche finale qui incarne le propos et redonne vie et humanité aux prisonniers de guerre.

Mémorial de Verdun. Musée et lieu de mémoire de la bataille de Verdun.

Informations pratiques

EPCC Mémorial de Verdun
Champ de bataille
1, avenue du Corps Européen
55100 Fleury-devant-Douaumont
Du 26 juin au 31 août 2019
Tous les jours de 9h30 à 19h

Publié ou mis à jour le : 2021-06-22 16:06:06

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