Le dernier épisode de la guerre d'Algérie a lieu à Oran le 5 juillet 1962, le jour même de la proclamation officielle de l'indépendance algérienne et deux jours après son indépendance effective.
Cette grande ville de la côte occidentale (400 000 habitants) était la seule à majorité européenne pendant la période coloniale. Quarante mille pieds-noirs, dont 15% de juifs, y étaient encore présents au lendemain de l'indépendance. D'autres, fuyant le bled (la campagne), s'y étaient installés dans l'attente d'un hypothétique exode. Mais les moyens de transport faisaient défaut et le port était embouteillé, le gouvernement français n'ayant pas accru les rotations de navires.
Une ville sous tension
Dès le mois d'avril 1962, après les accords d'Évian et le massacre de la rue d'Isly (Alger), des habitants d'Oran se sont disposés à gagner la métropole. Dans le même temps, l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète) s'en prend aux musulmans de la ville. L'atmosphère est électrique.
Du 1er juillet, date du vote de l’indépendance, jusqu’au 4, il y a en ville quelques défilés de voitures surchargées de musulmans, hommes et femmes hurlant des slogans et des you-you, plutôt bon enfant… Le 5 juillet 1962, la radio donne l'ordre aux habitants d’ouvrir les magasins, les bureaux et de reprendre le travail.
Mais dès le matin, une foule déferle des quartiers arabes vers les quartiers européens, de la place Kargentah vers la Place d’Armes, « pour un défilé pacifique ». La plupart des manifestants n'en sont pas moins armés.
À 11 heures, un coup de feu retentit sur la place d’Armes, un signal sans doute. Des cris jaillissent : « L’OAS, c’est l’OAS qui nous tire dessus ! ». C'est le début d'un carnage : une chasse à l’Européen commence, sauvage, systématique, dans toute la ville. Partout des chasses à l’homme menées aux cris de « Mort aux Roumis ! », « Mort aux Youdis ! ». Les tueurs sont innombrables. On égorge, on tue au revolver ou à la mitraillette, on prend des rues en enfilade, tuant tout ce qui bouge, on pénètre dans les restaurants, les magasins, les appartements, assassinant les pauvres gens avec des raffinements de cruauté, arrachant des yeux, coupant des membres.
Les auxiliaires de l'armée algérienne, les ATO, emmènent les Européens prisonniers par longs cortèges vers le commissariat central où ils sont battus et tués, ou vers le Petit Lac, ou vers la Ville Nouvelle. Pourtant, dans cette folie sanguinaire, des musulmans sauvent des Européens, d’autres font délivrer des prisonniers.
Le général Joseph Katz, qui commande les 18 000 soldats français encore à Oran, survole la ville à plusieurs reprises. Il téléphone au président Charles de Gaulle pour l’informer de l’ampleur du massacre et demander l'autorisation d'intervenir. « Surtout, ne bougez pas ! » lui est-il répondu. Par les accords d'Evian, en effet, le gouvernement français a accepté - contre l'avis des militaires - que le maintien de l'ordre relèverait exclusivement des autorités algériennes à compter du jour de l'indépendance. Les soldats restent donc dans les casernes.
Plusieurs officiers, toutefois, désobéissent aux ordres et sauvent de nombreux compatriotes. Parmi eux le lieutenant Rabah Kheliff (harki) du 30e BCP qui libère avec une partie de sa compagnie une colonne d’une centaine de femmes, vieillards et enfants. Il sera « mis aux arrêts de rigueur ».
La tuerie dure près de six heures. À Paris, des messages arrivent des chancelleries occidentales : « Que se passe-t-il donc à Oran ? ». Finalement, à 17 heures, les gendarmes et soldats français reçoivent enfin l'autorisation de quitter leurs casernes et sortir dans la rue. Le calme revient aussitôt. Les cadavres jonchent la ville, on en trouve pendus aux crocs des bouchers, dans des poubelles… Dans la chaleur de juillet, la puanteur est horrible. Soldats français et algériens déversent par camions les cadavres dans des fosses creusées dans le quartier du Petit Lac et les couvrent de chaux vive. Nul ne sait le bilan exact du massacre.
On parle dans les semaines qui suivent de plusieurs centaines de morts. Les représentants des pieds-noirs évoquent le chiffre de 2 000 non compris quelques centaines de disparus… Des disparus qui seront signalés plus tard dans les mines de l’Algérie, dans des prisons, des maisons closes et des bars à soldats...
Le drame d'Oran va accélérer l'exode des pieds-noirs vers la métropole au nom de l'alternative : « La valise ou le cercueil ». Il met fin à l'espoir d'une cohabitation entre anciens colons et musulmans dans l'Algérie indépendante.
D'après Geneviève de Ternant, L'agonie d'Oran (3 volumes), édition Gandini, 2001
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Voir les 9 commentaires sur cet article
Pierre (20-10-2017 16:33:34)
On ne comprend pas l'omerta qui existe sur ce sujet, tant de la part de la presse indépendante qui défend en principe la vérité des faits, que des politiques. Le comportement d'un homme comme De ... Lire la suite
thorepenn (11-07-2017 11:25:10)
Ce 5 juillet je suis parti vers 8 heures du quartier St Charles pour aller travailler à Eckmul, tout le long de la rue de Mostaganem et de l'Avenue d'Oujda tout était normal,ce n'est qu'en quittant... Lire la suite
Mazers (05-07-2017 21:13:25)
Le massacre d'Oran est un événement tragique qui s'ajoute à tous ceux, nombreux, de même nature intervenus en Algérie entre le 19 mars 1962 et le 5 juillet 1962, notamment à ce titre il y a lie... Lire la suite